Fierté : coming-out sur Tiktok pour un Franco-Ontarien, répercussions mondiales

Sam Harterre, Franco-Ontarien de Timmins. Photomontage ONFR+

Un jeune Franco-Ontarien de Timmins, Sam Harterre, a misé sur Tiktok, pendant la pandémie, pour révéler son homosexualité à ses amis et à ses proches. Sa sortie du placard a cependant eu des répercussions mondiales et ému des dizaines de milliers de jeunes partout dans le monde. Souvent critiqué, Tiktok s’impose néanmoins comme un espace de liberté et d’émancipation pour de nombreux jeunes de la communauté LGBTQ+.

« Il y a six mois, j’étais gêné, j’avais peur de qui j’étais. Si vous m’aviez dit qu’aujourd’hui, je serais hors du placard, fier de qui je suis et que j’aurais 100 000 fans sur Tiktok, je ne l’aurais pas cru. Je dois vous remercier. Tout ça ne serait pas arrivé sans votre appui. Merci de m’avoir aidé à être qui je suis vraiment, je vous aime tellement », a confié, en vidéo, Sam Harterre sur son compte Tiktok, il y a quelques jours.

Deux mois plus tôt, le jeune homme de 18 ans avait annoncé sur la plateforme qu’il était gai. Dans sa courte capsule, tout en humour, on le voit s’aventurer hors du placard de sa chambre au son de la chanson Je ne suis pas si méchant tirée du film Le Lorax de Dr. Seuss.

Une fois à l’extérieur, il se visse un chapeau sur la tête, referme la porte de son placard et arbore un large sourire, libéré.

@samwitch_

🙃 did I just do that? Yes. Yes I did. ##surprise ##fyp ##blindinglights ##gay ##lgbt ❤️

♬ How Bad Can I Be? – Ed Helms

Sa vidéo publiée, il reçoit des messages enthousiastes de ses amis et proches. Et en ligne, sa capsule obtient une popularité insoupçonnée. Elle est aimée plus de 45 000 fois et obtient près de 700 commentaires de tiktokeurs enthousiastes et solidaires.

Rapidement, des dizaines de milliers de jeunes se mettent à le suivre. De quelques centaines en janvier, son nombre d’abonnés sur Tiktok atteint maintenant les quelque 110 000.

Conséquence : depuis deux mois, Sam Harterre reçoit des messages de jeunes LGBTQ+ de partout dans le monde. Certains lui disent avoir suivi ses traces et annoncé leur orientation sexuelle à leurs proches, se réjouit-il en entrevue à ONFR+. D’autres lui partagent leurs histoires plus crève-cœurs. « J’ai reçu des messages des États-Unis, d’Europe, d’Asie… l’autre jour lorsque j’ai fait un direct, les messages de jeunes me venaient d’aussi loin que de Philippines et de Bulgarie! », s’étonne-t-il.

Une poignée de messages homophobes lui ont aussi été envoyés. Mais ce sont de rares exceptions, précise-t-il.

Encore un défi de sortir du placard en 2020

Sur papier, le Canada est l’un des pays où les droits LGBTQ+ sont les plus avancés. Mais au quotidien pour un jeune gai, les choses ne sont pas faciles pour autant.

« J’avais peur, j’avais peur de qui j’étais », confie Sam Harterre, en entrevue. « Je voulais que ça passe, ne pas être gai. J’y pensais en continu toute ma 11è année. L’automne dernier aussi. J’étais fâché, je n’étais pas heureux. Même aujourd’hui, j’ai des pensées négatives concernant mon orientation. C’est de l’homophobie intériorisée », réalise celui qui a étudié à l’École secondaire Thériault.

Ironiquement, la pandémie et la pause scolaire se sont avérées une opportunité pour se révéler.

« Je ne prévoyais pas le faire pendant l’année scolaire. Je ne voulais pas en parler à mes collègues de classe, car j’avais peur d’être vu différemment ou que des amis pensent que j’aie de l’attrait pour eux », dit-il.

