Front commun pour l’éducation en français

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OTTAWA – Dans un mémoire rendu public lundi 12 septembre, la Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF), la Commission nationale des parents francophones (CNPF) et la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, demandent au gouvernement fédéral de revoir le Protocole d’entente relatif à l’enseignement dans la langue de la minorité et de la langue seconde.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Depuis 1970, cette entente régit les fonds transférés par le gouvernement fédéral aux provinces et territoires afin de financer les coûts supplémentaires de l’enseignement dans la langue de la minorité et de l’enseignement de la langue seconde.

Mais si le protocole est encore vu comme une mesure positive pour le développement des communautés francophones et acadiennes, il présente des lacunes importantes, selon les trois organismes. Ceux-ci lui reprochent le manque de consultations des communautés, l’absence d’une procédure de reddition de compte et une utilisation pas toujours adéquate des fonds transférés aux provinces et territoires.

« Il est inacceptable que les provinces et territoires décident pour nous sans nous consulter! Nous avons mené une étude précise et recueilli de nombreuses données. Nous nous sommes rendus compte que l’argent du fédéral sert parfois à payer les salaires des enseignants réguliers alors que ce n’est pas fait pour ça. Parfois, les fonds sont dirigés vers les programmes d’immersion sans aucune consultation… Notre mémoire fait 50 pages, mais nous aurions pu avoir au moins 200 pages avec ce type d’exemples », explique le directeur général de la FNCSF, Roger Paul.

 Entente spécifique

Après avoir d’abord réclamé d’être présente à la table des discussions dans l’optique du renouvellement de l’entente en 2018, la FNCSF demande désormais au gouvernement de créer une entente spécifique consacrée uniquement à l’enseignement élémentaire et secondaire en français langue première.

« Nous avons mené des consultations durant tout l’été pour parvenir à cette conclusion. Dans l’entente actuelle, il y a plusieurs enjeux qui sont traités, dont l’immersion, le postsecondaire… Ce sont des sujets importants mais nous pensons que nous avons plus de chance de faire accepter notre participation aux négociations si nous n’intervenons que sur les enjeux particuliers de l’enseignement élémentaire et secondaire en français langue première. »

Le rapport intitulé Objectif 2018/2023 demande un protocole signé par le gouvernement fédéral, les provinces et territoires et la FNCSF. Cette nouvelle entente permettrait à la communauté de déterminer elle-même ses priorités en matière d’enseignement et de mieux définir ce que représentent les « dépenses supplémentaires » que les fonds fédéraux sont sensés couvrir. Selon les trois partenaires, la nouvelle entente permettrait également une meilleure reddition de comptes et une plus grande transparence dans la gestion des fonds du fédéral.

« 35 ans après l’adoption de l’article 23 de la Charte des droits, le Protocole ne répond pas aux besoins des communautés et ne permet pas de comprendre comment les fonds fédéraux sont dépensés en éducation pour la minorité francophone au pays », explique la présidente de la CNPF, Véronique Legault.

Voix commune

Pour la FNCSF, il est important de pouvoir compter sur l’appui de la FCFA et de la CNPF.

« Cela nous donne encore plus de poids et de légitimité. C’est d’autant plus important que l’enjeu de l’éducation ne concerne pas que les conseils scolaires. C’est une question déterminante pour la vitalité et la pérennité de nos communautés », explique M. Paul.

De gauche à droite, la présidente de la FNCSF, Melinda Chartrand, la présidente de la FCFA, Sylviane Lanthier et le directeur général de la CNPF, Luc Racine.
De gauche à droite, la présidente de la FNCSF, Melinda Chartrand, la présidente de la FCFA, Sylviane Lanthier et le directeur général de la CNPF, Luc Racine. (Photo : courtoisie)

Pour la présidente de la FCFA, Sylviane Lanthier, il est essentiel que la communauté francophone en contexte minoritaire puisse participe aux négociations.

« Il faut que les communautés aient leur mot à dire, d’où l’importance d’un protocole distinct où nous aurons le pouvoir d’accepter les termes ».

Selon M. Paul, cela aura un impact direct sur l’enseignement en français.

« Nous pourrons vérifier où va l’argent et définir les priorités. Actuellement, les provinces et territoires qui prennent les décisions ne connaissent pas toujours nos communautés, ni leurs réalités. On veut leur laisser la chance de nous dire ce qu’ils en pensent, mais nous voulons aussi être consultés sur les enjeux qui nous concernent directement. »

Pas une demande nouvelle

La demande formulée par la FNCSF, la FCFA et la CNPF, n’a rien de nouveau. Elle a déjà été exprimée à de nombreuses occasions et reprises par le comité sénatorial permanent des langues officielles qui, en 2005, recommandait au gouvernement fédéral d’élaborer un nouveau cadre de gestion du programme. Une demande rejetée par le gouvernement conservateur de l’époque. Mais aujourd’hui, M. Paul juge que le temps est venu d’agir.

« Cela fait plus de 20 ans que nous en parlons et nous l’avons aussi évoqué lors de consultations pancanadiennes sur les langues officielles. Nous pensons qu’il y a de l’ouverture et que notre demande est légitime, raisonnable et bien documentée. Cette situation n’a que trop duré! »

En juin dernier, le secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien, Randy Boissonnault, interrogé par #ONfr, se montrait prudent sur cette question.

« Nous sommes en train de regarder les demandes de tous les organismes pancanadiens francophones lors des démarches préliminaires qui encadrent le prochain plan d’action pour les langues officielles. Nous avons entendu le message de la FNCSF, mais il faut noter que le domaine de l’éducation est une dimension provinciale. Nous sommes en train d’étudier cette demande à l’interne. »