Fraser rappelle Ottawa à ses obligations

Qui succédera à Graham Fraser au poste de commissaire aux langues officielles du Canada? Archives #ONfr

OTTAWA – Le commissaire aux langues officielles, Graham Fraser, rappelle que la lutte contre le déficit public ne doit pas se faire au détriment des besoins des communautés de langues officielles en situation minoritaire.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Dans son rapport de vérification du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT), publié mardi 12 janvier, le commissaire aux langues officielles indique : « Quand ils envisagent des changements majeurs, comme des compressions budgétaires ou la création ou l’élimination de programmes, les décideurs ne doivent pas procéder à l’aveuglette. Ils doivent s’assurer qu’ils s’acquittent de leurs obligations législatives, y compris des obligations prévues par la Loi. Le fait de ne pas tenir compte de la Loi et des obligations connexes pendant ces types d’examens peut avoir des répercussions importantes sur les Canadiens, surtout ceux des groupes minoritaires comme les communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) ».

Soucieux de revenir à l’équilibre budgétaire, les conservateurs de Stephen Harper, alors fraîchement majoritaire à la chambre des communes, avaient initié un vaste plan de réduction des dépenses pour revenir à l’équilibre budgétaire en 2011. Dans son rapport annuel 2012-2013, le commissaire avait déjà fait part de son inquiétude sur les répercussions négatives éventuelles qui pourraient avoir les changements annoncés.

Selon les conclusions de M. Fraser, le gouvernement de l’époque, malgré la mise en place par le SCT d’un Plan d’action pour les langues officielles 2012-2015, n’a pas suffisamment tenu compte de l’impact des mesures envisagées sur les CLOSM. Dans son rapport, M. Fraser indique de plus ne pas avoir eu accès à toute la documentation nécessaire pour procéder à son étude, mais il note toutefois que le manque de directives claires et précises du SCT a pu avoir des répercussions sur les CLOSM.

« L’information fournie par le SCT a révélé des faiblesses notables concernant la conformité à la partie VII de la Loi sur les langues officielles (LLO). (…) Le SCT n’a fourni aucune orientation précise aux institutions fédérales sur leur obligation d’analyser et d’atténuer les répercussions négatives potentielles sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Ses directives renvoyaient aux langues officielles seulement de façon générale ».

La partie VII de la LLO stipule que : « Le gouvernement fédéral s’engage à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu’à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne. »

Inquiétudes confirmées pour la FCFA

En 2012, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada s’était alarmée de l’impact des compressions sur ses communautés. Le rapport publié, le 12 janvier, confirme ses inquiétudes.

« C’est au Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) qu’il revenait de veiller à ce que nos communautés ne fassent pas indûment les frais de ces compressions, et on apprend aujourd’hui que sa performance à cet égard a été loin d’être exemplaire. « Manque de clarté », « confusion interne », « aucune orientation précise aux institutions fédérales », sans compter le refus opposé par le SCT aux demandes d’accès aux documents faites par les enquêteurs du Commissariat; voilà des mots qui ne traduisent certainement pas le sérieux auquel les citoyens et les citoyennes sont en droit de s’attendre en matière de respect de la LLO. »

La présidente de la FCFA, Sylviane Lanthier espère que des ajustements seront rapidement apportés.

« Les langues officielles semblent avoir été dans l’angle mort de la lentille du gouvernement lorsque les compressions de 2011-12 ont été décidées. Nous nous attendons à ce que le SCT fasse les correctifs nécessaires dans un délai raisonnable pour que cette situation ne se reproduise plus. Ce sera un des sujets que nous voudrons discuter avec le président du Conseil du Trésor lorsque nous le rencontrerons ».

Trois recommandations

Le commissaire rappelle que les langues officielles doivent occuper une place constante pendant les examens des dépenses, alors qu’elles ne sont actuellement pas toujours prises en considération.

Pour y parvenir, M. Fraser formule trois recommandations à l’intention du SCT. Il plaide pour que soient énumérées des mesures précises dans son plan d’action en matière de langues officielles, que soient précisés les rôles et les responsabilités associés à la partie VII de la LLO, et enfin, que soient fournies aux institutions des directives claires, précises et opportunes sur la façon de tenir compte des obligations liées aux langues officielles pendant les examens des dépenses.

Le Commissariat aux langues officielles indique avoir déjà reçu un document, intitulé « Rôles et responsabilités en matière de langues officielles du SCT », qui sera inclus dans le plan d’action du SCT en matière de langues officielles 2015-2018.

« Je suis encouragé par le plan d’action proposé par le SCT et les mesures proposées en réponse à mes recommandations », a indiqué M. Fraser, par voie de communiqué. « Il est toutefois important de se rappeler qu’il ne s’agit pas ici de bonnes pratiques en matière de langues officielles, mais plutôt d’obligations législatives à respecter lors des prochains examens des dépenses. »