L’Ontario rural appuie Doug Ford… avec certaines nuances

Le premier ministe de l'Ontario, Doug Ford. Crédit image: Étienne Fortin-Gauthier

PAIN COURT – Doug Ford a fui la crise politique qu’il traverse à Queen’s Park pour participer au traditionnel Concours de labour, qui se déroule à Pain Court, dans le Sud-Ouest de la province. Dans cet Ontario rural, traditionnellement plus conservateur, il obtient une majorité d’appuis, mais certains sont néanmoins plus critiques de ses méthodes ou de son style.

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg

En apparence, c’est un public gagné d’avance. À bord d’un tracteur baptisé à son nom, Doug Ford arpente les chemins de terre de l’immense site du Concours international des labours de l’Ontario. Le premier ministre s’amuse comme un enfant à conduire le mastodonte. Il affiche un large sourire et salue les membres de cette « Ford nation » rurale.

Le Championnat international des labours se déroule, cette année, à Pain Court, en plein cœur de la circonscription très conservatrice de Chatham-Kent-Essex. Son député, Rick Nicholls, est un chrétien évangélique qui n’hésite pas à railler les citoyens des grandes villes « toujours pris dans les bouchons ».

Doug Ford n’hésite donc pas à se payer un bain de foule. La quasi-totalité des agriculteurs qui participent à l’événement le saluent chaleureusement, certains lui montrent même leur pouce en l’air, signe d’approbation du travail fait par le nouveau gouvernement.

Jérôme Roy est l’un de ceux-là. « On est dans le cœur de l’Ontario. Il faut gérer la province comme une entreprise et diminuer les dépenses. Il fait la bonne chose », dit le Franco-Ontarien qui habite à Pain Court. Du même souffle, l’agriculteur partage ses craintes sur la pollution de l’eau et l’explosion du nombre d’éoliennes dans la région. Croit-il que Doug Ford peut répondre à ses préoccupations? « Je ne vois pas pourquoi les éoliennes sont considérées écologiques. Je crois que Doug Ford va s’occuper de ça. Pouvez-vous, s’il vous plaît, lui laisser une chance? », martèle-t-il.

Et il n’est pas le seul à laisser la chance au coureur. « Le temps va nous le dire, mais pour l’instant, je trouve qu’il fait du bon boulot », affirme pour sa part Clara Balgsky, qui habite dans l’Est ontarien. En fait, elle s’attriste du fait qu’il ne va pas plus loin. « Couper le conseil de ville de Toronto, c’est bien. Mais il faut couper les autres conseils de ville et il devrait montrer l’exemple, lui aussi, en coupant son caucus et le nombre de députés à Queen’s Park », renchérit-elle.

Sheryll Benneways est du même avis. « Doug Ford apporte un vent nouveau. Le prix de l’électricité nous a frappés de plein fouet. Les années Wynne n’ont pas été bonnes pour les agriculteurs », tranche-t-elle.

Les conservateurs martèlent leur message

La cérémonie d’ouverture de l’événement est l’occasion pour les politiciens conservateurs de frapper sur un même clou : Toronto est une bulle et les Ontariens ne partagent pas la même vision que les Torontois sur plusieurs enjeux, notamment celui de l’utilisation de la clause dérogatoire de la Charte canadienne des droits et libertés pour réduire la taille du conseil municipal de Toronto.

Tout en décochant plusieurs flèches contre ses adversaires, Doug Ford annonce qu’il va tout faire pour rendre le gaz naturel plus accessible et s’assurer d’un accès plus grand à des alternatives énergétiques plus économiques.

La foule présente l’applaudit chaleureusement. La chef néo-démocrate Andrea Horwath reçoit un accueil beaucoup plus timide.

Mais à la vue de Doug Ford, affairé à serrer des mains, certains citoyens s’éloignent.  C’est le cas de Fernande Beaudry, agricultrice de Verner, près de Sudbury.

« C’est un petit dictateur à la tête de la province. S’il vient vers moi, je vais me sauver! », lance Fernande Beaudry, sans hésiter, alors qu’elle se trouve à quelques mètres du premier ministre.

« L’histoire de la clause dérogatoire, je n’aime pas ça. Si on ne se base pas sur nos tribunaux, le pays va se désintégrer. Il n’avait pas d’affaire là-dedans. Et il n’y a rien dans son programme qui vise les francophones ou les autochtones, ce n’est pas mon genre de politicien », renchérit-elle.

D’autres Franco-Ontariens n’ont pas non plus de sympathie pour le nouveau chef de gouvernement ontarien. « C’est un cas bizarre. On dirait une comédie. C’est un vrai Trump », croit Éric Rollin, qui travaille dans l’industrie agricole et qui a fait le chemin depuis Cumberland, dans l’est de l’Ontario. Et il n’achète pas le discours selon lequel Doug Ford comprendrait les agriculteurs. « Il a jamais tiré une vache. Mets-le sur une terre et il ne va pas tenir longtemps », ajoute-t-il.

« Je suis conservateur. J’ai toujours voté conservateur. Mais Doug Ford, ça ne va pas. Il semble vouloir faire une vendetta contre ses ennemis politiques. J’ai un gros malaise », confie un autre citoyen, qui préfère ne pas donner son nom.