Gisèle Lalonde racontée par ceux qui l’ont côtoyée : « C’est notre Jeanne d’Arc »

Crédit image: Étienne Morin, Le Droit, Université d’Ottawa, CRCCF, 2012.

Gisèle Lalonde aura été le visage d’un des grands mouvements de contestation de la francophonie canadienne avec SOS Montfort. Sa phrase, « Montfort, fermé, jamais », prononcée lors du grand rassemblement de 1997 aura été à son image : pleine d’énergie et de conviction. Une détermination qui aura marqué des acteurs clés du mouvement qui était aux premières loges pour voir Gisèle Lalonde.

« Gisèle était bigger than life. Gisèle rentrait dans une salle et tu savais qu’elle était là même si tu ne l’avais pas entendu ou vu », lance Ronald Caza en entrevue.

Ce dernier était l’avocat qui a piloté le dossier juridique pour la sauvegarde de l’institution franco-ontarienne en compagnie de l’ancienne mairesse de Vanier.

« J’ai travaillé et passé beaucoup de temps avec elle, et elle était toujours de bonne humeur. Parfois, elle se choquait et devait monter aux barricades, mais elle avait toujours un sens de l’humour extraordinaire. Tout le monde aimait Gisèle Lalonde », résume-t-il.

« C’était une femme intense, un génie qui était brillant », énumère de son côté Gérald Savoie, qui était le président et chef de la direction de l’Hôpital Montfort au moment des événements.

L’avocat Ronald Caza. Archives ONFR+

L’attention générée par cette cause lui aura apporté une certaine renommée aux quatre coins du Canada à défendre le mouvement, mais ça n’a pas changé l’ancienne éducatrice.

« Elle traitait tout le monde de la même façon. Le monde qu’elle rencontrait dans la rue dans Vanier en allant au dépanneur, quand elle a rencontré le pape ou les chefs d’État. Elle voyait tout le monde de la même façon. On voyait toujours la vraie Gisèle », dit Ronald Caza.

Son énergie, un trait de caractère qui revient aussi dans les paroles de Gérald Savoie. « SOS Montfort, c’était du 12 à 16 heures par jour pendant quatre à six ans », rappelle-t-il.

Le commencement

Cette énergie est vite remarquée lors du premier jour de la crise, le 24 février 1997, alors que la Commission de restructuration des services de santé de l’Ontario recommande la fermeture de l’hôpital. Le lendemain de l’annonce, Gisèle Lalonde, ainsi que plusieurs membres de la communauté franco-ontarienne et de l’hôpital Montfort, se réunissent.

« J’ai dit : écoutez, il va falloir faire quelque chose », disait Gisèle Lalonde sur ce moment-là en entrevue avec ONFR+ en 2017.

« Il va falloir commencer par se réunir », poursuit-elle. « Pas des affaires de 200 et de 300 là. Ça nous prend des milliers de personnes. Là, tout le monde m’a regardé en disant : ‘’Es-tu folle’’. J’ai dit  »ça nous prend des dizaines de milliers de personnes pour vraiment faire bouger ce gouvernement-là ». »

Gisèle Lalonde en entrevue avec ONFR+ en 2017.

« Quand Gisèle a commencé à parler, tout le monde savait que ça serait elle qui mènerait le combat. C’est clair que c’était la personne pour la cause. Il n’y avait personne d’autre », se souvient M. Caza.

« C’était l’unanimité, le consensus était fait », ajoute de son côté Gérald Savoie. « On est tombé pile sur la meilleure personne qu’on pouvait avoir pour représenter la communauté, qu’elle avait à cœur. C’est elle qui a amené la communauté en appui, constamment garder cette communauté très active. Si ce soutien-là n’était pas là, c’était perdu. »

Mais pour ce dernier, le plus impressionnant était d’où Gisèle Lalonde est partie.

« On n’avait absolument rien au départ. On n’avait aucune assise légale sur laquelle se reposer. C’est certain qu’il y avait d’énormes doutes (dans la communauté). Les francophones qui s’étaient battus pour les causes scolaires nous traitaient de fous et nous disaient qu’on était pour tout perdre, car il n’y avait absolument rien. »

« Il fallait avoir confiance en soi pour prendre la communauté comme ça. Ce qu’elle avait, c’était une croyance. Pour elle, ce n’était pas possible qu’on n’ait pas une place et des droits. Il fallait y croire et ça prenait une détermination et une persévérance inimaginable », raconte M. Savoie.

Archives ONFR+

Un legs

Ronald Caza espère que son départ et le message qu’elle portait ne tomberont pas dans l’oreille d’un sourd.

« Ce qui est le plus important pour tous les Franco-Ontariens et même les Acadiens, c’est que quand des moments comme ça arrivent, on se souvient de ce que Gisèle a fait. Elle a tout donné et réussi de façon extraordinaire. Elle a sauvé un hôpital et gagné contre la plus grosse province du pays. »

« On a perdu Gisèle, mais on n’a pas perdu ce qu’elle a fait » – Ronald Caza.

Le legs de sa lutte, c’est ce que note Michelle de Courville Nicol qui était la présidente du Conseil d’administration de l’établissement à l’époque.

« Ça a eu des effets qui durent encore aujourd’hui et je pense que ça va durer longtemps. Les décisions des tribunaux ont fait en sorte que d’autres communautés francophones peuvent utiliser nos arguments et le jugement des résultats qu’on a eus. C’est en quelque sorte un héritage qui est laissé à la communauté francophone. »

Gérald Savoie (à l’extrême gauche), Ronald Caza (en arrière) en compagnie de Gisèle Lalonde (à l’extrême droite). Gracieuseté Hôpital Montfort

Pour l’ancienne dirigeante de Montfort, Gisèle Lalonde a été « un facteur très important dans cette lutte ».

« Elle était très connue dans la communauté francophone et elle n’avait pas peur de dire ce qu’elle pensait ou de parler à ceux qui avaient du pouvoir. Ce n’était pas tout le monde qui avait cette habilité-là. Elle pouvait aussi soulever les foules. On peut penser au grand rassemblement de 1997. Il ne faut pas oublier que ça a duré des années. »

Ronald Caza se remémore une dame avec une force de conviction incroyable.

« La raison pour laquelle elle a mené la lutte de Montfort, c’était surtout le message que ça – la fermeture de l’hôpital – envoyait. Le message que ça envoyait est que ça ne valait pas la peine qu’on fasse des efforts pour préserver notre langue et notre culture. »

Un des moments marquants de Gisèle Lalonde aura été les propos que lui a adressés Mike Harris, l’ancien premier ministre de l’Ontario, qui l’avait appelé à l’époque pour la féliciter d’avoir remporté la bataille.

« C’est notre Jeanne d’Arc, notre grande dame, notre héroïne. On ne pourra jamais la remercier assez pour tout ce qu’elle a pu faire. C’est la plus grande dame de la francophonie ontarienne », conclut M. Savoie.