Flambée du chômage à Windsor et dans le Niagara

Le siège de Chrysler Canada dans le centre-ville de Windsor vu des jardins de Dieppe. Crédit image: mbee473 at the English language Wikipedia, CC BY-SA 3.0,https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=36295785

WINDSOR – Les chiffres publiés ce vendredi par Statistique Canada révèlent une forte hausse du taux de chômage au mois d’avril, particulièrement dans le Sud-Ouest. Si Waterloo (7,8 %) et London (8,9 % avec la plus forte hausse mensuelle) limitent la casse, Windsor en revanche culmine à 12,9 %. Près de 13 400 résidents ont perdu leur emploi au cours du dernier mois, au cœur de la pandémie de COVID-19.

Cette hausse de 2,4 points par rapport au mois de mars est un nouveau coup dur pour la ville. Confrontée comme le reste de l’Ontario au ralentissement global de l’économie nationale et mondiale pour contrer la pandémie, la région paye un prix encore plus fort du fait des restrictions douanières, des fermetures de commerces et des pertes économiques dans ses industries manufacturières.

Si ce taux de chômage de 12,9 % correspond à celui du Canada, il dépasse en revanche significativement la moyenne provinciale, établi à 11,3 % en avril. 689 200 travailleurs ontariens ont perdu leur emploi en avril, dont 460 000 occupaient des postes à temps plein.

Des chiffres dramatiques et trompeurs

Cette spectaculaire hausse, inédite en 40 ans, n’étonne pas l’économiste du Collège universitaire Glendon, Nicolas-Guillaume Martineau.

« Ces chiffres sont dramatiques, certes, mais masquent d’autres effets encore plus importants sur le marché du travail », analyse-t-il.

« Il y a beaucoup de mises à pied temporaires qui se traduisent par une baisse des heures travaillées mais pas par une augmentation des prestations d’assurance-emploi. Ces gens admissibles à d’autres aides n’apparaissent pas dans les chiffres du chômage. »

Si on peut s’attendre à ce que la majorité de ces travailleurs momentanément sans activité ou à activité réduite retrouvent leur plein temps, l’économiste n’écarte pas qu’à plus long terme, si les entreprises ne se remettent pas de la crise malgré les aides gouvernementales, il y ait des pertes sèches d’emploi, voire des restructurations sectorielles.

Nicolas-Guillaume Martineau, économiste au Collège universitaire Glendon. Archives ONFR+

« On espère que l’arsenal de subventions et de prêts aux entreprises et aux travailleurs limitera les effets structurels sur l’économie », tempère-t-il.

Dans le cas de Windsor, M. Martineau évoque plusieurs facteurs qui tiennent pour l’essentiel à des conditions préexistantes, au type d’industrie et à la proximité des États-Unis.

« Le secteur les plus touché depuis deux mois est celui des services. Donc, les régions où ils sont plus développés sont les plus affectées. Mais ça dépend aussi du niveau et de la composition du chômage précédent la crise. À Windsor, le taux de chômage était déjà plus élevé que la moyenne provinciale. Il y a la composante automobile qui entre en ligne de compte, même si cette industrie a moins été touchée immédiatement par la crise. »

Les restrictions de flux entre le Canada et les États-Unis pourraient également expliquer en partie la situation de l’emploi. « La frontière n’est pas fermée aux biens ni aux travailleurs essentiels, mais cela a certainement contribué. »

Dans le Niagara, emploi et tourisme en berne

L’autre chiffre de Statistique Canada qui retient l’attention, ce vendredi, est celui du Niagara : 9,9 % de la population active de la Péninsule est inscrite au chômage. 10 400 résidents ont perdu leur emploi dans le dernier mois.

Ce qui inquiète dans la région, c’est la saison touristique qui est en train de voler en éclats. « Les perspectives de ce secteur sont peu réjouissantes, mais encore floues », tâtonne M. Martineau.

« Tout dépendra de la progression du virus. Si on arrive à limiter la contagion à une seule vague, les régions touristiques se remettront plus facilement, par exemple en compensant la baisse du tourisme international par une hausse des voyages et du tourisme interne. Mais si la situation perdure, on pourrait voir des mouvements de population importants avec des travailleurs qui plient bagage ou changent d’activité. »

« Plus ce coma artificiel de l’économie durera, plus il y aura de séquelles à long terme » – Nicolas-Guillaume Martineau, économiste

Selon l’économiste franco-ontarien, les aides gouvernementales devront alors être capables d’accompagner les besoins de transitions de ces travailleurs afin de fluidifier le marché du travail.

Quant à savoir combien de temps l’économie canadienne pourra supporter l’accumulation des déficits, Nicolas-Guillaume Martineau estime que, dans ces circonstances exceptionnelles, la dette publique n’est pas un problème.

« On peut accumuler les déficits sans risque parce qu’il y a une intervention connexe de la Banque centrale pour racheter les titres de la dette publique. Cependant, plus ce coma artificiel de l’économie durera, plus il y aura de séquelles à plus long terme. »

Les chiffres-clé du Sud-Ouest et du Niagara

  • Windsor : 21 800 chômeurs (12,9 %) en hausse de 2,4 pts depuis mars
    13 400 travailleurs ont perdu leur emploi en avril
  • London : 24 100 chômeurs (8,9 %) en hausse de 3,1 pts depuis mars
    16 300 travailleurs ont perdu leur emploi en avril
  • Waterloo : 24 500 chômeurs (7,8 %) en hausse de 1,8 pts depuis mars
    16 400 travailleurs ont perdu leur emploi en avril
  • Niagara : 20 200 chômeurs (9,9 %) en hausse de 2,1 pts depuis mars
    10 400 travailleurs ont perdu leur emploi en avril
  • Ontario : 822 400 chômeurs (11,3 %) en hausse de 5,2 pts depuis mars
  • Canada : 2 418 300 chômeurs (13 %) en hausse de 5,2 pts depuis mars