Isolement des détenus : un autre appel à réformer le système

Howard Sapers a formulé 63 recommandations pour limiter les abus de la pratique de l'isolement des détenus. Crédit image: Jean-François Morissette

TORONTO – L’enquêteur indépendant mandaté par le gouvernement ontarien, Howard Sapers, appelle à une réforme majeure du système carcéral dans la province et d’une meilleure gestion de l’usage de l’isolement des détenus dans les prisons. Selon lui, encore trop souvent l’isolement cellulaire est utilisé faute de ressources appropriées pour aider les détenus.

JEAN-FRANÇOIS MORISSETTE
jmorissette@tfo.org | @JFMorissette72

Besoin d’un nouveau cadre légal pour l’usage de la pratique, plus de transparence et de supervision, élimination de la pratique d’isolement pour une durée indéterminée… Voilà quelques recommandations faites par l’enquêteur indépendant mandaté par le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels.

En tout, Howard Sapers a formulé 63 recommandations pour limiter les abus de cette pratique, tout en appelant à la création d’une définition claire de ce qui devrait conduire à un isolement.

Sans appeler à la fin de la pratique en général, Howard Sapers croit qu’encore aujourd’hui la mesure est utilisée dans des contextes largement inappropriés et que trop souvent, l’isolement des détenus est utilisé pour « gérer des cas difficiles », faute de ressources.

« L’isolement cellulaire ne devrait pas être la norme pour contrôler un individu avec des besoins spéciaux, ce qui inclut les gens qui ont des problèmes de santé mentale, des idées suicidaires et même ceux qui sont en attente de soins médicaux urgents » – Howard Sapers

En moyenne, 70 % des personnes qui se trouvent en isolement sont des détenus en attente de procès ou en attente d’une remise en liberté.

En novembre 2016, M. Sapers rapporte que 22 détenus étaient en isolement depuis plus d’un an et cinq d’entre eux ont passé près de trois ans isolés du reste de la population carcérale.

« Que se soit parce qu’il n’y a pas de cadre législatif approprié, une politique défaillante, un manque de ressources ou de formation, ou tout simplement un manque d’espace, le résultat est le même : l’isolement cellulaire ne devrait pas être la réponse aux problèmes du système carcéral ontarien »Rapport d’Howard Sapers

C’est la seconde fois en l’espace de deux semaines que le gouvernement ontarien est blâmé pour sa gestion de la pratique d’isolement cellulaire dans les établissements carcéraux de la province.

Des nouvelles lois à l’automne, assure Marie-France Lalonde

La ministre de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels, Marie-France Lalonde, a avoué que l’Ontario a besoin de faire plus pour améliorer la situation des détenus.

« Ce rapport nous aidera à poursuivre la réforme des services correctionnels de l’Ontario », a lancé la ministre.

Mme Lalonde a annoncé qu’elle accepte les résultats du rapport Sapers et que son ministère répondra à chacune des recommandations formulées par l’enquêteur indépendant, notamment en introduisant de nouvelles lois dès l’automne prochain pour réformer le système.

La ministre a indiqué que ces nouvelles lois pourraient inclure une limitation de l’isolement de détenus et une définition législative du concept en se basant sur les conditions de détention, plutôt que sur un emplacement physique dans l’établissement, comme c’est le cas actuellement.

Il s’agira de la première réforme législative en la matière depuis les années 1990.

Nouvelles prisons

Des fonds ont également été approuvés pour la construction d’un nouveau centre correctionnel multifonctionnel de 325 lits pour remplacer l’actuelle prison de Thunder Bay et le centre correctionnel de Thunder Bay, ainsi que d’un nouveau centre correctionnel multifonctionnel de 725 lits pour remplacer le centre de détention d’Ottawa-Carleton existant.

Ces investissements contribueront à augmenter la capacité et à réduire la surpopulation dans les établissements provinciaux, estime Mme Lalonde.

Une meilleure collaboration avec le ministère de la Santé et des Soins de longues durées pour limiter l’usage de l’isolement cellulaire dans les cas de détenus atteints de problèmes mentaux est également prévue. 

Aucun échéancier n’a toutefois été fourni par la ministre Lalonde pour l’implantation de cette réforme. Un autre rapport de M. Sapers est prévu cet été pour faire un suivi des réformes dans le milieu carcéral.