« J’avais peur de ne plus être aimé et de me retrouver seul. Mais en étant sur Tiktok, j’ai vu tous ces gens fiers de leur orientation et heureux. J’ai réalisé qu’il n’y avait pas réellement de problème et j’ai décidé de m’afficher fièrement », confie-t-il.

Sam Harterre rejoint plus de 100 000 personnes avec ses vidéos Tiktok. Photomontage ONFR+

Sur Tiktok, la majorité des utilisateurs font des chorégraphies au son de chansons populaires ou copient des concepts viraux. Sam Harterre a choisi un autre chemin. Ses vignettes sont toutes simples, mais toutes originales. Avec humour et légèreté, il réussit à aborder des sujets sérieux comme l’intimidation ou l’homophobie. Sa page est une fenêtre sur le quotidien d’un jeune de 18 ans qui vit avec ses joies, ses difficultés et ses rêves. Même s’il se décrit comme un « fier Franco-Ontarien », il fait principalement ses capsules en anglais pour rejoindre ce public international.

Tiktok, un « espace sécuritaire »

Les parents de Sam Harterre ont bien accueilli son homosexualité. « Ils étaient contents que je sois assez confortable pour leur dire. Chez mes parents, il y a cependant une petite nervosité car ils craignent que ma vie soit un peu différente et plus difficile, en raison de mon orientation. Mais je suis pas mal sûr que je vais être correct, ce n’est pas une trop grande différence », laisse-t-il tomber.

Ses parents trouvent cependant qu’il passe beaucoup de temps sur Tiktok. Ils n’ont pas tout à fait tort, lance Sam Harterre, le sourire en coin : « Je dois leur répéter que je ne vais pas arrêter mes études pour faire du Tiktok! ».

« Beaucoup de gens jugent Tiktok, mais ce n’est pas seulement du vide et des contenus légers. Beaucoup d’utilisateurs sont activistes et militent pour les droits humains. C’est un lieu de renseignement pour les jeunes, un espace sécuritaire pour la communauté LGBTQ+ et où il y a des gens qui nous inspirent », insiste Sam Harterre.

@samwitch_

i just love all of you so much. I appreciate all the support I got when I first came out. I couldn’t be any luckier to have you all ❤️ ##100k ##gay

♬ Coastline – Hollow Coves

Sam Harterre a obtenu son diplôme d’études secondaires, il y a quelques jours. Il débutera un baccalauréat en Sciences de la vie, à l’automne, à l’Université Queen’s. Il rêve de ce nouvel environnement scolaire.

« À mon école secondaire, il y avait peu de gens ouvertement LGBTQ+. Et plusieurs jeunes font des blagues homophobes pour se prouver à eux-mêmes ou aux autres qu’ils sont hétérosexuels. Ils utilisent constamment l’expression « it’s so gay » pour décrire quelque chose de négatif. Je me suis habitué, mais ça blesse d’autres gens et c’est inacceptable », dit-il.

Le milieu scolaire est en théorie ouvert à la diversité, mais le sujet n’est pas pour autant abordé ouvertement et dans un esprit rassembleur, se désole-t-il. « Il faudrait qu’on sache que l’école est là pour toi si tu es LGBTQ+ », insiste Sam Harterre.

Populaire dans le monde gai virtuel, Sam Harterre révèle que la réalité d’un jeune gai dans le Nord de l’Ontario est cependant pas mal différente.

« Ici à Timmins, je n’ai aucun ami LGBTQ+ à qui me confier. Personne de gai à qui je peux parler ou passer du temps », confie-t-il. « J’ai hâte de me sentir dans la communauté LGBTQ+, de rencontrer d’autres gens comme moi à l’université et d’avoir des amis LGBTQ+ en vrai! En personne! »

Celui qui ne s’entendait pas à être un ambassadeur du mouvement LGBTQ+ est rempli d’espoir pour la suite : « Je suis maintenant fier de qui je suis et je veux inspirer et aider d’autres jeunes comme moi ».