Grève dans les écoles : les établissements francophones en alerte

Les conseils scolaires préparent leur plan d'action en cas de grève. Crédit image: Rudy Chabannes

TORONTO – À la veille de négociations collectives de la dernière chance avec le gouvernement et les conseils scolaires, le personnel non-enseignant fait monter la pression. Une grève générale illimitée pourrait être déclenchée dès lundi prochain par le principal syndicat représentant 55 000 aides-éducateurs, concierges et agents administratifs. Une décision qui toucherait notamment les écoles de langue française.

« Devant les preuves de plus en plus nombreuses que les conseils scolaires se servent des mesures prises par les travailleurs de l’éducation comme excuse pour sabrer les programmes, les services et la dotation en personnel dans les écoles de l’Ontario, on a donné un préavis de cinq jours avant d’en arriver à une grève complète », a lancé, mardi, la présidente du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), Laura Walton.

La prudence est de mise au sein des conseils scolaires francophones, déjà impactés depuis quatre jours par une grève du zèle. Si le mouvement se concrétise, il pourrait engendrer la suspension de certains services aux élèves et perturber le bon déroulement des cours. On craint notamment des difficultés liées à la propreté, la sécurité et la surveillance des élèves, voire des fermetures temporaires d’école.

Pas tous logés à la même enseigne 

« Nous regrettons que le SCFP choisisse des moyens de pression qui comprennent le retrait partiel de services et de soutien importants pour les élèves », déplore l’Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques (AFOCSC) par voie de communiqué. « Nos conseils scolaires surveilleront la situation en mettant l’accent sur l’impact que ce retrait peut avoir sur la sécurité et le bien-être des élèves. »

« Cette grève touche uniquement le personnel de conciergerie et d’entretien des écoles », précise pour sa part le conseil scolaire Viamonde, dont le personnel administratif et paraprofessionnel est affilié à une autre organisation syndicale. Le Conseil scolaire public du Grand Nord de l’Ontario (CSPGNO) serait dans la même situation, selon les informations dont dispose ONFR+.

Des parents d’élèves peu informés

Du côté des parents d’élèves francophones, l’information arrive au compte-goutte, souvent par texto. En cas de durcissement du mouvement lundi, « des mesures semblent être prises pour que les écoles restent ouvertes mais ce seront des mesures de court-terme, pour deux-trois jours », évalue Sylvie Ross, la directrice générale de l’organisme porte-parole Parents partenaires en éducation (PPE).

« Dans certains endroits, on a déjà demandé à des parents de surveiller la récréation et aux enfants de ramener leurs déchets à la maison dans des sacs plastiques », rapporte-t-elle. Ce fragile système alternatif ne pourra pas résister à une grève générale, selon plusieurs intervenants.

Sylvie Ross, directrice générale de Parents Partenaires en éducation. Source : ppeontario.ca

« Ça affecte les enfants en bout de ligne », dit Mme Ross. « Tout le monde a un rôle essentiel, peu importe sa position. Ce sont des personnes qu’on fréquente au quotidien. Certains reçoivent des prix, d’autres jouent le rôle de travailleur social, suivant ce qu’on leur demande. »

Et de poursuivre : « Les coupures créent un sentiment d’insécurité et une anxiété chez ces personnes dont les horaires sont morcelés. Il y a moins de personnel partout. Les parents le ressentent, car beaucoup travaillent eux-mêmes dans le milieu éducatif. Il y a un mouvement de solidarité. »

La directrice générale de PPE se montre compréhensive.

« Personne ne veut en arriver là mais, quand un système devient pénalisé, tout le monde est affecté. Il ne faut pas demander aux gens de faire plus qu’ils ne peuvent faire. »

Le taux d’absentéisme pointé du doigt

Les représentants des employeurs et le gouvernement provincial se disent préoccupés par l’impact du niveau d’absentéisme du personnel.

« Dans de nombreux conseils, des ressources sont détournées des élèves et des programmes pour payer les coûts des congés de maladie et des congés d’invalidité de courte durée », affirme Denis Chartrand, le président de l’Association des conseils scolaires des écoles publiques de l’Ontario (ACÉPO). « Jusqu’à présent, le SCFP a refusé d’accepter tout changement au régime », déplore-t-il.

« Nous avons proposé des solutions concernant la rémunération, la sécurité d’emploi et le financement visant la dotation supplémentaire en personnel, surenchérit le ministre de l’Éducation, Stephen Lecce. « Il reste cependant un enjeu clé : trouver une solution à l’augmentation du taux d’absentéisme. »

Le ministre de l’Éducation, Stephen Lecce, lors d’un déplacement dans une école francophone. Archives ONFR+

Le SCFP a un autre son de cloche.

« Sans aucune justification, certains conseils scolaires ferment des programmes et renvoient des travailleurs chez eux », dénonce Mme Walton. « D’autres paient les parents pour s’acquitter des tâches de nos membres. Certains demandent aux élèves plus âgés de faire descendre les plus jeunes de l’autobus scolaire. »

Il est reproché aux conseils scolaires de réduire les services, ce qui serait préjudiciable à la sécurité des élèves et au traitement équitable des personnels de soutien. Les discussions se sont particulièrement crispées ces derniers jours autour de la question des congés maladie.

« Éviter l’escalade générale »

Alors que les négociations doivent reprendre vendredi, l’ACÉPO souhaite « éviter l’escalade des moyens de pression jusqu’à une grève générale et conclure une entente négociée le plus rapidement possible. »

L’organisme est resté évasif sur les répercussions que pourrait engendrer un tel mouvement sur les conditions d’apprentissage des élèves.

« Les écoles ont toutes une organisation qui leur est spécifique, comme le nombre d’employés, d’élèves, de garderie, de services offerts… Le personnel affilié au SCFP au sein des conseils scolaires publics de langue française n’occupe pas uniquement le même type d’emploi. »

La présidente du SCFP, Laura Walton se dit inquiète quant à la possibilité d’un accord.

« Nous espérions que la grève du zèle obligerait les parties à se réunir et à aboutir à un accord, mais, cela ne s’est pas produit et nous avons entendu des choses qui nous préoccupent beaucoup. »

Les négociations reprendront vendredi entre les trois parties prenantes des négociations collectives.