L’insécurité linguistique en Ontario français n’est pas un problème nouveau, mais de plus en plus d’organismes et d’experts en parlent et tentent d’y trouver des solutions.
La Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF) a d’ailleurs lancé une vaste étude pancanadienne sur le phénomène. Elle compte développer au printemps une stratégie nationale pour répondre au problème.
Entre-temps, voici six solutions à l’insécurité linguistique partagées à ONFR+ par des experts et membres de la communauté.
Résister à la tentation de toujours corriger le français

On a souvent tendance, en français, à vouloir corriger les fautes des autres. C’est un réflexe normal, puisque c’est une langue standardisée, avec des règles dictées par l’Académie française.
Le résultat selon la pédagogue et sociolinguiste Phyllis Dalley de l’Université d’Ottawa, c’est que les enseignants vont souvent mettre l’accent sur la recherche d’erreurs chez leurs élèves, plutôt que de miser sur leurs compétences en français.
« On va essayer d’amener les jeunes à s’approcher du français normé, et le plus souvent, on le fait par la correction. Et l’effet de la correction continue, c’est justement de créer ou d’approfondire une insécurité linguistique qui pourrait déjà être là. »
Elle suggère plutôt de se servir du français parlé des jeunes comme base pour explorer le français standard :
Parler davantage en salle de classe
Phyllis Dalley souligne aussi qu’en moyenne, le temps alloué aux élèves à la prise de parole dans les salles de classe ontariennes est de huit minutes par jour.
« Avec huit minutes de prise de parole, les enfants n’ont pas la possibilité d’acquérir le français standard qu’on voudrait qu’ils acquièrent à l’école. »
La solution selon elle ? Créer plus d’occasions en classe, peu importe la matière, où les jeunes peuvent s’exprimer librement. Mais pour que ça fonctionne pleinement, elle précise qu’on doit avoir un personnel enseignant « qui accepte que le français varie et que les enfants vont produire du langage qui n’est pas la norme »,
Développer la résilience

Il s’agit ici de développer chez les Franco-Ontariens une capacité à surmonter des défis linguistiques qu’ils pourraient rencontrer dans leur vie de tous les jours.
En général, les humains ne sont pas vraiment outillés à être résilients, souligne Josée Vaillancourt, directrice de la FJCF. « On ne nous enseigne pas la résilience à l’école. C’est un problème, parce que quand on est confronté à quelque chose, on aime mieux dévier que de passer par dessus. On évite. »
Josée Vaillancourt donne l’exemple du Franco-Ontarien qui arrive au Québec et qui se fait demander d’où il vient puisque son accent sonne anglophone. « Comment je réponds à ça ? »
Quand ce genre de situation arrive à Jessica Sylvestre, animatrice culturelle à l’école secondaire de Pain Court près de Chatham, elle a sa réplique déjà préparée.
« Maintenant, je reprends les gens et je leur dis : ‘Non en réalité, je suis 100 % francophone. C’est juste que dans le Sud de l’Ontario, on a un accent différent, pareil comme les gens de différentes régions du Québec ont des accents différents’. »
La stratégie nationale qui sera élaborée par la FJCF compte inclure des astuces similaires pour réagir lors de tels scénarios, explique Josée Vaillancourt. « L’idée est d’outiller les gens, leur donner la réplique à dire lorsqu’ils sont confrontés à ce genre de commentaires. »
Transformer des moments négatifs en occasions d’apprentissage
Un jugement sur son accent peut être vu comme une occasion d’éduquer son interlocuteur sur le fait français en Ontario. Mais on peut également voir une occasion d’apprentissage en tant que francophone lorsqu’on est confronté à un mot en français qu’on ne comprend pas.
C’est une des astuces de Sylvie Lamoureux, professeure à l’Institut des langues officielles et du bilinguisme à l’Université d’Ottawa.
Encourager la création en français
Pour Giselle Hinch, conseillère pédagogique en construction identitaire au Conseil scolaire catholique Providence, le développement d’une résilience linguistique passe par la création.
« Une fois que tu crées en français, tu te l’appropries. Le fait de créer fait que les élèves apprivoisent la langue… Il y a une connection affective qui se fait. »
C’est précisément l’idée derrière les ateliers de sécurité linguistique qu’offre le metteur en scène franco-ontarien Dillon Orr dans certaines écoles primaires du Sud-Ouest ontarien, sa région natale. Les élèves y sont amenés à créer un texte et à le présenter sous forme d’un balado, un exercice qui vise à améliorer leur aisance linguistique tout en célébrant leur français régional.
Valoriser davantage les accents dans les médias
Finalement, les intervenants s’entendent pour dire qu’il faudrait voir et entendre davantage les Franco-Ontariens dans les médias, que ce soit à la télé, à la radio, sur le web ou sur nos scènes artistiques.

Dillon Orr déplore le fait qu’ « on n’entend jamais notre accent à nous ». Le metteur en scène explique qu’il a lui-même dû supprimer son accent de Windsor quand il a voulu faire carrière en théâtre à Ottawa. Il rêve du jour où le français régional ontarien jouira de la même reconnaissance que le joual québécois, qui lui est maintenant reconnu grâce au travail de certains artistes et auteurs comme Michel Tremblay.
Ça revient à une question de représentation, ajoute Josée Vaillancourt. « C’est d’aller chercher les voix, aller chercher les personnalités pour que quand on regarde du contenu sur les médias traditionnels ou les médias sociaux, qu’on puisse s’identifier à ces personnes-là. »C