Élections ontariennes : cinq faits plutôt inattendus  

Le progressiste-conservateur, Doug Ford. Crédit image: Twitter

TORONTO – L’Ontario a changé d’époque, jeudi soir. Les progressistes-conservateurs sont de retour au pouvoir, quinze ans après. Ce retour à la tête de l’Assemblée législative, bien que très attendu, n’a pas été dénuée de surprises.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

La très large victoire de Doug Ford

Quelques jours avant la soirée électorale, les sondages donnaient au parti entre 60 et 70 députés. Le chef Doug Ford a finalement obtenu 76 élus. Dans le vote populaire, le Parti progressiste-conservateur (Parti PC) devance même de six points les néo-démocrates. « Les sondages étaient effectivement plus serrés », avance le politologue de l’Université d’Ottawa, Martin Normand. « Le vote progressiste-conservateur est toutefois plus efficace et mieux réparti. Il faut être vigilant avec les sondages. Parfois, les sondés hésitent à adhérer à des options plus populaires. » Pour son homologue de l’Université d’Ottawa, Geneviève Tellier, l’enjeu était avant tout celui des électeurs indécis. « Beaucoup de personnes n’étaient pas certaines de leur vote, et de qui elles allaient voter. Il faut aussi s’interroger sur qui n’est pas allé voter. »

Le NPD en deça des espérances

À contrario du Parti PC, la formation d’Andrea Horwath attendait beaucoup mieux de la soirée de jeudi soir. Les sondages les plus optimistes des dernières semaines laissaient planer l’espoir d’un gouvernement minoritaire. Jeudi en fin de soirée, les néo-démocrates ont dû se contenter de 40 sièges. « Le parti a percé dans le centre de Toronto, mais pas dans la banlieue de Toronto, là où Mme Horwath avait mis beaucoup d’énergie », analyse Mme Tellier. « Les promesses sur la baisse de frais de garderie, et les investissements pour les transports en commun n’ont pas pris chez ces électeurs. »

Pour Martin Normand, il y avait aussi un problème de candidats. « À la différence du Parti PC, le NPD n’avait pas beaucoup de candidats ministrables et expérimentés. Il semble aussi que Mme Horwath traine encore le boulet du mandat de Bob Rae [Premier ministre de l’Ontario de 1990 à 1995] qui n’a pas laissé que de bons souvenirs. »

Les libéraux survivent dans Ottawa

La grande majorité des sondages donnaient Orléans aux progressistes-conservateurs et Ottawa-Sud aux néo-démocrates. L’espace d’un temps, le site web spécialisé dans les projections électorales Qc125 donnait même Ottawa-Vanier au NPD. Mais Nathalie Des Rosiers a conservé ce château-fort libéral avec 13 points d’avance sur la néo-démocrate Lyra Evans. « Malgré les sondages, il faut savoir par exemple que Marie-France Lalonde cumulait deux gros atouts pour cette campagne : deux postes ministériels et une grosse présence dans la communauté », explique M. Normand. Avec sept députés, le Parti libéral a en tout cas perdu son statut de parti officiel. Cette fois, les sondages étaient précis. « C’est certain que le parti va perdre des ressources. Le Parti conservateur n’avait obtenu que deux sièges aux élections fédérales en 1993, mais avait réussi à revenir », laisse entendre Geneviève Tellier.

Le Parti vert l’emporte

Surprise? Demi-surprise? Logique? C’est le Parti vert qui a remporté haut la main la circonscription de Guelph. Les sondages avaient donné jusqu’alors Mike Schreiner bien placé, mais peu le plaçaient en tête. « Le gros avantage pour le Parti vert est qu’il détient maintenant une caution de crédibilité », avance M. Normand. « Il pourra être présent sur les comités, et les médias pourront aller le voir à Queen’s Park. Ça va changer beaucoup de choses. »

Les deux politologues ont chacun un exemple pour illustrer le poids que pourrait prendre M. Schreiner. « Lorsque Mario Dumont était le seul député de l’Action démocratique du Québec (ADQ), on l’entendait », illustre M. Normand. « À la Chambre des communes, Elizabeth May [Chef du Parti vert du Canada] on l’entend et on la voit », croît Mme Tellier, « mais elle n’a pas réussi à augmenter le nombre de députés de son parti. »

Peu de représentants du Nord dans le parti au pouvoir

Avec deux circonscriptions supplémentaires pour ce scrutin, les électeurs du Nord espéraient sans doute plus de représentants dans le parti au pouvoir. Hormis Ross Romano, dans Sault-Sainte-Marie, les progressistes-conservateurs n’ont pas de députés élus dans le Nord de la province. Pour certains, le comté de Nipissing conservée par Vic Fedeli peut être considéré dans le Nord.

« Qui va représenter les régions du Nord dans le parti au pouvoir », s’interroge Mme Tellier. « Savoir si le Nord va faire bande à part ou non, c’est un point d’interrogation. À cela s’ajoute que la campagne avait été très centrée dans la région de Toronto. » Lors du dernier mandat des libéraux, le Nord avait pu notamment compter sur la présence de Glenn Thibeault à titre de ministre de l’Énergie, et de Michael Gravelle, ministre du Développement du Nord et des Mines.