Dominic Giroux, à la tête d’une armée contre la COVID-19

Le PDG de l'hôpital Horizon Santé-Nord Dominic Giroux. Gracieuseté: Horizon Santé-Nord

[LA RENCONTRE D’ONFR+] 

SUDBURY – Les Franco-Ontariens l’avaient surtout connu à titre de recteur de l’Université Laurentienne. Depuis plus de deux ans, Dominic Giroux est le président-directeur général de l’hôpital Horizon Santé-Nord et de l’Institut de recherche d’Horizon Santé-Nord (IRHSN). Un poste plus que jamais sous les projecteurs en raison du contexte inédit avec la propagation de l’épidémie de COVID-19. Pour le plus grand établissement de soins de santé du Nord-Est de l’Ontario, le plus difficile semble derrière, avec aujourd’hui trois cas de coronavirus traités pour deux aux soins intensifs. Rencontre avec un PDG rassuré, mais soucieux de ne pas relâcher les mesures de confinement.

« La première question est la même que l’on pose à tous nos invités de la Rencontre ONFR+ depuis le début de la crise, comment se passe votre confinement?

Le confinement se passe très bien, compte tenu de mon rôle de président-directeur général. Pour le moment, le focus est d’appuyer nos équipes à l’hôpital, c’est-à-dire 4 000 employés et 600 médecins.

Dès le mois de janvier, lorsque la première alerte au coronavirus a été émise, notre hôpital s’est mobilisé pour revoir l’équipement de protection et se préparer pour la pandémie. On ne voulait aucune transmission du virus parmi les employés. On a eu évidemment à annuler un nombre important de chirurgies non urgentes. Ce n’était pas un choix facile, mais c’était nécessaire pour protéger les employés et sécuriser les patients.

Est-ce que d’autres initiatives ont suivi?

Oui! En mars, on a inauguré un centre d’évaluation. Depuis son ouverture, nous avons reçu 4 600 appels, et nous avons testé 2 700 résidents, mais aussi développé des plans de contingence. Depuis deux semaines, nous sommes en mesure de faire des tests et de les traiter en laboratoire, ce qui évite de le faire à Toronto. On parle d’un délai de 10 heures au lieu de plusieurs jours. Maintenant, notre focus, c’est de s’occuper des maisons de retraite et des foyers de soins de longue durée.

Travaillez-vous en permanence à l’hôpital?

Je préfère être à l’hôpital, visible et présent. Je fais partie de six PDG d’hôpitaux autour d’une table provinciale qui assurent la coordination des activités pour la COVID-19. On essaye le plus possible d’avoir une bonne coordination.

Peut-on parler de plus de travail pour vous?

Pour tout le monde, pas juste pour moi. Disons que ça a entraîné une manière de faire les choses différemment. Certains peuvent travailler de la maison. Nous avons 15 sites à Sudbury, le principal étant au lac Ramsey. Tout le monde a dû revoir ses manières de faire pour protéger les patients.

Avant le congé de Pâques, au moment où cinq patients atteints du coronavirus avaient été admis à Horizon Santé-Nord dont un en soins intensifs, vous parliez d’un « make or break week-end » par rapport à l’épidémie. Est-ce qu’aujourd’hui, les choses vont mieux, considérant qu’avec une cinquantaine de cas, la courbe semble s’aplatir à Sudbury?

On était inquiet pour la semaine de Pâques. C’était important alors de véhiculer un message pour la longue fin de semaine. Nous n’avons pas eu finalement à utiliser les plans de contingence qui prévoyaient 92 lits en soins intensifs au lieu de 40. Ce qui nous inquiète maintenant, ce sont les augmentations de cas dans les foyers de soins de longue durée. Actuellement, nous tentons de les appuyer avec une prévention des infections, une évaluation santé et sécurité au travail, ainsi que des visites à l’intérieur des foyers.

Nous demeurons cependant très vigilants, car le nombre de cas continue d’augmenter. Au cours des prochaines semaines, les hôpitaux vont voir comment reprendre les activités normales, mais il se pourrait alors qu’il n’y ait pas assez de protections pour tous les employés.

Le PDG de l’hôpital Horizon Santé-Nord, Dominic Giroux. Gracieuseté : Horizon Santé-Nord

Vous avez été recteur de l’Université Laurentienne de 2009 à 2017. Quelle elle est la différence entre être recteur d’une université et PDG d’un hôpital?

(Rires). On me pose souvent cette question-là. Il y a en fait plus de similarités que les gens pensent, que ce soit en termes d’engagement communautaire, de travail relationnel… Dans les deux cas, le PDG transige avec un corps professionnel.

