Encore des obstacles pour les femmes francophones

Le premier ministre Justin Trudeau et la vice-première ministre Chrystia Freeland ont les deux dénoncés la situa. Crédit image: archives ONFR+

OTTAWA – Si l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC) salue une attitude plus ouverte de la part du gouvernement fédéral, l’organisme porte-parole des femmes francophones à l’extérieur du Québec dit qu’il reste encore beaucoup à faire pour dépasser cette « double minorisation ».

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

L’élection de Justin Trudeau en 2015 avait suscité beaucoup d’espoir à l’AFFC. La nomination d’un gouvernement paritaire, « parce qu’on est en 2015 », et l’élection de plus de femmes à la Chambre des communes, semblaient indiquer une tendance encourageante. Mais rapidement, l’organisme a relativisé son enthousiasme.

« Les gros portefeuilles, comme le ministère des Finances, par exemple, sont encore occupés par des hommes. De plus, même s’il y a plus de députées à la chambre, comme le nombre de sièges a également augmenté, leur poids proportionnel n’a pas changé », note la directrice générale de l’AFFC, Véronique Mallet.

« Si on continue sur le même rythme, il faudra encore attendre 100 ans pour avoir une Chambre des communes paritaire hommes/femmes » – Véronique Mallet

Actuellement, on compte 88 femmes députées sur 333 sièges occupés à la Chambre des communes. Au Sénat, elles sont 47 sur 100 sièges occupés. Selon l’état de la situation au 1er janvier 2017, publié par l’Union Interparlementaire, l’organisation internationale des Parlements créée en 1889, le Canada se classe au 62e rang dans le monde en termes de représentation des femmes dans les parlements nationaux.

La nomination en janvier de Chrystia Freeland au ministère des Affaires étrangères, à la place de Stéphane Dion, a toutefois été vue comme une très bonne nouvelle.

« La présence de femmes fortes au sein du Cabinet des ministres est importante pour que leur réalité soit prise en compte », souligne Mme Mallet.

Toutefois, pour les femmes francophones à l’extérieur du Québec, le défi reste encore plus grand.

« On vit une double minorisation, comme femmes et comme francophones en situation minoritaire. Les services en situation de vulnérabilité, comme en matière de santé par exemple, ne sont pas toujours offerts en français ou ne sont pas connus. Les femmes francophones vivent une situation particulière qu’il est important de prendre en compte. »

 

Nouvelle stratégie

Pour y parvenir, l’AFFC a opéré un revirement stratégique ces dernières années, selon sa directrice générale, en se donnant un plus grand rôle au niveau politique.

« Nous avons commencé à démarcher les élus et les groupes de femmes de la majorité pour leur faire connaître cette réalité particulière vécue par les femmes francophones à l’extérieur du Québec. On approche aussi les instances gouvernementales. On voudrait que le gouvernement ait une lentille « femmes francophones en situation minoritaire » quand il développe des programmes, qu’il soit sûr que ça bénéficie aussi bien aux femmes qu’aux hommes. »

Ce travail de sensibilisation commence à avoir un impact, assure Mme Mallet, même si les progrès sur le terrain tardent à se faire sentir.

« Aujourd’hui, on sent que les portes s’ouvrent plus facilement, mais ce n’est pas tout rose. Nos organismes ont encore des problèmes de financement. Les budgets sont coupés ou en diminution, il y a des progrès à faire! »

Les yeux rivés sur la prochaine Feuille de route pour les langues officielles, l’AFFC, partisane du « par et pour » les femmes francophones en situation minoritaire, souhaite que ses organismes aient enfin les moyens de financer adéquatement leurs services et leurs programmes.

« Il y a encore un grand chemin à faire et la Journée internationale des femmes doit nous permettre de prendre le temps de réfléchir à nos acquis et aux luttes passées pour penser aux luttes à venir. L’important dans le futur, c’est que les femmes francophones à l’extérieur du Québec jouent un rôle important dans leurs communautés et qu’elles soient reconnues et valorisées. »