Iniquité dans l’animation culturelle : la FESFO interpelle le gouvernement

C'est devant une centaine de jeunes francophones de partout dans la province et de leaders associatifs, que la FESFO a dévoilé les 13 recommandations de son rapport sur l'animation culturelle. Source: Facebook/FESFO

OTTAWA – Démontrer l’importance de la culture franco-ontarienne et pousser les efforts dans le rayonnement de cette culture. Voilà l’objectif du rapport sur l’animation culturelle publié par la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO). Ce sont au total 13 recommandations que l’organisme a partagés au ministère de l’Éducation de l’Ontario. Parmi elles, l’iniquité des services en animation culturelle d’un conseil scolaire à l’autre, voire d’une école à l’autre au sein d’un même conseil.

C’est le fruit de plusieurs consultations auprès de la jeunesse franco-ontarienne que la FESFO a entrepris avec ce rapport sur l’animation culturelle. On y trouve plusieurs enjeux actuels et pistes d’action suggérant au ministère la mise en place de « milieux d’apprentissage » et « de projets communautaires francophones ».

Tout au long de l’année 2022, la FESFO a demandé aux élèves francophones de niveau secondaire en Ontario de s’exprimer sur leurs expériences en animation culturelle. Après la pandémie, les animations principalement virtuelles n’ont plus vraiment d’impact sur la jeunesse. D’après le rapport, « il faut maintenant revoir un modèle d’intervention post-pandémique jumelant le meilleur du présentiel et du virtuel afin d’offrir une expérience optimale ».

La mise en place d’un certificat réclamée

« Il faut que l’animation culturelle soit remise en question de temps en temps, savoir ce qui vit bien et s’assurer qu’on est tout le temps en train de s’améliorer », souhaite Haïfa Zemni, vice-présidente de la FESFO. 

Cette élève de 11e année, à l’École secondaire Gisèle-Lalonde à Ottawa, pense qu’il faut se renouveler en la matière. « Il faut aussi s’assurer que les élèves soient entendus dans le processus et qu’ils aient un mot à dire dans les activités qui auront lieu dans l’école. »

Haïfa Zemni est vice-présidente de la FESFO. Gracieuseté

La recommandation la plus importante, selon la jeune fille, est de combattre les disparités culturelles qu’il existe entre les conseils scolaires francophones et les écoles en Ontario. 

Plusieurs recommandations vont d’ailleurs dans ce sens, comme par exemple revoir la formation initiale et continue. « On demande la mise en place d’un certificat car, présentement, il faut juste un diplôme d’étude secondaire pour devenir animateur culturel. Il n’y a pas de formation à suivre, il n’y a pas de diplôme post-secondaire à obtenir. C’est vraiment un background différent pour chaque animateur et donc quiconque peut occuper ce poste. »

Elle trouve cela « pas très juste dans les écoles, puisque ce sont différents niveaux d’expertises ». 

« Si les animateurs culturels n’ont pas un budget convenable, ils ne pourront pas faire grand-chose » – Haïfa Zemni

Dans ce rapport, il est aussi question d’un financement équitable. En effet, dans la même veine, pour combattre cette disparité, la FESFO demande à ce que « toute formule de financement doit tenir compte des particularités régionales, de l’éloignement, de l’isolement culturel, de l’accès à des ressources en français, etc ».

« Si les animateurs culturels n’ont pas un budget convenable pour faire les activités qu’ils souhaitent, avec leurs élèves, ils ne pourront pas faire grand-chose », explique Mlle Zemni. 

« Soyons honnêtes, sans budget, on ne peut pas faire grand-chose. Ce n’est pas juste, parce que les élèves reçoivent des services tellement différents que ça crée une disparité. »

Graphique réalisé par la FESFO, démontrant les avantages de l’animation culturelle. Source : Rapport présenté au ministère de l’Éducation sur le rôle de l’animation culturelle

Ce problème d’inégalité est aussi observé pour le cours Leadership et entraide, GPP30. La FESFO recommande donc au ministère de l’Éducation d’encourager les conseils scolaires à offrir et à livrer ce cours dès septembre 2023. 

