Hearst, cette « petite ville complétement différente des autres »

Melissa Vernier, Marie Lebel et Daniel Fauchon présentent la couverture du livre du centenaire de Hearst. Gracieuseté.

[ENTREVUE EXPRESS]

QUI :

Marie Lebel est historienne et professeure à l’Université de Hearst.

LE CONTEXTE :

Le Centenaire de Hearst aura lieu du 2 au 6 août prochain après avoir été repoussé en raison de la situation sanitaire.

L’ENJEU :

Le livre Hearst 1922-2022, Cent regards sur 100 ans d’histoire paraît aujourd’hui. Piloté par Mme Lebel, ce projet met à contribution une quarantaine de citoyens de la ville.

« Le projet avait été abandonné par la ville, pourquoi avez-vous décidé de le reprendre?

Quand la ville a décidé de ne pas poursuivre le projet pour raisons financières, je me suis dit : ‘’Non ce n’est pas possible que Hearst n’ait pas son livre pour le centenaire’’. Je n’avais pas le temps d’écrire tout toute seule, mais j’ai pensé à utiliser le modèle de la photovoix. 100 photos, 100 mots avec une pour chaque année. Je pensais que j’étais capable de mener ce projet-là toute seule, mais rapidement je me suis rendu compte que c’était nécessaire d’avoir un comité de sélection et c’est de là qu’est arrivé l’aspect collaboratif. C’était devenu rapidement un projet communautaire avec plus de 40 auteurs différents.

Sur quoi avez-vous basé le choix des photos pour chaque année?

Notre démarche était vraiment basée sur le dialogue avec les collaborateurs et le comité d’édition. On voulait vraiment faire intervenir une variété d’auteurs et montrer la diversité, mais aussi l’évolution de la ville. La réalité d’aujourd’hui à Hearst, c’est justement les nouveaux arrivants, les Africains, les étudiants internationaux. Donc c’était important qu’ils puissent participer au projet et donner leur regard sur l’histoire. Puis on sait que Hearst est une ville de hockey, mais on ne voulait pas se focaliser là-dessus.

On voulait aussi ne pas montrer que des personnalités connues, mais dresser des portraits sous-représentés de la ville, comme les femmes, et les autochtones. C’est pour ça qu’en couverture ce sont de parfaits inconnus que nous avons choisis, le but c’était de raconter une communauté.

Quels ont étés les principaux défis dans la collecte des informations?

La première, je dirai que c’est de trouver des photos de qualité, en plus de leur pertinence historique. Après il y a tout l’aspect de dépasser le politiquement correct. Il a fallu vraiment faire attention à ne pas heurter la sensibilité des uns et des autres, mais en même temps respecter le contexte historique de l’époque. Par exemple au niveau de la manière de titrer des photos, surtout quand on montrait des choses en lien avec la question des autochtones. Aussi, je pense à la traduction qu’il a fallu faire, dans les deux langues et à la recherche de commanditaires. On a tout fait bénévolement pendant deux ans et en pleine pandémie : faut le faire! Ce n’était pas évident!

Quelle a été la réponse des citoyens pendant la collecte?

Disons que ce n’était pas celle qu’on espérait. On a fait un appel aux citoyens pour avoir des photos inédites et puis, finalement, on n’a pas reçu de réponse, donc on a dû piocher dans les collections existantes. Après coup, on a eu des personnes qui nous ont approchés en disant ‘’Hey, t’aurais dû nous demander de l’aide’’, alors qu’on l’avait fait. Il n’y a pas d’engouement pour le patrimoine, mais on espère que, justement, le livre va permettre ça et que les gens vont amener des éléments de valeur aux archives.

Des choses que vous avez découvertes vous ont-elles particulièrement surprise?

L’historienne que je suis connaissait pas mal de choses de cette ville où je vis depuis 30 ans, mais je pense que le public va apprendre des choses surprenantes. Je pense au couvent Saint-Joseph qui a longtemps été une référence, mais n’existe plus maintenant. On a découvert que, dès les années 1920, il y avait des enfants autochtones qui y avaient étés placés. Et aussi, on a un petit cadeau à la fin, avec la possibilité de retrouver ses ancêtres grâce à un gros travail à partir du premier recensement des arrivants.

Comment résumeriez-vous 100 ans d’histoire de Hearst en quelques mots?

Je dirai l’originalité. Cette petite ville est complètement différente des autres, comme le dit la bannière à l’entrée de la ville. Et après avoir vécu dans beaucoup de villes, je peux le confirmer. Différente dans sa richesse culturelle, dans son entrepreneurship, dans son côté chauvin aussi. C’est terrible dit comme ça, mais c’est simplement que ce sont des gens de province, mais profondément citadins. C’est comme si la ville avait un instinct qui l’amène à se battre, à sentir quand le vent tourne. »