Francophonie : le moment ou jamais pour le gouvernement Trudeau

Le premier ministre, Justin Trudeau. Archives #ONfr

[ANALYSE]

OTTAWA – Une semaine après Queen’s Park, les députés fédéraux sont de retour en chambre ce lundi. Et le gouvernement Trudeau, qui arrivera à mi-mandat début novembre, est attendu sur de nombreux dossiers par les francophones en contexte minoritaire.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Pendant deux ans, le premier ministre a laissé l’essentiel des dossiers francophones entre les mains de la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly. Un sentiment de détachement matérialisé par son refus de rencontrer la Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA).

Les bonnes notes du début de mandat comme le rétablissement des programmes de mobilité francophone, et de contestation judiciaire ne suffisent plus aujourd’hui pour parler d’un bilan favorable envers les Franco-Ontariens, Acadiens et autres Franco-Manitobains.

Le Plan d’action sur les langues officielles devrait être dévoilé au courant de l’automne. Ce sera l’occasion de mieux connaître la part accordée sur le terrain aux organismes linguistiques. Une urgence tant la plupart sont étranglés financièrement. La raison? Le montant reste toujours gelé depuis des années à 1,1 milliard de dollars.

Le premier ministre a ici l’occasion de s’ériger un peu plus en protecteur des minorités linguistiques, et d’effacer quelques bourdes (réponse en anglais à une question posée en français à Peterborough, maladresse sur le dossier d’Ottawa bilingue en sous-entendant la possibilité de Gatineau d’être aussi bilingue).

La saga à la suite de la nomination de Madeleine Meilleur au Commissariat aux langues officielles est un autre exemple. Le gouvernement avait mal anticipé les réactions hostiles d’une partie des francophones, donnant une situation où il n’eut finalement que des divisions et des perdants.

Relancé au mois de juillet, le nouveau processus « ouvert, transparent et basé sur le mérite » dixit le gouvernement devrait aboutir à la nomination du successeur officiel de Graham Fraser au cours de l’automne. D’autant que le mandat de la commissaire par intérim expire au mois de décembre.

Attentes sur l’immigration francophone

Personnalité la plus puissante du Canada, Justin Trudeau est aussi au centre de toutes les attentions sur la question de l’immigration francophone. Dans ces conditions, à quand un véritable coup de barre au nombre d’immigrants francophones hors Québec?

Alors que les chiffes continuent d’inquiéter (aux alentours des 2 % en Ontario, malgré une cible de 5 %), force est d’admettre que M. Trudeau tarde à donner des signes encourageants aux provinces. Pour certains, la volonté réelle du gouvernement Trudeau est mise à mal par l’incapacité de maîtriser les flux migratoires interprovinciaux et l’assimilation. Pour les plus féroces en revanche, le multiculturalisme cher à M. Trudeau tend à noyer les francophones.

Des nouveaux chefs de parti à ses côtés

Enfin, il sera intéressant d’observer la ligne des partis d’opposition à la Chambre des communes avec de nouveaux chefs. Tout comme le Parti conservateur avec Andrew Scheer fraichement élu en mai, le Nouveau Parti démocratique (NPD) connaîtra le successeur de Thomas Mulcair au plus tard le 15 octobre.

Le parti orange a d’ores et déjà affirmé qu’il repartirait en croisade pour que le bilinguisme des juges de la Cour suprême du Canada soit enchâssé dans une loi. Un projet pour lequel les libéraux ont toujours hésité.

Cette discrétion de M. Trudeau vis-à-vis des enjeux francophones trouve peut-être simplement son explication dans sa forte popularité. Fort d’une action généralement approuvée par les Canadien, le premier ministre tarde à sortir les « cadeaux » plus que nécessaires.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 18 septembre.