Le ministre de l'Immigration, Sean Fraser. Gracieuseté

OTTAWA – Aller en Afrique pour recruter de nouveaux arrivants sera un des éléments essentiels de la prochaine stratégie en immigration francophone d’Ottawa, avance le ministre de l’Immigration Sean Fraser. Pour ce faire, le Canada veut augmenter sa présence en Afrique, notamment dans l’Ouest du continent avec une plus grande promotion.

Les prochaines semaines et mois risquent d’être occupés pour l’immigration francophone avec le Plan d’action sur les langues officielles, qui fera de l’immigration francophone une partie centrale. Le Canada n’a atteint qu’une seule fois, en 2022, sa cible en immigration francophone hors du Québec de 4,4 %, dont les manquements ont contribué au déclin du français au Canada, selon une étude.

Il y a aussi le projet de Loi C-13, si adopté, obligera le fédéral à adopter une stratégie en immigration francophone pour assurer le rétablissement et l’accroissement du poids démographique des francophones hors Québec. Les fonctionnaires d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) travaillent présentement sur cette stratégie et l’élaboration d’une nouvelle cible qui doit entrer en vigueur en 2024.

Le ministre Sean Fraser répète depuis plusieurs mois qu’à court terme la stratégie de son ministère est d’aller puiser dans l’inventaire du système Entrée Express, qui donne plus de points aux francophones, pour attirer de nouveaux arrivants en capacité de parler français. Le hic, c’est que ce nombre est limité, soutient Sean Fraser.

« Le défi pour moi est d’augmenter le nombre de personnes dans l’inventaire d’IRCC, maintenant. On a traité beaucoup de cas (dans Entrée Express) pour atteindre la cible l’an dernier, mais c’est important de continuer à augmenter le nombre de personnes qui font une application avec plus de promotion. »

Pour ce faire, il est impératif que le Canada augmente sa présence en Afrique, estime Luisa Veronis, professeure à l’Université d’Ottawa et titulaire d’une Chaire de recherche sur l’immigration et les communautés franco-ontariennes.

« L’Afrique est un bassin énorme en immigration. Le potentiel est là », soutient-elle, ajoutant que cela doit toutefois venir avec une volonté politique. « Si on peut attirer 450 000 anglophones, on peut facilement attirer autour de 20 000 francophones. »

Pas une assez grande présence

Pour la chercheuse, la plus grande barrière à ce manque de promotion est le manque de bureaux d’IRCC en Afrique subsaharienne. Avant l’ouverture récente d’un bureau à Yaoundé au Cameroun, le tout était concentré à Dakar au Sénégal, qui desservait à lui seul une quinzaine de pays francophones, tandis que celui de Rabat au Maroc couvre la région du Maghreb. Dakar est d’ailleurs le bureau hors du Canada qui reçoit le plus grand volume de demandes pour les nouveaux arrivants francophones.

« En Europe, il y a plein de bureaux : à Paris, à Berlin, en Grande-Bretagne, en Italie… Alors je ne sais pas comment il (IRCC) détermine ça », s’interroge la professeure de l’Université d’Ottawa.

Le continent africain représente 60 % de la francophonie mondiale et devrait encore augmenter pour atteindre 70 % en 2050.

« Augmenter la promotion (en Afrique) fera partie de la stratégie en immigration, mais il y aura des éléments spécifiques pour recruter des francophones de l’Afrique… Nous passerions à côté de talents extraordinaires si nous ignorions tout un continent. Nous aurons donc une présence qui continuera de croître en Afrique pour répondre à nos besoins en matière d’immigration francophone », assurait Sean Fraser au lendemain du budget où des fonds pour l’immigration francophone ont été annoncés.

Ottawa n’a toujours pas décidé à combien il allait augmenter sa nouvelle cible en immigration francophone. Archives ONFR+

Ce sont 123,2 millions de dollars qui seront allongés dans le Plan d’action sur les langues officielles pour notamment augmenter le soutien aux employeurs francophones en milieu minoritaire pour qu’il puisse aller recruter de possibles candidats.

« C’est vraiment une bonne chose pour les petites et moyennes entreprises qui n’ont peut-être pas les moyens, le temps ou l’information nécessaire pour aller les chercher. Si ça marche, ça pourrait régler plusieurs problèmes comme la pénurie de main-d’œuvre et amener des travailleurs qualifiés qui auront de bons salaires », louange Mme Veronis.

Elle propose comme idée d’un bureau mobile francophone qui pourrait aller dans divers pays d’Afrique. Des données d’IRCC datant de 2021 indiquaient que la majorité des demandes de francophones étaient traitées dans des bureaux de demande d’admission à Ottawa, Mississauga, Sydney en Nouvelle-Écosse et finalement Dakar.