O’Toole mis à la porte du parti conservateur, Bergen prend l’intérim

Erin O'Toole n'est plus le chef du Parti conservateur du Canada depuis un vote qui s'est tenu mercredi matin.
Erin O'Toole n'est plus le chef du Parti conservateur du Canada depuis un vote qui s'est tenu mercredi matin. Source: Facebook

OTTAWA – Erin O’Toole n’est plus le chef du Parti conservateur du Canada. Dans un vote de confiance du caucus, ce mercredi matin, les députés ont évincé leur chef, 17 mois après son entrée en fonction. La députée manitobaine Candice Bergen assurera l’intérim en attendant de déterminer le successeur d’Erin O’Toole dans la prochaine course à la chefferie.

Au total, 73 députés ont voté en faveur de sa destitution sur 118 votes exprimés. 45 députés ont voté en faveur de conserver M. O’Toole comme leader. Le président du caucus Scott Reid a été le seul à ne pas se prononcer.

Les règles du parti stipulaient qu’au moins 60 des 119 députés actuels ou 50 % plus un devaient voter en faveur pour déclencher une nouvelle course au sommet pour exclure M. O’Toole.

Dans un message d’apaisement, Erin O’Toole a déclaré accepter le résultat du caucus. « Je vais quitter mon poste de chef de l’opposition officielle et chef du Parti conservateur du Canada. Ce fut une fierté de diriger le parti de Sir John A. Macdonald, Robert Borden, Brian Mulroney et Stephen Harper. (…) Je continue de croire que notre parti doit gouverner le Canada pour réunir notre pays en ces moments difficiles », a-t-il indiqué.

La fronde montait dans les rangs conservateurs depuis la déroute du parti aux dernières élections fédérales, l’aile droite reprochant à son leader des positions trop centristes et modérées (sur les droits LGBT, l’avortement ou encore le climat) qui auraient précipité sa chute.

« C’est surprenant », analyse toutefois la politologue Geneviève Tellier. « Quand on fait un lien avec le convoi des camionneurs et le fait que c’était le début de la session parlementaire, c’est une surprise. Normalement, au début de la session on se réunit tous ensemble et on est tous du même bord avec la direction qu’on prend. »

Pour le député québécois Pierre Paul-Hus, le Parti conservateur « est plus uni que jamais après la réunion du caucus de ce matin », a-t-il dit aux journalistes.

« Ça semble être une question de leadership, sur la base de ce qu’on voit », décrypte Mme Tellier. « M. O’Toole semblait avoir repris le contrôle de son parti en décembre, mais cela a visiblement échoué quand ils ont voté pour le projet de loi sur les thérapies de conversion. La droite religieuse n’a pas semblé en accord avec cette position. On pensait qu’en ramenant Pierre Poilievre et Candice Bergen dans des positions clés, il aurait repris le contrôle. »

Aux dernières élections, le chef des bleus avait notamment échoué dans son pari d’aller chercher des votes dans le Grand Toronto et au Québec. Ce dernier avait notamment changé certaines positions du parti, notamment en matière de francophonie, avec la modernisation de la Loi sur les langues officielles et le financement aux institutions francophones en milieu minoritaire.

« Le départ de M. O’Toole est une perte pour les francophones », juge Mme Tellier. « On aurait pu penser qu’avec les gains qu’avaient faits les conservateurs dans les derniers mois, il aurait pu offrir une bonne opposition aux libéraux chez les francophones. Il va y avoir un nouveau chef donc ça va être une relation à répartir. »

Son travail salué par ses pairs

Plusieurs membres de la classe politique ont tenu à souligner le travail de M. O’Toole. Le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchet a salué sa « sincérité et sa rigueur », tandis que le leader néo-démocrate Jagmeet Singh a reconnu « son travail malgré les désaccords que nous avions ».

« Je veux reconnaître et remercier le travail du député de Durham », a réagi Justin Trudeau. « Il y a beaucoup de choses dont nous ne sommes pas d’accord sur la direction du pays, mais il a décidé de représenter son pays. »

C’est probablement ce dernier qui est le grand gagnant aujourd’hui, note Geneviève Tellier. « Les conservateurs se retrouvent avec une opposition de faiblesse. 119 députés conservateurs qui se cherchent un chef et ont la tête ailleurs, ce n’est pas une forte opposition pour le gouvernement en place. »

Geneviève Tellier, politologue à l’Université d’Ottawa. Archives ONFR+

Des prétendants à la chefferie se sont déjà manifestés pour lui succéder à l’image de John Williamson, député du Nouveau-Brunswick qui a publié sa candidature dans les minutes suivant le verdict du vote.

Certains députés conservateurs ont notamment évoqué les noms du député d’Ottawa-Carleton, Pierre Poilievre, et des élues Michelle Rempel Garner et Candice Bergen comme candidats qu’ils aimeraient voir à la chefferie.

Avant de se lancer en politique, M. O’Toole a fait carrière dans les Forces armées canadiennes, puis comme avocat en droit des affaires. Élu pour la première fois lors des élections de 2012, le député de Durham a été ministre des Anciens combattants dans le gouvernement Stephen Harper en 2015 et a conquis la tête du parti en 2020 aux dépens de l’ancien ministre de la Justice Peter Mackay, succédant à Andrew Scheer.

Ce texte a été mis à jour mercredi 2 février à 21h.