Discours du Trône à Queen’s Park sur fond d’incertitude économique

TORONTO – Le gouvernement libéral de l’Ontario a réitéré, dans un discours du Trône, le jeudi 3 juillet, son intention d’investir massivement dans la création d’emplois et l’infrastructure, malgré l’avertissement que lui a servi, la veille, l’agence de notation de crédit Moody’s.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org @fpdufault

Les troupes de Kathleen Wynne – réélues avec un mandat majoritaire à l’issue du scrutin du 12 juin – ont dit garder le cap sur des « investissements publics stratégiques », et ce, sans compromettre un retour à l’équilibre budgétaire au cours de l’exercice financier 2017-2018.

Les libéraux ont repris, dans ce discours inaugural du 41e parlement ontarien, toutes les grandes promesses de leur plus récent budget, mort au feuilleton lors du déclenchement d’élections générales, le 2 mai. Ils ont promis de reconduire des engagements d’environ 6 milliards $ en matière de création d’emplois, d’éducation et de transports, notamment.

Or, selon Moody’s, là n’est pas le moment de dépenser.

L’agence de notation a jugé, le 2 juillet, qu’une « faible croissance économique » et « des déficits plus élevés que prévu » font de l’Ontario un marché plus risqué pour les prêteurs. Si bien qu’elle a revu, de stable à négative, son appréciation de la perspective économique de la province.

L’Ontario doit abattre un déficit de 12,5 milliards $.

Une réduction de la cote de crédit de la province pourrait se traduire par une augmentation des taux d’intérêts sur ses emprunts.

« Je ne crois pas que l’économie fonctionne de façon séquentielle », s’est défendue Mme Wynne, peu après la lecture du discours du Trône, le 3 juillet. « Je ne crois pas qu’il faille d’abord s’occuper du déficit, pour ensuite bâtir une main-d’œuvre qualifiée. Je ne crois pas qu’il faille d’abord s’occuper du déficit, pour ensuite s’assurer d’avoir une bonne infrastructure ».

« L’économie ontarienne a repris de la vigueur, mais reste fragile, ce qui crée de l’incertitude », a tout de même concédé le clan libéral dans le discours du Trône qu’a lu le lieutenant-gouverneur David C. Onley à l’ouverture de la 41e législature provinciale.

Il s’agissait, par ailleurs, de la dernière fonction officielle de M. Onley avant de passer le flambeau à sa successeure désignée, Elizabeth Dowdeswell.

Mesures d’austérité

Bien qu’elle ait beaucoup mis l’accent sur les investissements, Kathleen Wynne s’est aussi dite prête à donner un coup de barre dans le sens de l’austérité, à la veille de nouvelles négociations collectives dans la fonction publique provinciale.

« Votre gouvernement (…) continuera à dépenser de façon judicieuse dans tous les secteurs, y compris ceux de la santé et de l’éducation », a lu David C. Onley devant les parlementaires, le 3 juillet. « Il n’allouera pas de fonds supplémentaires aux fins de l’augmentation de la rémunération et tirera meilleur parti des biens qu’il possède ».

Le gouvernement libéral à Queen’s Park a annoncé le dépôt « pour adoption rapide », le 14 juillet, d’un calque du budget présenté à la veille de la récente campagne électorale.

Craintes de compressions

Dans les rangs de l’opposition qui, ironiquement, promettait de réduire la taille de l’État sur le champ de bataille électoral, on a dit craindre que le plan libéral n’occulte d’importantes compressions.

« Ce qui m’inquiète, si le gouvernement dépense autant qu’il le promet dans ce discours du Trône, c’est qu’on manque d’argent pour nos programmes de base comme la santé et l’éducation », a laissé entendre Jim Wilson, chef progressiste-conservateur par intérim. « Il y aura des hausses d’impôts ou des compressions importantes », a-t-il insinué.

M. Wilson a pris la relève de Tim Hudak dans l’attente du choix d’un nouveau chef de l’opposition officielle, le 2 juillet, après que son parti, ulcéré par la défaite électorale du 12 juin, eu poussé son ex-leader démissionnaire vers la sortie plus tôt que prévu.

