Disparition du militant franco-ontarien Yves Saint-Denis

Yves Saint-Denis avec son épouse, Hélène, au dernier défilé de la Saint-Jean Baptiste à Montréal. Crédit image: Diego Elizondo

CHUTE-À-BLONDEAU – Figure marquante de l’Ontario français, le militant franco-ontarien Yves Saint-Denis est décédé à l’âge de 78 ans. Il laisse derrière lui un héritage colossal.

C’est un personnage incontournable de la francophonie ontarienne de l’Est qui s’est éteint, lundi 9 septembre. Personnage haut en couleur, passionné de l’Ontario français, de son histoire et de sa culture, Yves Saint-Denis a perdu son combat contre le cancer.

Originaire de Chute-à-Blondeau, cet ancien professeur dans les collèges classiques, puis chef de la Section du français à l’École secondaire de Plantagenet à partir de 1970, était également animateur culturel et militant de la francophonie.

« M. Saint-Denis nous a laissé un souvenir impérissable. Il a marqué notre adolescence par son riche enseignement du français et sa pédagogie stimulante. Nous aurons une reconnaissante pensée pour cet homme remarquable », partage sur la page de condoléances de M. Saint-Denis, André Savoie, au nom des anciens étudiants du Séminaire Montfort de Papineauville, année 1967.

Yves Saint-Denis (à gauche avec une casquette), en famille, lors de la manifestation du 1er décembre 2018, à Ottawa. Source : Facebook

M. Saint-Denis avait la particularité de soutenir la souveraineté du Québec, tout en étant un défenseur très ardent de l’Ontario français.

« J’ai travaillé toute ma vie pour l’Ontarie, et en 1981, je me suis donné pour mission de faire connaître l’Ontario français au Québec, et j’ai trouvé une bonne oreille au Parti Québécois dont j’étais membre fondateur », expliquait-il à ONFR+, en avril 2017. « Le Bloc québécois est là pour nous défendre. Il faut se méfier du bilinguisme, mais plutôt parler de la dualité linguistique. (…) Le beau rêve de Pierre Elliot Trudeau dans les années 60, il faut l’oublier, c’était mauvais. »

Un héritage majeur

Sa contribution à la communauté franco-ontarienne en a fait un « monument de l’Ontario français », comme le surnommait récemment le journaliste du quotidien Le Droit, Denis Gratton, dans une grande entrevue. Il faut dire que ses engagements ont été nombreux à travers le temps.

Président fondateur de la section régionale de l’Association des enseignants franco-ontariens (AEFO), en 1972, il a également été le président fondateur de l’Association canadienne-française de l’Ontario (ACFO) de Prescott-Russell en 1973, puis président de l’Association canadienne-française de l’Ontario au niveau provincial, de 1980 à 1982, devenue plus tard l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO).

En signe de commémoration, l’AFO a d’ailleurs invité la communauté à mettre en berne les drapeaux des monuments de la francophonie de l’Ontario et des écoles de langue française le 19 septembre prochain, journée de ses funérailles.

« On se rappellera de son travail incessant à tisser des liens entre l’Ontario français et le Québec, sa passion contagieuse pour l’histoire franco-ontarienne et son implication infatigable dans la communauté. Sa vie entière fut dévouée à la défense du fait français en Ontario. ‘L’Ontarie’ comme il plaisait à dire, lui doit beaucoup », dit le président de l’AFO, Carol Jolin, dans une déclaration écrite.

Yves Saint-Denis et son épouse, Hélène, se sont joints à la délégation franco-ontarienne du défilé de la Saint-Jean-Baptiste à Montréal, en 2019. Crédit image : Benjamin Vachet

« Yves était un homme fort et courageux. Il était fier de sa langue française et travaillait toujours pour cela », écrivent Francine et Michel Cousineau.

La politologue de l’Université d’Ottawa, Linda Cardinal, parle d’un « homme intègre qui a consacré sa vie à l’avancement de la francophonie partout au pays », sur Twitter. 

Originaire d’Hawkesbury, son collègue de l’Université d’Ottawa, Martin Normand, renchérit : « Je l’ai rencontré à plusieurs reprises. On pouvait avoir des désaccords, mais on ne peut nier qu’il était un passionné de la francophonie canadienne et qu’il souhaitait ardemment l’amélioration de ses conditions ». 

La Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) souligne la disparition « d’un pilier de la francophonie ontarienne et canadienne, un grand défenseur de plusieurs luttes en Ontario français qui avait toujours à cœur la jeunesse franco-ontarienne ».

Un avis que partage le député fédéral de Glengarry-Prescott-Russell, Francis Drouin : « Nous avons perdu un grand pilier de la francophonie canadienne ».

Ancien conseiller scolaire au Conseil des écoles catholiques de Prescott et Russell, de 1974 à 1980, il a siégé sur le Conseil des affaires franco-ontariennes (CAFO) de 1976 à 1978, et comme trésorier national de la Fédération des francophones hors Québec (FFHQ), l’ancêtre de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, de 1981 à 1985. Il a également participé au Mouvement c’est l’Temps!

« Toutes nos sympathies à la famille et aux proches d’un grand Franco-Ontarien qui nous a quittés. Yves Saint-Denis a milité au sein de plusieurs organismes, dont la FCFA. Un activiste qui a défendu le français, l’#onfr et la #frcan avec passion », gazouille d’ailleurs l’organisme porte-parole des francophones en contexte minoritaire.

M. Saint-Denis faisait aussi partie des membres fondateurs du Secrétariat permanent des peuples francophones d’Amérique, en 1981, et a également été rédacteur et éditeur du journal nationaliste, L’Action Nationale.

De nombreux honneurs

Auteur d’une thèse de doctorat sur l’historien national des Canadiens-Français Lionel Groulx, on lui doit aussi de nombreux articles et une douzaine de publications, dont une petite histoire franco-ontarienne illustrée qui a servi de source au spectacle L’Écho d’un Peuple, en 2000, dont son fils, Felix Saint-Denis, est le créateur et le directeur artistique.

Au sein du mégaspectacle franco-ontarien, Yves Saint-Denis occupait le poste de co-concepteur, comédien et conseiller en histoire, tout en ayant également occupé sa présidence.

Yves Saint-Denis lors de la remise de la Médaille Bene Merenti de Patria par le président de la Société Saint-Jean-Baptiste, Maxime Laporte. Crédit image : SSJB

Au cours de sa carrière, M. Saint-Denis a reçu l’Ordre des francophones d’Amérique, en 1988, le Prix Séraphin-Marion, en 1989, l’Ordre de la francophonie, en 2000, et cette année, la médaille d’argent « Bene Merenti de Patria » de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal qui souligne « les mérites d’un compatriote ayant rendu des services exceptionnels à la patrie ».

Bien qu’affaibli, il avait participé à la manifestation franco-ontarienne contre les compressions du gouvernement Ford, à Ottawa, le 1er décembre, et fait le déplacement avec la délégation franco-ontarienne, le 24 juin dernier à Montréal, pour participer au défilé de la Saint-Jean-Baptiste.

Les funérailles de M. Saint-Denis auront lieu le jeudi 19 septembre, à 14h, à l’Église Saint-Joachim, à Chute-à-Blondeau.