Cependant, je dirais que pour un hôpital, il y a une plus grande importance de la gestion des performances, comme la santé et la sécurité au travail, plus d’intérêt public pour les activités, mais aussi plus de contraintes administratives.

Est-ce que vous diriez que les attentes envers un PDG d’hôpital sont plus grandes qu’envers un recteur?

L’intérêt public est plus marqué, car chaque citoyen est allé à l’hôpital au moins une fois, ou même travaille dans un hôpital. Ce n’est pas le cas de tous les citoyens vis-à-vis d’une université. Les citoyens ont donc une relation très différente avec l’hôpital.

Vous avez été, on l’a dit, pendant huit ans le recteur de l’une des deux universités bilingues de l’Ontario, ce n’est pas rien… Quel est, selon vous, votre legs le plus important à la tête de la Laurentienne?

Évidemment, diriger une université, c’est un travail d’équipe. Dans le cas de la Laurentienne, je suis fier que nous ayons atteint des effectifs records, tout en augmentant la moyenne d’inscriptions de manière significative. Nous avons été chercher 78 millions de dollars d’investissements dans le privé, et nous avons triplé le financement fédéral en recherche. Nous avons procédé aussi à la modernisation du campus, avec une nouvelle résidence étudiante, et mis sur pied le Centre autochtone de partage et d’apprentissage. Aussi, dans le classement de Maclean’s, l’Université a grimpé dans sa catégorie.

Et la même question dans le cadre de vos fonctions de PDG de l’hôpital?

Dans le cadre de IRHSN, l’hôpital avait un gros déficit, et on a réussi à l’équilibrer, tout en augmentant la satisfaction des patients. Nous avons sécurisé 21 millions de dollars de la part de la province pour le Centre d’innovation et d’apprentissage Labelle, avons lancé un plan stratégique… Nous venons aussi d’avoir l’approbation pour un nouvel appareil d’imagerie.

Aussi, nous avons sécurisé 500 000 $ de la province pour débuter la planification de l’expansion de l’hôpital. L’hôpital a été bâti trop petit, et d’une manière générale, nous sommes à 115 à 120 % de notre capacité. Avec le vieillissement de la population, on aura besoin de plus de place.

Gracieuseté : Horizon Santé-Nord

Est-ce possible, véritablement, de concilier l’équilibre budgétaire dans un hôpital avec une demande de soins de plus en plus grande. On le voit notamment aujourd’hui avec la crise de la COVID-19 où le manque de ressources se fait sentir.

Je dois avouer que c’est de plus en plus difficile, car si on prend l’Ontario, le financement per capita pour les hôpitaux, et le nombre de lits, est le plus bas parmi les 10 provinces. Quand on y pense, il a fallu qu’on annule des chirurgies pour combattre une pandémie! Le réseau de la santé devra faire l’objet d’investissements dans les prochaines années, tout comme les soins de longue durée.

Est-ce que le problème vient du gouvernement progressiste-conservateur en place?

Il y a eu des investissements au cours des dernières années, mais globalement ce problème de manque de financement remonte à plus d’une décennie.

En terminant, vous avez la particularité d’avoir longtemps vécu à Ottawa, Toronto et Sudbury, considérés à tort ou à raison comme les trois piliers francophones de l’Ontario. Ottawa, rappelons-le, votre ville de naissance, Toronto à titre de sous-ministre adjoint au ministère de l’Éducation de l’Ontario et au ministère de la Formation et des Collèges et Universités, puis Sudbury, où vous résidez depuis 2009. Laquelle avez-vous préférée?

Ottawa est la plus politisée. Le Centre-Sud, c’est plus émotif, car les gens ont dû se battre pour obtenir des droits. Dans le Nord, c’est différent. Les gens peuvent vous faire des reproches, et après, aller boire une bière avec vous! À Sudbury, il y a une effervescence dynamique appréciable.

Est-ce qu’un jour vous envisagez de vous lancer en politique?

Aucun intérêt à cela, vraiment! Mon épouse et moi n’avons jamais fait de contrat de mariage, mais si nous en avions fait un, nul doute que cela aurait été l’une des clauses principales. »


LES DATES CLÉS DE DOMICIC GIROUX :

1975 : Naissance à Ottawa

1994 : Élu conseiller scolaire du Conseil des écoles catholiques de langue française du Centre-Est

2005 : Devient ministre adjoint au ministère de l’Éducation de l’Ontario et au ministère de la Formation et des Collèges et Universités

2009 : Recteur de l’Université Laurentienne

2011 : Reconnu comme l’une des 40 personnalités de moins de 40 ans au Canada

2017 : Nomination comme PDG de l’hôpital Horizon Santé-Nord et de l’Institut de recherche d’Horizon Santé-Nord (IRHSN)

Chaque fin de semaine, ONFR+ rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.