Francophonie au Nouveau-Brunswick : « Le cauchemar commence »

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FREDERICTON – Les progressistes-conservateurs et les alliancistes sont plus que jamais aux portes du pouvoir au Nouveau-Brunswick. Le premier ministre sortant, Brian Gallant, vient d’annoncer sa démission, vendredi matin, après avoir perdu un vote de confiance de l’Assemblée législative. Le tout seulement quelques jours après son discours du Trône. Une situation qui inquiète les Acadiens.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Ce n’est pas tant le Parti progressiste-conservateur de Blaine Higgs, vainqueur de 22 sièges lors des élections du 24 septembre dernier, qui donne des maux de tête aux Acadiens, mais plutôt son allié au sein du probable futur gouvernement.

L’Alliance des gens du Nouveau-Brunswick, gagnant de trois sièges, mise entre autres sur une abolition du réseau de santé francophone, la fin de la séparation des élèves francophones et anglophones dans les autobus scolaires ou encore, l’élimination du Commissariat aux langues officielles.

Durant la campagne à la fin de l’été, le parti dirigé par Kris Austin avait multiplié les discours à l’encontre du bilinguisme.

L’ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick, Brian Gallant. Source : Facebook

« Acadiens du Nouveau-Brunswick : le cauchemar commence, et il a un nom : Higgs-Austin », a écrit la politologue Stéphanie Chouinard sur son fil Twitter.

En entrevue pour #ONfr, la professeure au Collège militaire royal du Canada précise son point. « Malgré le fait que l’Alliance n’a que trois députés à l’Assemblée, c’est eux qui ont l’équilibre du pouvoir. Si les progressistes-conservateurs veulent gouverner, ils vont devoir effectuer des compromis avec eux. Ces compromis pourraient toucher directement l’équilibre linguistique. La qualité des services pourrait être favorisée plutôt que le service dans les deux langues. »

Mme Chouinard rappelle aussi l’appartenance, il y a quelques années, du probable futur chef du gouvernement, Blaine Higgs, au parti antibilinguisme Confederation of Regions (CoR). « La rhétorique anti-bilingue était alors très forte. »

Réactions sur les médias sociaux

Vendredi, de nombreux leaders acadiens se sont épanchés sur le sujet via les médias sociaux. À commencer par le maire de Bathrust, Paulo Fongemine, qui préfère relativiser. « En lisant certains gazouillis, on croirait que l’apocalypse vient de se produire. Soyons toujours vigilants au respect de nos droits et valeurs, mais ayons un peu de discernement et laissons une chance au coureur. L’immobilisme politique fait du tort à tous les citoyens. »

Une réponse qui n’a manifestement pas convaincu l’avocat, spécialiste des droits linguistiques, Michel Doucet. « Je vois difficilement ce qu’il y a de bon pour nous dans l’alliance entre un ancien CoRiste unilingue et un nouveau CoRiste unilingue dont l’objectif est de réduire nos droits. »

Nelson Cyr, un résident de Rogersville, a aussi fait part de ses inquiétudes. « Le passé de M. Higgs avec le CoR, combiné avec son acharnement à blâmer le bilinguisme concernant Ambulance Nouveau-Brunswick (ANB), combiné à une alliance avec l’Alliance des gens du Nouveau-Brunswick, n’a rien de très rassurant pour les citoyens francophones du Nouveau-Brunswick », a-t-il gazouillé.

Encore le discours du Trône pour tout officialiser

Les élections du 24 septembre dernier n’avaient pas permis de départager les deux principaux partis néo-brunswickois. Malgré leurs 22 sièges obtenus, les progressistes-conservateurs ne disposaient pas du chiffre magique, c’est-à-dire de 25 élus, pour former une majorité.

Bien qu’arrivé en seconde position avec 21 élus, le Parti libéral restait prioritaire pour tenter de former un gouvernement.

Vendredi matin, le premier ministre sortant n’a toutefois pas reçu l’appui de la majorité des élus à l’Assemblée législative lors du vote de confiance de son gouvernement. Le soutien des trois députés élus du Parti vert a permis à M. Gallant de n’obtenir que 23 voix… contre 25 pour les progressistes-conservateurs et l’Alliance, le président de l’Assemblée législative, le libéral Daniel Guitard, ne pouvant se prononcer qu’en cas d’égalité.

Le chef progressiste-conservateur Blaine Higgs en déplacement de campagne. Source : Twitter

Blaine Higgs doit maintenant se rendre en fin d’après-midi chez la lieutenante-gouverneure, Jocelyne Roy Vienneau, pour former le gouvernement.

Devrait s’ensuivre dans quelques jours le discours du Trône. M. Higgs sera alors sensiblement dans le même cas que M. Gallant jusqu’à ce matin. Il lui faudra obtenir l’appui de deux autres députés pour obtenir définitivement la majorité, et le gage de gouverner… la seule province bilingue au Canada.

« L’alliance entre le Parti progressiste-conservateur et l’Alliance des gens du Nouveau-Brunswick n’est pas encore formelle », explique Mme Chouinard. « Une chose certaine, c’est que M. Higgs va devoir mettre de l’eau dans son vin au cours de son discours s’il veut convaincre au moins deux des députés de l’Alliance. »


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