Francophonie : une première absence remarquée de l’Ontario

Étienne Fortin-Gauthier #ONfr

QUÉBEC – Le nouveau gouvernement de Doug Ford brille par son absence à l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), qui se déroule pourtant de façon exceptionnelle en sol canadien. Avant l’élection, il avait pourtant été promis qu’une délégation du Parti PC prendrait part à l’événement qui regroupe des dizaines d’élus francophones et francophiles de la planète.

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg

« Une occasion ratée! », s’est offusqué le nouveau député néo-démocrate de Mushkegowuk-Baie James, Guy Bourguoin, constatant l’absence du nouveau gouvernement Ford à l’APF. « Comme nouveau député, ça ouvre les horizons d’être ici. 60 % des élus du 7 juin sont des nouveaux députés, il fallait que chaque parti soit représenté. Que les conservateurs ne soient pas ici, ça m’inquiète. Ils ont raté l’occasion d’avancer l’agenda francophone. »

Une délégation du Parti progressiste-conservateur (Parti PC) se rendra à Québec pour participer à l’Assemblée de parlementaire de la Francophonie si le Parti PC prend le pouvoir, avait pourtant promis Gila Martow, lors d’une entrevue accordée à #ONfr, en avril dernier. Avec cette fois un peu moins de certitude, elle répétait la chose, il y a encore une dizaine de jours. Mme Martow affirmait alors qu’elle croyait dur comme fer aux nombreuses retombées tangibles qui peuvent découler de ce rassemblement. Nos questions à ce sujet auprès du porte-parole du nouveau gouvernement sont, quant à elles, restées sans réponse.

L’Ontario est devenue membre de l’Assemblée parlementaire de la francophonie en 1982, soit bien avant de devenir membre observateur de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), à automne 2016.

Christine St-Pierre, ministre québécoise des Relations internationales et de la Francophonie, avait un message pour Doug Ford et son nouveau gouvernement.

« Vous manquez une super occasion de rencontrer des leaders francophones et de faire avancer la francophonie », a-t-elle lancé concernant l’absence de représentants progressiste-conservateurs à Québec.


« C’est dommage! Les francophones de l’Ontario méritent mieux. En plus, on a vu l’abolition du ministère des Affaires francophones »Christine St-Pierre


Elle a néanmoins tenu à saluer sa nouvelle homologue ontarienne en matière de francophonie.

« Mme Mulroney sera peut-être capable de faire comprendre des choses au sujet de la francophonie à M. Ford », a-t-elle indiqué.

OIF : la grande question

Plusieurs intervenants présents à Québec n’ont pas caché leurs craintes concernant les intentions du nouveau gouvernement de Doug Ford au sujet de l’OIF. Le gouvernement de Doug Ford va-t-il considérer les sommes injectées dans l’OIF comme superflues?

Alors que son équipe est à analyser « ligne par ligne » les dépenses de l’ancien gouvernement de Kathleen Wynne, la question est posée par plusieurs intervenants.

« J’ai une inquiétude concernant la participation de l’Ontario à l’OIF », confie France Gélinas, députée néo-démocrate de Nickel Belt.

Mme Gélinas doit bientôt rencontrer la nouvelle ministre déléguée aux Affaires francophones, Caroline Mulroney, et compte aborder de front la question.


« Je vais lui expliquer l’importance pour les Franco-Ontariens d’avoir accès à de telles structures internationales. La moitié des francophones représentés dans ces organisations vivent en situation minoritaire. On a beaucoup à apprendre d’eux » – France Gélinas


Si le gouvernement sortant de Kathleen Wynne promettait de faire le nécessaire pour devenir membre de plein droit de l’OIF, Mme Gélinas est d’avis que le statut d’observateur est suffisant pour l’instant.

« La majorité des parlementaires ne connaissent même pas l’OIF! On a un travail de fond à faire avant de miser sur un statut complet », confie-t-elle.

Le député libéral fédéral, Francis Drouin, affirme également que l’Ontario a tout avantage à demeurer actif dans des structures francophones internationales.

« C’est le meilleur moyen de dire au monde qu’on parle français en Ontario! On doit beaucoup à des structures comme l’APF et quand on est organisé, on peut se faire entendre au niveau mondial », observe-t-il.

Christine St-Pierre, elle, admet son inquiétude concernant l’avenir de l’Ontario dans l’OIF. Elle rappelle que de grands débats ont eu lieu au pays concernant la légitimité de l’Ontario au sein de l’organisation. Certaines provinces s’opposaient à cette adhésion de l’Ontario à l’OIF.

« Mais on s’est dit qu’on devait l’accueillir, car on est une famille et c’était la bonne chose à faire. Espérons que ça va continuer, sinon ce serait un recul pour les Franco-Ontariens », dit-elle.

L’APF, une structure méconnue

Ils sont néo-démocrates de l’Ontario, conservateurs fédéraux ou libéraux fédéraux, mais tous s’entendent : l’Assemblée parlementaire de la Francophonie joue un rôle méconnu, mais important pour créer des liens entre les dirigeants francophones et francophiles.

La député conservatrice fédérale, Sylvie Boucher, évoque les relations qu’elle a développées avec des élus de partout dans le monde, mais aussi ce qu’elle a pu apprendre.

« Nous avons de grandes discussions et de grands débats. On pense que le Canada est très avancé, mais dans certains cas, on réalise que nous avons aussi beaucoup à apprendre. On se nourrit mutuellement », dit-elle.

Le député libéral fédéral Paul Lefebre renchérit. « C’est important d’être ici. L’an dernier, j’ai échangé avec des représentants du Sénégal. On a parlé du secteur minier et des partenariats possibles. Mais on a aussi parlé d’éducation et d’échanges pour les étudiants », fait-il savoir.

Lundi matin, l’humoriste québécois d’origine sénégalaise, Boucar Diouf, a tenté d’intéresser les délégués africains à la situation des francophones en situation minoritaire.


« L’immigration africaine a sauvé la francophonie dans le reste du Canada. Ils sont directeurs d’école, professeurs et sont partout au pays. Le Canada francophone doit un grand merci à l’immigration africaine » – Boucar Diouf


Pendant la durée de l’APF, il aura été question d’échanges économiques, de l’utilisation du numérique dans le travail des gouvernements, de l’égalité entre les hommes et les femmes et de la jeunesse, notamment.