Discours du trône : les dossiers francophones passés sous silence

La lieutenante-gouverneure Elizabeth Dowdeswell. Source YouTube Assemblée législative de l'Ontario

TORONTO – 111 jours après la prorogation de l’Assemblée législative par le premier ministre ontarien, Doug Ford, le retour des travaux parlementaires et le traditionnel discours du trône qui les introduit étaient attendus de pied ferme, notamment de la part de la communauté francophone de la province. Toutefois, cette dernière a vite déchanté devant l’absence remarquée des sujets liés à la francophonie au profit de la pandémie.

C’est reparti pour un tour! Le coup d’envoi de la deuxième session de la 42e législature de l’Ontario vient d’être donné ce 4 octobre par la lieutenante-gouverneure, Elizabeth Dowdeswell.

Très attendu par l’ensemble des acteurs économiques, sociaux, culturels et politiques de la province au regard de son caractère annonciateur des grandes lignes directrices à venir, le discours de la représentante de la Reine n’a pas fait que des heureux, les francophones en premier lieu. Et pour cause, aucune affaire susceptible d’intéresser les Franco-Ontariens n’y a été abordée.

Pourtant, à l’instar de la modification de la Loi sur les services en français, la pénurie de la main-d’œuvre dans des secteurs clés comme l’éducation ou encore le casse-tête des régions désignées pour ne citer que ceux-là, beaucoup de dossiers brulants attendaient que le gouvernement statue enfin dessus. Aucun mot en français n’a par ailleurs été prononcé durant l’allocution de la lieutenante-gouverneure.

Le député néo-démocrate Michael Mantha. Source : YouTube Assemblée législative de l’Ontario

« On n’a pas du tout parlé en français pendant ce discours », s’indigne Lucille Collard, députée libérale d’Ottawa-Vanier. « C’est un signe que le gouvernement actuel ne comprend pas l’importance de la place des francophones et de leur contribution à l’Ontario. Pourtant, le drapeau franco-ontarien a été reconnu de façon législative comme un emblème officiel et flotte dorénavant à l’assemblée. M. Ford n’avait qu’à lever les yeux. »

Même son de cloche de la part du député néo-démocrate, Michael Mantha qui s’insurge contre le fait qu’« on n’a pas entendu d’objectifs, d’idées, de vision pour répondre aux besoins de la communauté francophone dans le discours du trône. C’est un signe et un gros message du gouvernent Ford qu’il a, une fois de plus, oublié cette communauté ».

Une teneur de discours prévisible

Selon Lucille Collard, cette omission de la francophonie dans le discours du trône n’a rien de surprenant puisqu’elle ne date pas d’hier.

« C’était la même chose en 2018 quand le gouvernement Ford a fait son premier discours. Il n’avait pas fait mention non plus des affaires liées à la francophonie alors qu’on a fait des avancées significatives », rappelle-t-elle.

Et d’ajouter : « Il y a des francophones qui ont aussi besoin qu’on s’adresse à eux. Mais, malheureusement, le gouvernement dit beaucoup de choses qui ne sont pas suivies par des actions concrètes. Dire qu’on comprend l’importance des francophones et ne pas leur parler en français ou ne pas introduire un minimum de français dans le discours du trône dénote d’un manque d’intérêt de la part du gouvernement. »

Lucille Collard, députée libérale d’Ottawa-Vanier. Crédit image : Soufiane Chakkouche

De son côté, l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO) ne cache pas sa déception. « Non seulement le gouvernement Ford reste silencieux au sujet de l’éducation, mais il n’ajoute rien pour améliorer les conditions de santé et de sécurité des élèves, comme la réduction de la taille des classes afin d’assurer de meilleures modalités de distanciation et une protection supplémentaire pour freiner la transmission aérienne du virus comme la distribution de masques N99 pour le personnel et les élèves dans les écoles », réagit la présidente Anne Vinet-Roy.

La part belle à la pandémie

Si la représentante du Buckingham Palace n’a pas touché un mot à propos de la chose francophone, elle a, en revanche, fait la part belle à la pandémie.

Pour preuve, ce sujet a occupé plus de 90% du temps du discours. D’après Elizabeth Dowdeswell, « même si nous pouvons être fiers des progrès que nous avons accomplis, nous ne pouvons pas nous laisser bercer par un faux sentiment de sécurité. Le gouvernement demeurera vigilant face à la menace permanente que représente cette pandémie ».

Ceci dit, il n’y a pas que les affaires francophones qui ont fait défaut en ce 4 octobre.

Plusieurs dossiers attendus sur la table de Queen’s Park ne figuraient pas au menu royal. « C’était étonnant de ne pas entendre parler de l’éducation, de la petite enfance et le problème des garderies. Gros silence radio également concernant le dossier de l’environnement qui représente un enjeu majeur pour les Ontariens », fait remarquer Lucille Collard.

Quant à savoir, empirisme oblige, si cette absence des affaires francophones dans le discours du trône est de mauvais augure pour la suite, la nouvelle porte-parole libérale de l’Ontario pour les services sociaux et communautaires et les services à l’enfance assure qu’elle et son parti veilleront à ce qu’ils ne prennent pas la poussière dans les tiroirs ministériels ou à disparaitre comme par magie.

Cet article a été mis à jour le 5 octobre 2021 à 13h.