2021, une année pénible pour l’immigration francophone en Ontario

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Seulement 1,97 % de l’immigration en Ontario en 2021 était francophone, marquant une première année sous la barre du 2 % depuis 2016. Neuf ans après avoir établi une cible de 5 %, l’Ontario n’a encore jamais atteint son objectif. Le portrait est similaire pour le reste des provinces hors Québec.

2020 marquait pourtant une année à la hausse avec 4,09 % de nouveaux arrivants francophones. En 2021, l’Ontario a reçu un total de 198 085 nouveaux arrivants, dont 3 900 maîtrisant la langue de Molière.

« Ce sont des chiffres décevants. On n’est pas vraiment surpris, car on pouvait les voir venir. Après l’année 2020, on pensait qu’on était sur la bonne voie après avoir atteint 4,09 % », rappelle Carol Jolin, le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO).

AnnéePourcentage d’immigration francophone en Ontario (%)
20151,54
20161,88
20172,01
20182,14
20193,42
20204,09
20211,97

Mais pour la professeure Luisa Veronis, 2020 était une anomalie.

« En 2020, l’immigration francophone comparativement à l’immigration en général a été moins impactée par la pandémie. Les bons chiffres en 2020 ne signifient pas qu’on a mieux performé, mais juste que l’immigration anglophone a moins bien performé », explique la titulaire de la Chaire de recherche sur l’immigration et les communautés franco-ontariennes à l’Université d’Ottawa.

D’après celle-ci, les gros problèmes d’Immigration Canada surviennent en Afrique, le plus gros bassin en immigration francophone. Elle cite le cas du bureau de Dakar au Sénégal qui dessert parfois plusieurs pays à lui seul.

« Les bureaux d’immigration sont très éparpillés. Je crois qu’il y en a trois pour l’Afrique, un par région, ce qui fait qu’il y a un défi avec la pandémie avec la question des frontières et des voyages. La vie a était interrompue, donc les gens ne pouvaient pas se rendre dans un autre pays pour se rendre à l’entrevue. Il y a des solutions rapides et évidentes qui ne sont pas mises en place », affirme-t-elle, citant la possibilité d’ajouter des comptoirs de services dans des pays comme le Congo ou le Rwanda.

Le bureau de la ministre des Affaires francophones Caroline Mulroney n’avait pas répondu à nos demandes médiatiques au moment d’écrire ces lignes.

L’Ontario dans la moyenne canadienne

L’immigration francophone a représenté 1,95 % de tous les nouveaux arrivants canadiens. Tout cela malgré des niveaux records en immigration alors que le Canada a accueilli 405 000 immigrants, un record datant de plus de 110 ans. La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) s’explique mal encore un tel échec.

« C’est très difficile à comprendre. Ils disent que c’est difficile en pandémie, mais ce n’est pas clair, car en 2020, on avait commencé à voir une belle progression », soupire Liane Roy.

La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), Liane Roy
La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), Liane Roy. Gracieuseté

Ce n’est pas juste en Ontario que l’immigration francophone a tiré de la patte. Le Manitoba qui possède une cible de 7 % a accueilli comme l’Ontario, 1,97 % de francophones. Le Nouveau-Brunswick n’a pas atteint sa cible de 33 %, recevant seulement 14,84 % de résidents francophones. Au niveau national, le tout reste très loin de la cible de 4,4 % en immigration francophone hors Québec, objectif ayant été raté depuis 2003 par le fédéral, relatait récemment un rapport du Commissariat aux langues officielles.

« Ça démontre que la cible de 4,4, % est désuète (…). Dans le projet de loi C-13, on parle d’avoir une politique en immigration francophone avec une cible, des objectifs clairs et une reddition de compte. Si on pouvait jumeler ça avec une nouvelle cible – une cible de réparation – ça pourrait changer les choses. On veut que cette politique montre ce que le ministère veut en termes d’immigration francophone », soutient Mme Roy.

De son côté, Carol Jolin demande au fédéral d’augmenter le nombre d’immigrants que l’Ontario pourrait sélectionner dans la catégorie économique.

« En 2020, l’Ontario avait dépassé sa cible de 5 % en choisissant ses immigrants. La province avait choisi 8 350 personnes, et de ce nombre-là, l’Ontario s’est toujours assuré dans les dernières années d’atteindre la cible et c’est pour ça que l’Ontario demande de pouvoir choisir 13 000 immigrants (…). Chaque année durant laquelle on n’atteint pas 5 % en Ontario, on perd de notre poids démographique. »

Le président de l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario, Carol Jolin.
Le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, Carol Jolin. Archives ONFR+

Entrée express

Seulement 1,91 % des immigrants francophones sont passés par Entrée express, un programme fédéral vanté par le gouvernement Trudeau pour améliorer l’immigration francophone. En 2019, le fédéral avait allégé sa définition d’un immigrant francophone. Les chiffres avaient alors atteint des taux de 4 % et 5,22 % en 2019 et 2020 respectivement.

« Entrée express ne semble pas fonctionner très bien pour les francophones, mais ils semblent fonctionner très bien pour les autres groupes. C’est un système qui change constamment. Ils changent chaque mois le système de niveau de points. Est-ce que ce sont les employeurs qui ne vont pas piger des candidats ou des candidates qui sont coupés? On n’en sait rien », relate la chercheuse de l’Université d’Ottawa.

Le ministre de l’Immigration Sean Fraser avait dit aux parlementaires, il y a quelques semaines, vouloir traiter la cible de 4,4 % « comme le plancher minimum à atteindre et pas le plafond ». Le bureau du ministre Fraser n’avait pas répondu à notre demande d’entrevue au moment de publier l’article.

« Le gouvernement dit que l’immigration francophone est une priorité, mais quand on regarde n’importe quelle catégorie, les candidats des provinces, la réunification familiale, les étudiants internationaux et Entrée express, aucun ne fonctionne. C’est aberrant », signale Mme Veronis.