Division autour de l’université franco-ontarienne

Pour le chroniqueur Serge Miville, le projet de création d'une université franco-ontarienne, c'est l'temps! Archives, #ONfr

SUDBURY – L’Association des étudiantes et étudiants francophones (AEF) de l’Université Laurentienne remet en question le projet de création d’une Université franco-ontarienne (UFO).

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Après les échanges houleux du jeudi 3 mars à Queen’s Park, le débat entourant la création d’une université franco-ontarienne se déplace désormais dans le milieu étudiant francophone.

Dans un communiqué publié vendredi 4 mars, l’AEF brise l’unité qui semblait régner jusqu’ici dans le dossier. Alors que le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) et ses partenaires de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) et de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) pressent le gouvernement d’agir pour doter l’Ontario français d’une université « par et pour » la communauté, les membres du Conseil des délégués de l’AEF ont « fait entendre à l’unanimité leur désapprobation du projet de l’Université de l’Ontario français, tel que présenté par la députée néo-démocrate de Nickel Belt, Mme France Gélinas, et appuyé par maints organismes francophones provinciaux, tels que la FESFO, le RÉFO et l’AFO ». Cette décision a été prise lors de la réunion mensuelle de février de l’AEF, précise le communiqué.

Si les délégués de l’AEF reconnaissent « l’incroyable manque d’accès à l’éducation postsecondaire de langue française dans la région du centre et du sud-ouest de la province et sont en accord que l’on doit mieux desservir les étudiants francophones de la région », ils disent croire qu’un investissement de la part de la province chez les programmes et les institutions existants serait « plus efficace pour améliorer la situation que de repartir à zéro ».

« Militer est une chose, mais il est important de rester réaliste et pragmatique », affirme le président de l’AEF, Alex Tétreault. « En tant que francophones en Ontario, nous reconnaissons les énormes luttes qui ont eu lieu dans notre histoire. Mais la vieille mentalité militante ne résonne plus chez les jeunes franco-ontariens, qui choisissent de se détourner en plus grands nombres de leur langue et de leur culture. Ils ne s’y identifient plus. Construire « notre » université ne changera pas ce fait. Il est clair qu’il doit y avoir un changement au sein du mouvement franco-ontarien si on ne veut pas perdre la relève. »

Craintes pour le nord

Les étudiants de l’AEF disent craindre « les répercussions de la création d’une université franco-ontarienne dans le nord, où l’Université Laurentienne dessert la majorité de la population, qui ne peut pas se permettre dans certains cas de se déplacer dans une ville aussi coûteuse que Toronto ».

« L’augmentation de l’accessibilité pour les gens du centre et du sud-ouest ne devrait pas entraver l’accès à l’éducation des autres jeunes francophones de la province. »

L’AEF dit toutefois ne pas entièrement rejeter le projet.

« Nous ne cherchons pas à rejeter le projet carrément. Au contraire, nous croyons qu’il est important d’avoir une réelle discussion avec les gens du nord, qui, d’après les entretiens que j’ai eus avec eux, ne sont pas complètement vendus sur l’université franco-ontarienne, pas par principe, mais parce qu’il reste encore des questions valides à adresser avant que le RÉFO et les autres organismes puissent recevoir leur appui. Nous ne pensons pas que l’appui pour le projet soit aussi unanime qu’on nous le fait croire. »

Le RÉFO calme le jeu

Joint par #ONfr, la coprésidente du RÉFO, Rym Ben Berrah, a réagi par écrit au communiqué de l’AEF. Elle tente de calmer les craintes des étudiants de l’AEF.

« Comme les membres de l’AEF, nous croyons qu’il est essentiel d’augmenter l’accès aux programmes postsecondaires dans le nord de la province afin de mieux retenir nos jeunes francophones dans cette région. Par ailleurs, l’un des quatre constats des États généraux sur le postsecondaire en Ontario français concernait l’amélioration de l’accès aux programmes en français tant dans le nord que dans le sud et dans l’est de la province ».

La coprésidente remet toutefois en cause l’analyse de l’association étudiante de l’Université Laurentienne.

« La communauté franco-ontarienne, y inclus de nombreux étudiant.e.s membres de l’AEF, nous ont indiqué pendant les États généraux que le modèle des universités bilingues ne répond pas suffisamment à leurs besoins et que la gouvernance d’une université de langue française reste le meilleur moyen pour assurer la pérennité et le développement à long terme du secteur universitaire franco-ontarien. D’ailleurs, nous avons toujours été clair que le projet de nouvelle université franco-ontarienne ne doit pas réduire les services déjà disponibles au niveau universitaire, mais bien-sûr les renforcer et les bonifier ».

À la veille de l’assemblée générale annuelle du RÉFO, le 6 mars, à Toronto, le débat s’annonce houleux, d’autant que l’AEF précise qu’elle enverra une délégation pour soulever les questions et les inquiétudes exprimées par ses membres. L’association glisse qu’elle entretient des « relations tendues (avec le RÉFO) depuis quelques années ». Avant ce rendez-vous, Mme Ben Berrah tente de clamer le jeu et se tourne de nouveau vers le gouvernement ontarien.

« Nous favorisons la diversité d’opinions et sommes heureux que cette question continue à engager la communauté dans son entier. C’est la raison pour laquelle nous continuerons à urger que le gouvernement de l’Ontario reconnaisse que le statu quo est insuffisant et qu’il faille agir oui sur la question de l’accès aux programmes, mais aussi sur la question clé de la gouvernance universitaire par et pour les francophones de l’Ontario. »