M. Hudak a d’ailleurs brillé par son absence lors de la lecture du discours du Trône, le 3 juillet.

La lecture du discours du Trône, le 3 juillet, était la dernière fonction officielle du lieutenant-gouverneur David C. Onley avant de passer le flambeau à sa successeure désignée, Elizabeth Dowdeswell.  (Photo: François Pierre Dufault)
La lecture du discours du Trône, le 3 juillet, était la dernière fonction officielle du lieutenant-gouverneur David C. Onley avant de passer le flambeau à sa successeure désignée, Elizabeth Dowdeswell.
(Photo : François Pierre Dufault)

De l’avis des néo-démocrates, le plan libéral pourrait mener à des compressions semblables à celles que promettait M. Hudak durant la récente campagne électorale, soit d’abolir 100 000 postes dans la fonction publique pour équilibrer plus rapidement les finances de la province.

« C’est un plan qui revêt un habillage progressiste. Mais, à mon avis, les Ontariens seront étonnés lorsqu’ils en saisiront toute la portée », a déclaré Andrea Horwath, chef de la deuxième opposition à Queen’s Park, peu après la lecture du discours du Trône.

Ce sont les néo-démocrates qui, rappelons-le, ont forcé le déclenchement d’élections hâtives, le 2 mai, lorsqu’ils ont refusé d’appuyer le plus récent budget du gouvernement libéral, alors minoritaire.

Les francophones optimistes

L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) s’est montrée optimiste après la lecture d’un discours du Trône faisant, une fois de plus, mention de l’amélioration de l’accès aux programmes d’études postsecondaires en français.

« Il semble y avoir une volonté de continuum au niveau du postsecondaire en français », a fait valoir Gilles LeVasseur, vice-président de l’organisme porte-parole des quelque 611 500 francophones de la province. « Mais il ne faut rien prendre pour acquis. C’est à nous de faire les suivis ».

Le gouvernement Wynne a débloqué, en 2013, une somme de 14,5 millions $ sur deux ans pour créer de nouveaux programmes d’études collégiales et universitaires en français dans le centre et le sud-ouest de la province, où le taux d’accès est le plus bas.

L’AFO a aussi promis, d’autre part, de veiller au grain pour s’assurer que les entreprises francophones obtiennent leur juste part des octrois de 2,5 milliards $ sur dix ans avec lesquels Queen’s Park entend stimuler la création d’emplois. « On veut certainement que les francophones prennent leur place », a insisté M. LeVasseur à TFO.

L’Association des enseignants franco-ontariens (AEFO) s’est, de son côté, dite prête à négocier de bonne foi de nouveaux contrats de travail pour ses quelque 10000 membres, à compter du 31 août.

« Nous sommes très conscients de la situation financière du gouvernement et nos demandes sont raisonnables. Mais, nous ne voulons pas revivre les retranchements majeurs des dernières négociations. Nous avons fait notre part », a signalé Carol Jolin, président de l’AEFO, joint par TFO.

Les enseignants de l’Ontario ont écopé, entre autres, d’un gel de leurs salaires d’une durée de deux ans et perdu le privilège d’accumuler leurs congés de maladie lors des dernières négociations contractuelles avec le gouvernement, en 2012.

LES FAITS SAILLANTS DU DISCOURS DU TRÔNE

La création d’un fonds pour l’emploi et la prospérité de 2,5 milliards $ sur dix ans;

La création d’un fonds pour les transports de 29 milliards $ sur dix ans, partagé équitablement entre la grande région de Toronto et le reste de la province;

La création d’un régime provincial de retraite, pour complémenter le Régime de pensions du Canada;

La mise sur pied, dans un délai de 60 jours, d’une société de développement du Cercle de feu, dotée d’une enveloppe de 1 milliard $ pour pistonner l’exploitation minière dans cette région du nord-ouest de la province;

Le retour à l’équilibre budgétaire au cours de l’exercice financier 2017-2018.