Le Goût de vivre, pilier francophone depuis 50 ans

Trois éditions papier du journal le Goût de vivre, superposés sur une table.
Source: Le Goût de vivre

L’année 2022 marque le 50e anniversaire du journal communautaire Le Goût de vivre, seul média écrit francophone à desservir le comté de Simcoe, et seul média écrit dans le canton de Tiny, peu importe la langue. Un demi-siècle après sa création dans une école secondaire, l’attachement de la communauté pour son journal local ne semble pas tarir.

À l’automne 1972, sœur Priscilla Maurice propose à ses élèves de l’école bilingue Penetanguishene Secondary School de lancer un journal dans le cadre de leur cours de français. C’est le père Viateur Laurin qui trouvera le nom : Le Goût de vivre, qui sous-tend le goût de vivre en français pour toute la communauté.

50 ans plus tard, Le Goût de vivre est un journal communautaire membre de Réseau Presse, publié par le Comité d’action Place Lafontaine, un organisme à but non lucratif. 1000 exemplaires sont distribués deux fois par mois. Quelques-uns se rendent chez des abonnés de l’extérieur de la région, des expatriés ou des connaissances qui veulent garder contact avec les histoires franco-ontariennes.

La publication bimensuelle laisse encore une grande place aux jeunes. Une section complète est réservée aux 12 écoles élémentaires et secondaires du coin. Des contrats sont parfois donnés à la pige et le journal compte une employée salariée, mais il est tenu à bout de bras par des bénévoles. En plus des quelques chroniqueurs réguliers, plusieurs citoyens envoient des textes spontanés.

Odette Bussière, présidente du conseil d’administration (CA) depuis 1986, explique que le journal rassemble les générations : « Il y a une dame qui a commencé à écrire des chroniques l’an passé. Elle a 98 ans. Et je connais une jeune de six ans qui adore les chroniques de cette dame. »

Elle parle aussi des parents qui envoient des photos des tournois sportifs de leurs enfants, et même d’un jeune qui a décidé de documenter ses vacances familiales à Porto Rico.

Une relation réciproque avec la communauté

Il faut dire que Le Goût de vivre joue un rôle rassembleur pour les francophones du coin. Odette Bussière résume : « Ça ne peut pas être plus communautaire que ça. C’est vraiment le reflet de la communauté. Les gens se voient dedans. » Elle cite en exemple la nouvelle série Tant à dire, tant à écrire, dans laquelle Joëlle Roy dresse le portrait de citoyens établis depuis longtemps à Lafontaine et autour. Ces articles suscitent toujours beaucoup d’attention.

Photo du passage de l'émission "La petite séduction" en 2013. On voit Odette Bussière et Thérèse F. Maheur, du journal Le Goût de vivre, qui accueillent Dany Turcotte et Martine St-Clair. Derrière, des citoyens sont rassemblés. Certains lisent la dernière édition du Goût de vivre.
Odette Bussière et Thérèse F. Maheu (trésorière du CA et employée du Goût de vivre) accueillent Dany Turcotte et Martine St-Clair, lors du tournage de l’émission La petite séduction à Lafontaine, en 2013. Source : Le Goût de vivre.

La petite équipe du journal mène aussi certaines luttes pour défendre les francophones, un peu comme le ferait une ACFO (réseau d’action communautaire francophone de l’Ontario.) Récemment, elle a obtenu la promesse du conseil municipal de Tiny de remplacer une plaque explicative devant l’église Sainte-Croix, parce qu’elle était rédigée en anglais seulement.

Lors des débats sur le sort de la maison ayant appartenu à Théophile Brunelle, les photos publiées dans le Goût de vivre ont été reprises dans d’autres médias, dont ONFR+. Des gens sont venus cogner au bureau du 343 rue Lafontaine Ouest pour savoir où trouver la fameuse bâtisse.

Le papier, là pour rester

À l’ère où la plupart des journaux prennent le virage web, Le Goût de vivre compte bien garder sa version physique. Trois ou quatre articles par édition se retrouvent gratuitement sur le site web et la page Facebook du journal. Il faut s’abonner (papier ou numérique) pour avoir accès au reste du contenu. Dans le cadre d’une mise à jour de l’image de marque, en 2020-2021, un sondage a dévoilé que 70 % des lecteurs préfèrent toujours recevoir leur journal au format papier. Odette Bussière nous explique que la réalité est différente pour un média communautaire, puisque les gens conservent les articles qui parlent d’eux ou de leurs proches.

La question s’est tout de même posée lors de l’arrivée de la pandémie, alors que plusieurs publications, même communautaires, ont abandonné l’imprimé. « Moi, j’ai dit non! Tant et aussi longtemps qu’on aura un service d’imprimante, on continue l’édition papier. »

Pas de célébrations extravagantes, mais un projet d’envergure pour le 50e

L’équipe du Goût de vivre ne prévoit pas de grand rassemblement pour cet anniversaire important. Il y aura probablement une modeste activité organisée cet automne, selon les mesures sanitaires qui seront en vigueur.

Par contre, un grand projet est en cours, alors que l’équipe repasse à travers les archives des 50 dernières années pour publier un recueil historique, véritable témoin de l’Histoire de la communauté de Lafontaine et du comté de Simcoe. Un projet semblable avait été fait il y a 25 ans, alors que des textes d’archives avaient été regroupés en différents thèmes. Cette fois, on suivra plutôt la ligne du temps.

Odette Bussière devant son ordinateur, où elle travaille à une édition du Goût de vivre.
Odette Bussière consacre bénévolement entre 35 et 40 heures par semaine au journal. Source : Le Goût de vivre.

Le devoir de mémoire est d’ailleurs un des éléments qui motive Odette Bussière à diriger Le Goût de vivre depuis 36 ans : « Chaque fois qu’on publie un journal, qu’on décide de couvrir tel événement, de lui donner telle importance, de mettre les choses dans tel ordre, on décide vraiment de ce qui va être l’histoire de la communauté. »

La bénévole passionnée raconte qu’elle reçoit de nombreuses demandes d’information de la part des citoyens sur différents sujets et différentes époques. Les archives bien numérisées du Goût de vivre sont la mémoire de la société.

À court terme, Mme Bussière espère pouvoir engager un journaliste professionnel, puisqu’il y a « toujours quelque chose à couvrir, mais seulement tant de temps. » Le poste est donc ouvert à ceux qui voudraient participer à la vie de la communauté franco-ontarienne, dans une publication toujours pertinente en 2022.