Élections au Manitoba : prudence des francophones après le triomphe conservateur

Le premier ministre manitobain, Brian Pallister. Source: Facebook Brian Pallister

WINNIPEG – Les dernières élections provinciales avant le scrutin fédéral n’ont pas livré de surprises. Mardi soir, le Parti progressiste-conservateur a conservé la majorité des sièges à l’Assemblée législative du Manitoba. Une nouvelle que la Société de la francophonie manitobaine (SFM) accueille avec prudence.

En trois ans au pouvoir, le parti du premier ministre Brian Pallister a soufflé le chaud et le froid. Après le vote de la Loi sur l’appui à l’épanouissement de la francophonie manitobaine, passée seulement quelques semaines après sa prise de fonction, la formation politique a ensuite déçu bon nombre de francophones.

D’une, lorsque le gouvernement s’est débarrassé du sous-ministre adjoint francophone, puis avec les coupes au Service de traduction. L’an dernier, sept postes de traducteurs à temps plein avaient été abolis.

« On se sent comme on se sentait hier, c’est une continuité, sans grosse surprise », a réagi le directeur général de la SFM, Daniel Boucher, interrogé par ONFR+.

« Nous avons été déçus avec certaines des décisions. Nous espérons continuer le dialogue sur l’Éducation. Nous préconisons toujours la création d’une instance administrative à l’échelle provinciale, qui gérerait l’éducation en français de la maternelle jusqu’à la 12e année. L’autre dossier prioritaire est d’avoir des services de santé en français partout dans la province. »

Le directeur général de la SFM, Daniel Boucher. Archives ONFR+

La SFM promet de revenir à la charge sur le dossier des compressions au Service de traduction. « Il va falloir évaluer les résultats de ce changement. Quand le gouvernement l’avait annoncé, on a dit qu’on se laissait un an pour vérifier l’effet. »

L’organisme porte-parole des Franco-Manitobains reste tout de même optimiste quant à sa relation avec l’équipe progressiste-conservatrice. « On a mis les balises d’une bonne relation dans le premier mandat de ce gouvernement. Le fait que la ministre responsable des Affaires francophones, Rochelle Squires, soit réélue comme députée est une bonne chose, car elle a toujours été assez ouverte à nous rencontrer. »

36 députés conservateurs élus

Comme lors des dernières élections il y a trois ans, le Parti progressiste-conservateur du Manitoba a conservé une large majorité. En remportant 36 circonscriptions sur les 57 de l’Assemblée législative, le parti au pouvoir a quasiment égalé sa précédente performance du scrutin d’avril 2016.

M. Pallister avait fait le pari de déclencher des élections, un an à l’avance, afin de soumettre rapidement de nouveaux projets aux Manitobains.

Le premier ministre Pallister en campagne. Source : Facebook Brian Pallister

« La dernière fois, on a vu un record historique avec 40 députés, c’était impossible d’atteindre ce niveau-là cette fois-ci », estime le professeur émérite de sciences politiques et d’études canadiennes à l’Université de Saint-Boniface, Raymond Hébert.

« Il y a beaucoup de paradoxes dans cette victoire. D’une part, M. Pallister était pourtant le chef le plus impopulaire des partis. La plus grande préoccupation des électeurs, c’était les soins de santé, alors que le gouvernement avait engagé une série de réformes impopulaires sur la santé. Mais les autres chefs de toute évidence n’étaient pas à la hauteur. Sur la question de la substance, un bon nombre d’électeurs ont été convaincus par la gestion des finances publiques des progressistes-conservateurs. »

De là à voir le premier ministre adoucir ou durcir sa position vis-à-vis des Franco-Manitobains? « Ce n’était pas un enjeu dans la campagne pour lui. Le bilan reste mitigé. Je ne pense pas qu’il y aura des différences. Ce n’est pas un gouvernement anti-francophone, mais plutôt un gouvernement insensible aux besoins et aux opinions de la communauté francophone du Manitoba. »

Les conservateurs confirmés dans les provinces

Toujours est-il que la victoire des troupes de Brian Pallister confirme un peu plus l’ancrage des troupes conservatrices dans les provinces. En 2018, l’Ontario, puis le Nouveau-Brunswick, ont chassé les libéraux du pouvoir au profit des progressistes-conservateurs. Au cours des derniers mois, la victoire attendue de Jason Kenney en Alberta, et celle plus surprenante de Dennis King à Île-du-Prince-Édouard, avaient de nouveau donné des ailes aux partisans conservateurs.

Et à savoir si l’on peut comparer M. Pallister au premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, Raymond Hébert se montre dubitatif. « C’est un type de conservatisme différent. M. Pallister est avant tout un conservateur fiscal, beaucoup plus rationnel dans son approche que M. Ford, moins émotif et impulsif. Il veut éliminer le déficit, et cela est à la base de beaucoup de ses décisions. »

Mardi soir peu après l’annonce des résultats, M. Ford a été l’un des premiers à réagir à la réélection de M. Pallister par voie de communiqué.

« Tout comme l’Ontario, le Manitoba a choisi un gouvernement qui travaille sans relâche pour rendre la vie plus abordable, promouvoir la création de bons emplois et assainir les finances publiques tout en protégeant les services publics essentiels comme les soins de santé. »