Immigration francophone : faire mieux… sans ministère 

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[ANALYSE]

TORONTO – Cinq pour cent d’immigration francophone en Ontario. La cible magique décidée par la province en 2012 reste plus que jamais d’actualité. Mais depuis quelques années, le chiffre louvoie entre 2 et 2,5 %. Et la suppression par Doug Ford du ministère des Affaires civiques et de l’Immigration n’augure rien de bon.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Faut-il dès lors s’inquiéter, quitte à vouer aux gémonies le nouveau gouvernement progressiste-conservateur? Entre la fin de l’autonomie du ministère des Affaires francophones et un discours du Trône, jeudi dernier, sans aucune référence aux Franco-Ontariens, Doug Ford n’augmente pas vraiment sa cote de popularité en Ontario français.

Disons que les dossiers de l’immigration sont maintenant partagés avec le ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires de Lisa MacLeod et le ministère du Développement économique, de la Création d’emplois et du Commerce de Jim Wilson. Une sorte de regroupement.

Primo, l’Ontario ne sera pas la première province à fonctionner avec ce type de système. Le Nouveau-Brunswick gère ainsi ses nouveaux arrivants avec le ministère de l’Éducation postsecondaire, de la Formation et du Travail. Du côté de l’immigration francophone, les résultats sont tout de même un peu plus probants qu’en Ontario. En 2016, 17 % des immigrants étaient identifiés comme francophones.

Secondo, les occupants de ce ministère ne sont pas exempts de reproches. Depuis le lancement de la cible de 5 % en 2012, les unilingues Michael Chan, Michael Coteau puis Laura Albanase ont paru bien intentionnés, mais méconnaissants de l’enjeu. Sans la pression des ministres déléguées aux Affaires francophones, et des organismes francophones, rien n’aurait probablement été fait. Comprendre : pas d’annexe francophone jointe à l’Accord Canada-Ontario sur l’immigration, ni de projet de recrutement à l’extérieur du Canada.

Pour le moment, le gouvernement Ford affirme que les fonctionnaires de l’ancien ministère restent en place, et continueront leur travail sur les différents dossiers. Pas de panique, donc.

Recrutement géré par le fédéral

L’absence d’un ministère des Affaires civiques et de l’Immigration n’est en réalité pas le nœud du problème. En vérité, l’Ontario garde ses mains liées dans la gestion des nouveaux arrivants. Bien que deux immigrants sur cinq choisissent cette province comme terre d’accueil, seulement 6 600 d’entre eux sont sélectionnés en vertu du Programme ontarien des candidats à l’immigration (POCI). Un taux situé entre 6 et 8 %, selon les années.

Difficile dans ces conditions d’élaborer un plan clair et transparent pour le recrutement. Ce chiffre de l’immigration francophone en Ontario compilant la langue maternelle, la première langue officielle parlée, et les résidents permanents issus d’un pays francophone, a donc bien été ardu à maîtriser pour le gouvernement libéral. Les progressistes-conservateurs et les néo-démocrates ont beaucoup critiqué, mais pas sûr qu’ils auraient fait mieux dans les circonstances.

Accord Canada-Ontario flou

Tout aussi inquiétant : on ne sait pas grand-chose des suites de l’Accord Canada-Ontario sur immigration signé au mois d’avril. La mise en place d’une stratégie internationale de promotion et de recrutement, ainsi que la valorisation des avantages de l’embauche d’immigrants francophones auprès des employeurs de la province sont de beaux concepts sur le papier. Reste à voir maintenant comment les concrétiser.

Sur le sujet de l’immigration, la nouvelle ministre déléguée aux Affaires francophones a du pain sur la planche. Interrogée sur le sujet par #ONfr en mars dernier, Caroline Mulroney avait reconnu « avoir appris il y a quelques jours » la forte présence croissante de l’immigration francophone à Toronto. Signe qu’avec ou sans ministère dédié à l’immigration, il y aura du travail pour le parti au pouvoir.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 16 juillet.