Grève : plongés dans l’inquiétude, les élèves se confient

Oliva Tremblay accompagne sa mère, Debbie Chorney Tremblay, à la ligne de piquetage à Timmins. Gracieuseté

Après 13 semaines de pression des syndicats, le personnel enseignant des écoles ontariennes descend dans la rue, ce vendredi. Deux millions d’élèves ontariens voient leurs cours annulés pour une journée de grève générale. Au micro d’ONFR+, quelques-uns d’entre eux partagent leur expérience des dernières semaines et leur vision du conflit. 

Lorsqu’elle sera diplômée de l’École secondaire catholique Thériault à Timmins, Olivia Tremblay souhaite poursuivre ses études en éducation. Elle suit ainsi dans les pas de sa mère qui est enseignante.

Elle a passé la journée du 21 février ainsi que le jeudi précédent sur la ligne de piquetage avec les membres de l’Association des enseignantes et enseignants franco-ontariens (AEFO).

« Bien des gens pensent que les enseignants font la grève pour de meilleures conditions de travail », note l’élève de 12e année.

« En réalité, ils font la grève pour de meilleures conditions d’apprentissage. Les enseignants veulent ce qui a de mieux pour leurs élèves. »

En plus d’être première ministre du Parlement des élèves, Olivia Tremblay fait aussi partie du groupe de musique Tous en flamme. Ces groupes demeurent actifs.

« À mon école, les activités parascolaires n’ont toujours pas été annulées à cette phase », explique-t-elle.

L’enjeu qu’elle tient le plus à cœur, dit-elle, est l’impératif de suivre des cours en ligne.

« Je n’aime vraiment pas l’idée », développe-t-elle.

« Les enseignants sont tellement importants dans ma vie. J’ai besoin d’eux pour réussir. J’ai plusieurs amis qui ont suivi des cours du genre, et ça ne s’est jamais bien passé. »

L’expérience d’un jeune comédien

Simon Landry est un élève à l’École secondaire Macdonald-Cartier, à Sudbury. Selon lui, il ne faut pas surestimer les bouleversements causés par les moyens de pression collectifs des enseignants.

« Il y a d’abord plusieurs choses qui n’ont pas changé depuis le déclenchement de la grève », tient à préciser l’élève de 10e année.

« Tout ce qui se déroule en salle de classe n’a pas été affecté du tout. Nous suivons nos leçons et nous faisons nos travaux. C’est après les heures de classe qu’on remarque les changements. Les enseignants ne s’occupent plus des clubs et les activités parascolaires. »

Simon Landry est en 10e année à l’École secondaire Macdonald-Cartier, à Sudbury.

Simon Landry est particulièrement impliqué dans la troupe de théâtre de son école, Les Draveurs. Il se considère chanceux de pouvoir continuer ces activités tout au long de la grève du zèle.

« Il y a une exception puisque c’est techniquement une classe d’art dramatique », explique l’adolescent.

Cependant, le groupe musical dont il fait aussi partie n’a pas été si chanceux.

« Le groupe 17 était censé aller au festival Quand ça nous chante, mais ça a été annulé en raison de la grève. Il y a aussi le festival Théâtre Action qui approche. Pour l’instant, c’est encore dans les plans, mais il y a de fortes chances que ça soit annulé aussi si les négociations ne bougent pas. »

Le jeune Sudburois préfère ne pas se prononcer sur les enjeux de la grève, soulignant qu’il ne maîtrise pas toutes les subtilités du débat.

Il a toutefois de l’expérience personnelle avec des cours en ligne et n’est pas convaincu que cette méthode est toujours préférable aux cours traditionnels.

« Ce semestre, je suis un cours en ligne en raison d’un conflit d’horaire », raconte-t-il.

« C’est un cours d’histoire et ce n’est vraiment pas la même expérience. S’asseoir dans une pièce seul pour faire des modules, ce n’est pas comme avoir un enseignant qui te raconte l’histoire et te l’explique de différents angles et te donne des exemples. Je me sens comme si je manque beaucoup d’information. »

Selon lui, la matière du cours ne se porte simplement pas bien à ce médium. Il souligne cependant que d’autres élèves ont de bien meilleures expériences avec leurs cours en ligne.

L’impact sur les petites communautés

À l’école secondaire catholique Cité des jeunes de Kapuskasing, Élisabeth Trottier dit qu’elle ressent déjà l’impact de la grève.

« Depuis le déclenchement de la grève du zèle, c’est plus difficile obtenir de l’aide de mes enseignants », raconte l’élève de 12e année. « Je ne peux plus les consulter durant leur période libre, par exemple. C’est dommage, car je fais beaucoup de cours en ligne et j’ai parfois besoin de leur appui. »

La jeune Kapuskoise est aussi membre de l’équipe de natation de son école. Si les activités du club n’ont pas été bouleversées pour l’instant, leurs futurs demeurent incertains, dit-elle.

« On se demande encore si la compétition de l’Ontario Federation of School Athletic Associations (OFSAA) sera annulée. Lorsque les enseignants nous accompagnent à ce genre de compétition, c’est du travail supplémentaire. Pour l’instant, tout semble s’enligner, mais je sais la deuxième journée de la compétition de ski d’OFSAA avait été annulé en raison de la grève. »

Élisabeth Trottier craint d’autant plus que les petites communautés soient particulièrement affectées par les classes plus peuplées.

« Il faut comprendre que l’augmentation du nombre d’élèves par classe aura un impact sur la diversité des cours offerts », explique-t-elle.

« Dans les petites communautés comme Kapusakasing, il aura moins de cours au choix. Les cours de mécanique, par exemple, risquent de disparaître. C’est le genre de cours qui va chercher certains élèves, les intéresse à quelque chose et les aide à réussir. Tu sais, quand tu fais quelque chose que tu aimes, tu réussis mieux. »

La FESFO à l’appui des enseignants

Depuis le début des négociations, Fiona Labonté exprime son appui du personnel enseignant sur les médias sociaux.

« Lors de la grève du jeudi 13 février, un groupe d’élèves est allé à la ligne de piquetage pour encourager les enseignants et leur amener des collations », raconte l’étudiante de 10e année de l’École secondaire L’Héritage à Cornwall.

« Lors de la grève de ce vendredi, je serai à Toronto pour le Parlement jeunesse (organisé par la FESFO), mais je continue d’exprimer mon appui sur les médias sociaux. »

Fiona Labonté est une représentante de l’Est pour la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne. Gracieuseté 

« Ma position, c’est vraiment la position de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) », continue la représentante de l’Est de l’organisme jeunesse. « On appuie entièrement nos enseignants. Les coupes, ça a un impact sur nous. Des classes plus grandes, des cours en ligne obligatoires, ça nous touche. »

Elle conteste particulièrement l’imposition de cours en ligne, qu’elle juge mal adaptés aux réalités des différents élèves.

« Je vis dans une communauté rurale qui n’a pas encore accès à l’internet à haute vitesse », remarque-t-elle. « C’est très difficile de dire aux élèves ici de faire des cours en ligne lorsqu’ils ne peuvent pas compter sur une connexion fiable. »

Bien qu’elle se dise ouverte à prendre des cours en ligne, elle trouve que c’est quelque chose de difficile à imposer à l’ensemble des élèves.

Selon l’adolescente, la grève des enseignants se fait moins sentir dans les petites communautés où les écoles offrent moins de services et d’activités parascolaires. Toutefois, elle souligne que le certains programmes d’étude sont plus touchés que d’autres.

« Notre école offre le programme de Baccalauréat international. Mais pendant la grève, on ne peut pas poursuivre nos projets personnels. »