Donner une chance à l’AFMO

L'activiste Gisèle Lalonde. Archives ONFR+

[ANALYSE]

Les temps sont durs pour l’Association française des municipalités de l’Ontario (AFMO). L’organisme qui fête son trentième anniversaire cette année navigue plus que jamais en eaux troubles. À la dette contractée pendant les dernières années s’ajoute maintenant la défiance de ses membres.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Dernier épisode en date : les hésitations de la municipalité de Clarence-Rockland dans l’Est ontarien à payer sa cotisation annuelle pour 2019. En substance, le maire Guy Desjardins prévient qu’il donnera, mais à la condition sine qua non que l’AFMO améliore son service.

Son homologue François St-Amour de la municipalité voisine de La Nation n’a pas eu la même patience. #ONfr révélait vendredi dernier que la Ville s’était retirée sans bruit de l’AFMO au cours des derniers mois. Du côté de Casselman, le paiement pour 2019 n’avait aussi pas été effectué. Un fait ignoré par le maire Daniel Lafleur – en fonction seulement depuis décembre – qui promet de passer à la caisse.

Deux points tout de même dommageables dans cette bisbille entre les municipalités et l’AFMO. D’une, on parle bien ici de villes composées à plus de 60 % de francophones. Un chiffe aux alentours de 80 % dans le cas de Casselman.

Mais surtout, ne plus payer la cotisation annuelle de l’AFMO ne représente pas une économie drastique, tout au plus quelques centaines de dollars dans le budget des municipalités, voire au mieux une somme à quatre chiffres. Cette cotisation est calculée en proportion du nombre de résidents.

Cercle vicieux pour l’AFMO

Les arguments des municipalités, si l’on en croit Clarence-Rockland et La Nation, se rejoignent. L’AFMO n’offrirait pas ce qu’elle devrait tant en quantité qu’en qualité : un soutien technique pour la traduction de documents municipaux, des tarifs préférentiels sur les services de traduction ou encore, de la formation en français pour les élus.

Si les maires sont en droit d’exiger plus, n’oublions pas qu’affaiblir l’AFMO, c’est alimenter un cercle vicieux. Faute de subventions provinciales, la dette contractée peine à être épongée. Il n’y a désormais plus de bureaux ni d’employés à temps plein pour assurer les rênes d’un organisme créé… par Gisèle Lalonde.

Lors de la tenue du 28e congrès annuel de l’AFMO en 2017, justement sur le territoire de La Nation, la dame de SOS Montfort avait pourtant prévenu l’assistance. « Quand nous avons fondé l’AFMO, en 1989, on voulait que le français prenne sa place. Il y avait une grosse association anglophone, mais nous, les francophones, nous n’avions rien. Et quand on veut quelque chose, il faut se mouiller pour l’avoir! » Des propos qui n’ont manifestement pas assez résonné.

De multiples raisons de croire en l’AFMO

Donner une chance à l’AFMO, c’est reconnaître tout d’abord que l’organisme peut jouer un vrai rôle. Il n’y qu’à voir l’influence politique de l’Association francophone des municipalités du Nouveau-Brunswick pour s’en persuader.

Les dossiers en commun ne manquent pas pour les municipalités marquées par le fait francophone en Ontario. À l’heure des restrictions budgétaires imposées par la province, le bilinguisme des villes ou la documentation bilingue pour d’autres, sont des combats à mener… Voire des acquis à préserver.

Renoncer à l’AFMO, c’est aussi le risque de céder toute la place à l’Association des municipalités de l’Ontario (AMO). Un organisme où quasiment tout est anglais, que ce soit la documentation ou le site web.

Donner une chance à l’AFMO, c’est tout simplement aller dans le sens de l’histoire et des décennies de luttes francophones.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 4 février.