Élections provinciales : les expectatives de la jeunesse franco-ontarienne

Sandra Kemzang, Oscar Chau-Chan, Priya Hiebert et Raveena Iyathurai expliquent pourquoi ils iront voter le 2 juin.
Sandra Kemzang, Oscar Chau-Chan, Priya Hiebert et Raveena Iyathurai expliquent pourquoi ils iront voter le 2 juin. Montage ONFR+

L’importance du vote des jeunes dans une élection, quelle qu’elle soit, n’est plus à démontrer, ne serait-ce que parce qu’il est question de faire vivre la démocratie. À trois semaines du scrutin ontarien, ONFR+ a rencontré des jeunes qui votent pour la première fois. Quelles sont les motivations qui les poussent à prendre le chemin des urnes dès qu’ils y sont admissibles? Quels attentes et espoirs nourrissent-ils envers le futur gouvernement?

Si, de façon générale, les jeunes gens sont plus connus pour aller manifester dans la rue plutôt que d’aller voter afin de se faire entendre, il n’en demeure pas moins qu’une bonne partie des Franco-Ontariens s’intéresse à la politique, et ce dès un âge précoce. Mieux que cela, certains attendent avec impatience d’avoir 18 ans pour faire valoir leur droit au vote. 

« C’est important pour nous de voter parce qu’on va choisir la personne qui va prendre des décisions à notre place. Dès que j’ai eu 18 ans, il y a trois mois de cela, je savais que j’allais voter pour les élections qui s’en viennent », affirme Sandra Kemzang, une élève fréquentant l’école secondaire catholique Sainte-Famille à Mississauga.

Sandra Kemzang, élève à l’école secondaire catholique Sainte-Famille. Elle va voter pour la première fois. Gracieuseté

Plus qu’un droit, « un honneur »

Même prise de conscience chez cette élève de l’école secondaire Étienne-Brûlé à Toronto : « Le monde évolue chaque jour, ce qui veut dire qu’il y aura beaucoup de décisions politiques qui vont affecter les jeunes dans un futur proche comme dans un futur lointain. En résumé, je vais voter pour l’avenir », assure Raveena Iyathurai.

Quant à Oscar Chau-Chan, un élève en 12e année à l’école secondaire catholique Pierre-Savard à Ottawa, il va plus loin : « Il y a beaucoup de jeunes qui pensent que c’est un seul vote et que cela ne compte pas parce que ça ne fera aucune différence. Je suis complètement en désaccord avec cette pensée. C’est peut-être qu’une seule voix mais elle compte, car elle participe à un effort collectif qui est plus grand que soi-même. Je considère donc que c’est un honneur que de pouvoir aller voter le 2 juin. »

Oscar Chau-Chan, élève à l’école secondaire catholique Pierre-Savard. Il va voter pour la première fois. Gracieuseté

L’avenir de l’éducation francophone préoccupe

Du côté des attentes de la jeunesse franco-ontarienne, c’est l’éducation qui l’emporte haut la main. En effet, plus que des attentes, ce sont des craintes qu’expriment la plupart des jeunes rencontrés, quant à l’avenir de ce secteur, à l’instar d’Oscar Chau-Chan : « Doug Ford a apporté des changements qui ne sont pas populaires chez les francophones, notamment en ce qui concerne l’éducation. Ce qui me préoccupe le plus c’est que notre droit constitutionnel d’apprendre en français et en anglais soit affecté par un gouvernement qui veut prioriser un côté au détriment de l’autre. »

Et d’ajouter : « J’aimerais que le prochain gouvernement favorise un accès plus élargi à l’éducation en français et surtout que les coupes budgétaires dans les programmes en français cessent parce que c’est de la survie de notre langue dont il s’agit. S’il y a moins de personnes qui apprennent le français à l’école, cela veut dire qu’au futur il y aura moins de services en cette langue parce qu’il y aura peu ou pas de personnel qualifier pour occuper ces postes. » 

Raveena Iyathurai, élève à l’école secondaire Étienne-Brûlé. Elle va voter pour la première fois. Gracieuseté

Un constat que partage Priya Hiebert, inscrite à l’école secondaire Père-René-de-Galinée à Cambridge : « J’aimerais beaucoup voir plus de support dédié exclusivement aux écoles francophones, que cela soit au niveau du primaire, du secondaire ou du postsecondaire. »

Cette dernière, qui aura 18 ans trois semaines à peine avant la date butoir du 2 juin, estime que « le système éducatif a été durement touché par la pandémie. Le prochain premier ministre devrait donc rétablir le système scolaire antérieur à la pandémie et fournir un soutien adéquat à long terme pour les élèves qui ont suivi leurs études en pleine pandémie, car leur apprentissage en a énormément souffert. »

Pour sa part, Raveena Iyathurai met l’accent sur le déficit de promotion autour des formations francophones. « Je souhaiterais que le futur parti au pouvoir communique plus et plus efficacement sur les formations 100 % francophones. Je suis parti d’un constat pour dire ça, beaucoup de gens sont très surpris quand je leur dis que je suis dans une école complètement francophone parce qu’ils n’ont entendu parler que des programmes d’immersion en français. La même remarque est valable pour le postsecondaire », raconte-t-elle.

Sentiment d’être délaissés

L’autre constat largement partagé par les jeunes intervenants découle d’un sentiment : celui de ne pas être pris en compte dans l’échiquier politique.  

« C’est incroyable de voir un gouvernement qui n’a pas compris les francophones parce qu’il ne travaille pas avec eux, notamment avec les jeunes. Cela doit changer. Le prochain gouvernement doit accepter les jeunes francophones autour de la table des consultations avant de prendre une décision. Il doit les écouter et les consulter pour comprendre ce qui est bon pour eux », exhorte Priya Hiebert.

Pour celle-ci, ces élections provinciales sont l’occasion de commencer « enfin » le dialogue entre les politiciens et la jeunesse.

Priya Hiebert, élève à l’école secondaire Père-René-de-Galinée. Elle va voter pour la première fois. Gracieuseté

« Doug Ford a vraiment négligé les affaires franco-ontariennes durant son mandat », renchérit Sandra Kemzang avant de poursuivre : « J’espère que le parti pour qui je vais voter se rendra compte de l’importance du français en Ontario et qu’il valorise et promeuve cette langue en créant plus d’événements en français. »

Pour l’écolière, cette « négligence » de la chose francophone commence déjà dans le procédé électoral lui-même! Elle en veut pour preuve une mauvaise expérience vécue par son propre enseignant.

« Mon prof m’a raconté une histoire qui m’a choquée. Il était parti voter, et il voulait le faire en français. Mais, une fois au bureau de vote, il était très déçu parce qu’il ne pouvait pas se faire servir en français dans un pays censé être bilingue, alors qu’on a le droit de voter dans les deux langues », s’indigne-t-elle.  

Reste à savoir si ce sentiment aura un impact considérable sur le taux de participation des jeunes francophones, ce qui risque d’être difficile à mesurer puisqu’Élections Ontario « ne fournit pas de renseignements démographiques sur les électeurs ».