L’élève de 11e année constate que cet enseignement « n’est pas offert dans toutes les écoles et n’a pas le même contenu dans toutes les écoles ».

« On aimerait qu’il soit offert partout et que le contenu soit pareil, afin que tous les élèves qui souhaitent s’engager puissent le faire. Par exemple, à Gisèle-Lalonde, ce cours est offert à quelques élèves et non à toute l’école, ce qui n’est pas juste à mes yeux. »

Vers des indicateurs de rendement?

Sous l’intitulé Labo FESFO, focus animation culturelle, le groupe de consultation propose de mettre en place un processus de rétroaction assuré par la FESFO.

En plus de cela, il préconise d’élaborer et de suivre des indicateurs de rendement afin de « suivre et mesurer l’impact des interventions et des stratégies déployées par les écoles, les conseils scolaires et les partenaires ».

L’organisme porte-parole de la jeunesse souhaite que le ministère assure en outre la mise en place d’une formation dans le domaine de l’animation culturelle en intégrant par exemple le contexte de la francophonie, mais aussi le développement de l’enfant et de l’adolescent. « Il est aussi recommandé que le ministère de l’Éducation appuie et encourage les conseils scolaires dans l’élaboration d’un profil de compétences pour les responsables de l’animation culturelle. »

Enfin, la FESFO souhaite que le ministère garantisse un financement pour les occasions de rencontres entre élèves. 

« Les rencontres doivent permettre aux élèves de se projeter dans un avenir francophone, donner un sens à leur langue et leur culture et inspirer le développement du savoir, du savoir-être et du savoir-faire », est-il possible de lire dans le document. 

Plusieurs personnalités franco-ontariennes ont fait le déplacement pour assister au dévoilement du rapport dont Lucille Collard, Peter Hominuk mais aussi Mona Fortier et Chandra Pasma. Source : Facebook/FESFO

Une stratégie de développement et un fonds de recherche

Il est recommandé que le ministère de l’Éducation reconnaisse officiellement le rôle de la FESFO « comme partenaire essentiel au développement du leadership jeunesse provincial ».

Il est souhaité aussi que le gouvernement mette sur pied un comité représentant toutes les parties du continuum (toutes les étapes de l’éducation en français en Ontario). En plus, de la création d’une stratégie pour le développement de services d’animation culturelle pour les élèves de 7e et 8e année.

La FESFO suggère de créer un fonds de recherche pour les questions touchant à l’animation culturelle et que le ministère de l’Éducation développe des ressources pour appuyer les conseils scolaires dans une plus grande collaboration avec des partenaires communautaires. 

Enfin, il est recommandé que des ressources soient mises à la disposition du Consortium du Centre Jules-Léger, notamment pour les élèves malentendants et ceux qui ont des difficultés d’apprentissage. 

« Ils sont un peu exclus quand il s’agit d’activités. Donc, on veut qu’eux aussi aient accès à une animation culturelle, qui soit juste et que toutes les recommandations qui ont été proposées leur soient appliquées aussi. »

« On voudrait qu’ils ne soient pas seuls et qu’ils ne soient pas laissés de côté », demande Haïfa Zemni.

Preuve que le ministère de l’Éducation a bien reçu les informations de la FESFO, le ministre Lecce a partagé une vidéo à l’attention de l’organisme, remerciant la jeunesse franco-ontarienne pour les réformes proposées. « Nous continuerons à nous rencontrer et travailler ensemble », a-t-il adressé.


En réponse à ONFR+, la porte-parole du ministre, Grace Lee a déclaré : « Le ministère accueille favorablement le rapport de FESFO et ses recommandations réfléchies concernant les activités d’animation culturelle dans les écoles de langue française. »

Le bureau du ministre a ajouté que le ministère examinera les recommandations, mais rappelle que « les 12 conseils scolaires de langue française reçoivent tous un montant égal (30 000 $) de financement pour l’animation culturelle et la province fournit également un financement au Consortium Centre Jules-Léger (CCJL) à hauteur de 25 000 $ pour sa propre planification et ses activités ».

Au cours de l’année scolaire 2023-2024, le ministère promet d’investir 2 milliards de dollars dans le financement dédié à l’éducation en français.

Cet article a été modifié le 10/05/2023 à 14h11