Début du processus vers une première Loi sur l’éducation en français au Canada

Le palais législatif de la Nouvelle-Écosse à Halifax. Crédit image : Communications Nova Scotia (2006)- gracieuseté
Le palais législatif de la Nouvelle-Écosse à Halifax. Crédit image : Communications Nova Scotia

HALIFAX – La Nouvelle-Écosse pourrait devenir la première province au Canada à se doter d’une loi distincte sur l’éducation en français alors qu’un projet de loi vient d’être déposé mardi à l’Assemblée législative néo-écossaise. Cette pratique pourrait constituer une avancée pour le système éducatif au Canada en servant de modèle pour les autres provinces.

Si adoptée, elle pourrait signifier que les Acadiens de la province de l’Atlantique seraient désormais maîtres en ce qui a trait à l’établissement et la pédagogie de leurs programmes scolaires, le financement des écoles ainsi que le recrutement du personnel scolaire. De plus, elle assurerait un nombre d’élèves et d’écoles représentatifs au poids de la population acadienne.

« Ça protègerait la francophonie pour la présente et la prochaine génération d’enfants de la Nouvelle-Écosse. Ça nous donnerait les outils dont on a besoin pour continuer à promouvoir et valoriser la langue et culture francophone qui est là depuis 400 ans et pour qu’elle reste pour les 400 prochaines années », explique le directeur général du Conseil scolaire acadien provincial (CSAP) Michel Collette.

« Ça servira de point de référence pour que les francophones et Acadiens puissent eux aussi améliorer leur Loi sur l’éducation » – Mark Power, avocat

À l’heure actuelle, les défis que vivent les écoles acadiennes sont mélangés dans un système d’éducation uniforme avec les anglophones, note M. Collette. Ce projet de loi permettra d’assurer que les Acadiens aient leur voix à la table, ajoute-t-il.

« Il y a beaucoup de décisions que le gouvernement prend qui, veut-veut pas, vont à l’encontre des besoins de nos élèves et de nos enseignants. Nos besoins, quoique similaires, sont fondamentalement différents des anglophones. »

Ce type de projet de loi est « en quelque sorte un cadeau » pour les francophones du pays, croit les avocats représentants le CSAP.

« Ça servira de point de référence pour que les francophones et Acadiens puissent eux aussi améliorer leur Loi sur l’éducation », dit l’avocat de Juristes Power, Mark Power

Les recours des francophones devant les différentes instances juridiques du pays concernant l’éducation en français en milieu minoritaire se sont multipliés au cours des dernières années. On peut penser à la victoire du Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique en 2020. Après dix ans de bataille, la Cour suprême a statué que le gouvernement provincial avait sous-financé chroniquement des écoles de langue française en Colombie-Britannique.

« On nous a appris dernièrement en Colombie-Britannique que les besoins immobiliers des francophones et Acadiens doivent être analysés sans les comparer aux besoins de la majorité. En pratique, ça n’arrive pas souvent. Il n’en existe pas de loi sur l’éducation qui consacre ce processus beaucoup plus juste et équitable pour les francophones. Ce projet de loi fait ça », affirme M. Power.

Il y a aussi eu le cas des francophones du Yukon ainsi que ceux des Territoires du Nord-Ouest. Juste dans ce dossier-ci qui est en préparation depuis quatre ans, la CSAP dit avoir obtenu trois avis juridiques de juges de la Cour suprême du Canada et de la Cour d’appel de l’Ontario à la retraite pour « dissiper plusieurs préoccupations non fondées de technocrates ».

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Épreuve politique

Déposé par le député libéral et acadien Ronnie Leblanc, de l’opposition officielle, ce projet de loi doit avoir l’aval du gouvernement progressiste-conservateur, qui est majoritaire. En 2018, le gouvernement libéral de Stephen McNeil avait signalé son intention de créer cette loi dans sa réforme du système de l’éducation.

« C’est un dossier qui transcende la politique. On veut voir les politiciens prendre position pour protéger la francophonie acadienne de la Nouvelle-Écosse, peu importe le parti », demande Michel Collette.

Pour les avocats, cette législation viendrait régler l’écart entre la Loi sur l’éducation de chacune des provinces et les dispositions de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit l’éducation dans la langue de la minorité.

« La situation est incongrue, car les conseils scolaires ont de plus en plus des systèmes très professionnels et bien rodés et obtiennent des résultats scolaires très sérieux d’une part. De l’autre part, l’encadrement législatif vieillit à vue d’œil et est de moins en moins apte à permettre à nos leaders pédagogiques et communautaires d’assurer la pérennité et l’essor du français », soutient M. Power.

L'avocat chez Juristes Power Law, Mark Power.
Mark Power, avocat chez Juristes Power . Gracieuseté

Pour le conseil scolaire, le fait que les Acadiens ont prouvé qu’il était capable d’être « au même niveau et même meilleur que les anglophones » dans le système éducatif actuel démontre le mérite d’avoir cette plus grande indépendance

« Ce projet de loi donnerait à l’Acadie et à la francophonie de la Nouvelle-Écosse tous les outils nécessaires pour assurer son avenir pendant au moins quelques générations en éducation primaire et secondaire », souligne l’avocat en droits linguistiques.

Le Conseil scolaire acadien provincial, le seul en français en Nouvelle-Écosse compte 22 écoles avec près de 6 000 élèves.