Immigration : l’Ontario francophone ne veut plus être oublié

Crédit image: Benjamin Vachet

TIMMINS – La crise des réfugiés syriens, puis celle des Haïtiens fuyant les États-Unis ont poussé plusieurs familles à tenter de s’installer au Canada. Deux cas différents, mais pour lesquels le gouvernement fédéral et la province n’ont pas pensé à promouvoir la francophonie ontarienne. Celle-ci se dit pourtant prête et désireuse d’accueillir ces nouveaux arrivants.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

« Du côté des réfugiés syriens, la lacune qu’il y a eu, selon moi, c’est que le fait français n’a jamais été mentionné, alors que ces gens-là arrivaient sans parler ni l’anglais, ni le français. Du côté des demandeurs d’asile haïtiens, je pense que les gouvernements ont été un peu débordés », explique le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Carol Jolin, en marge de l’édition 2017 du Forum provincial sur l’immigration francophone, le mercredi 8 novembre.

Pour le président de l’organisme porte-parole des francophones de l’Ontario, il s’agit d’une occasion manquée, alors que la province cherche à attirer annuellement, sans succès depuis 2012, 5 % de francophones parmi ses immigrants.

« Rien n’est trop tard dans le cas des Haïtiens qui pourront rester, car il y a beaucoup d’immigration secondaire en Ontario. Mais il faut leur faire savoir qu’on existe, qu’il y a des opportunités d’emploi dans la province et qu’on peut y vivre en français. »

Les organismes se tiennent prêts

Sur le terrain, les organismes ont déjà développé certaines initiatives.

« Nous avons mis en place des cafés communautaires pour les familles syriennes qui ont très bien fonctionné. On leur parle du système scolaire canadien, des services de santé… On a aussi embauché des gens qui parlent l’arabe pour les accompagner. On a eu de beaux résultats et plusieurs familles syriennes ont fini par inscrire leurs enfants dans nos écoles pour qu’ils deviennent bilingues », cite, notamment, Khatima Louaya, intervenante des relations avec les communautés au sein du Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CEPEO).

À Hamilton, Bonaventure Otshudi explique que le Centre de santé communautaire, dont il est le directeur, a accueilli une vingtaine d’Haïtiens depuis le début de l’année.

« Ces familles parlent le français! Et même quand les enfants ne le parlent pas parfaitement, ils le comprennent. Le gouvernement ontarien parle de cible, mais quelles sont les stratégies en place? Il faut leur dire qu’on parle le français hors du Québec, notamment dans le Sud-Ouest de l’Ontario. Il faudrait aussi, par exemple, revoir les règles entourant les ordres professionnels afin de faciliter l’intégration au marché de l’emploi. »

À Timmins, Julie Béchard, directrice générale du Centre Passerelle pour femmes du Nord de l’Ontario, reconnaît ne pas avoir accueilli de demandeuses d’asile ni de réfugiées. Pourtant, elle juge que la région pourrait en attirer bon nombre.

« Nous sommes une région très francophone, ce qui peut être un atout. Il faut donc penser à répondre aux besoins que cela pourrait créer. Les femmes immigrantes vivent des réalités particulières et nous aurions besoin de ressources financières adéquates pour embaucher une personne qui fera du développement auprès de la communauté immigrante et nous aidera à combler ses besoins. »

Un accord Canada-Ontario en 2018?

Présents au forum, des représentants du ministère ontarien des Affaires civiques et de l’Immigration (MACI) et du ministère fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté (IRCC) ont souligné les efforts qui ont été entrepris pour attirer des nouveaux arrivants francophones à l’extérieur du Québec, citant la remise en place du programme Mobilité francophone et l’ajout de points pour les francophones au sein du programme Entrée express ou encore, au niveau provincial, la création d’un comité consultatif sur l’immigration francophone.

« Mais je reconnais qu’il y a matière à plus de cohérence et de complémentarité entre le milieu communautaire et les différents paliers de gouvernement », a reconnu la sous-ministre ontarienne au ministère des Affaires francophones, Marie-Lison Fougère.

Le représentant du MACI, Alexander Bezzina, a également évoqué le renouvellement, espéré pour mars 2018, d’un accord Canada-Ontario en immigration qui, comme le Nouveau-Brunswick, comprendrait une annexe sur l’immigration francophone.

Pistes politiques

Organisé tous les deux ans, le Forum provincial sur l’immigration francophone se poursuit ce jeudi 9 novembre. L’événement, qui rassemble les organismes qui travaillent avec les nouveaux arrivants et des représentants des ministères provinciaux et fédéraux, devrait déboucher sur des recommandations afin de favoriser la régionalisation de l’immigration francophone.

« Un forum comme celui-ci nous permet de venir prendre le pouls de la communauté et des gens qui travaillent en immigration pour ensuite travailler au niveau politique provincial et fédéral afin de faire avancer le dossier », explique M. Jolin.

L’exercice doit aussi permettre de préparer le prochain Forum ministériel sur l’immigration francophone qui se tiendra à Toronto, en 2018, ajoute le président de l’AFO.


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