Ford et les francophones : statu quo ou acte 2?

Le premier ministe de l'Ontario, Doug Ford. Archives ONFR+

[ANALYSE]

À peine de retour à Queen’s Park, les élus ontariens n’ont pas été tendres entre eux, la semaine dernière. La volonté du premier ministre, Doug Ford, d’éponger le déficit de 13,5 milliards $, tout en garantissant une baisse d’impôts, continue de provoquer l’ire des néo-démocrates. Et pour les francophones, toujours cette même question : à quel point écoperont-ils?

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

On devrait en savoir plus lors du budget dévoilé dans les prochaines semaines. Si le gouvernement fédéral a déjà coché le 19 mars pour cet exercice, rien n’a pour l’instant filtré du côté du gouvernement progressiste-conservateur de l’Ontario.

Dans les coulisses, les proches de Doug Ford se veulent rassurants. La grosse transformation du système de santé imminente n’affecterait pas les Franco-Ontariens entend-on. Les six entités de planification, mises en place en 2010 et chargées de conseiller le gouvernement sur les services de santé à offrir en français, seraient même maintenues.

La présence nouvelle de Marilissa Gosselin à titre de conseillère aux affaires francophones du premier ministre serait le gage d’une meilleure compréhension. Dans les coulisses, on jure que l’épisode du « jeudi noir » le 15 novembre dernier n’arrivera plus, qu’il s’agissait d’une fausse note.

L’éducation dans la mire?

Il faudra en tout cas plusieurs années pour rétablir un lien de confiance très endommagé du côté francophone. En attendant, pour beaucoup, la suspicion demeure et demeurera. Dans ces conditions, le dossier de la refonte du système de santé sera un véritable test pour les Franco-Ontariens.

Après avoir fait voler en éclats l’indépendance du Commissariat aux services en français et annulé le projet de l’Université de l’Ontario français, le gouvernement préparerait maintenant un scénario plus « acceptable » : des coupes de 3 à 5 % dans le budget de l’Éducation. Une hypothèse probable du fait que ce ministère représente à lui seul quasiment 30 milliards de dollars de dépenses annuelles. C’est même le deuxième plus « coûteux », derrière celui de la Santé et des Soins de longue durée.

Cet « effort de guerre » serait sans doute mieux accepté par les Franco-Ontariens qu’un coup de gomme sur leurs institutions. Il ne s’agirait pourtant que d’un statu quo déguisé. Car avec environ 7 % de l’ensemble du financement alloué aux conseils scolaires, l’éducation en français ne se porte pas si mal… mais de fait serait beaucoup plus affaiblie que les institutions anglophones en cas de recul des subventions.

Le financement des organismes en question

Autre sujet à surveiller : la santé des organismes. Contrairement à l’idée reçue, toutes les associations francophones ne vivent pas avec les deniers des gouvernements. Et l’équipe de Doug Ford qui a serré la vis quant à l’obtention des subventions pourrait même aller beaucoup plus loin.

Sur le terrain, les temps sont durs. Certains centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS), privés de subventions cette année, avouaient cette semaine à #ONfr ne plus pouvoir répondre à toutes les dénonciations insufflées par le mouvement #metoo.

À sa décharge, le gouvernement de Doug Ford peut se défendre, en invoquant le fait que leurs prédécesseurs libéraux avaient promis de l’argent qu’ils n’avaient pas. Il n’y a pas que du faux là-dedans. Le crépuscule du pouvoir de Kathleen Wynne s’était résumé à plusieurs milliards de dollars avancés.

Les prochains mois des Franco-Ontariens se situent sans doute entre un statu quo et un bis repetita du « jeudi noir ». Pas alarmant, mais pas franchement rassurant…

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 25 février.