Joly lance le processus de révision de la Loi sur les langues officielles

La ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, Mélanie Joly, à l'Université d'Ottawa. Crédit image: Benjamin Vachet

OTTAWA – La ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, Mélanie Joly, a annoncé, ce lundi matin, à l’Université d’Ottawa, le début des consultations sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles.

Alors que la première Loi sur les langues officielles fête, cette année, son 50e anniversaire, le gouvernement de Justin Trudeau entame sa réflexion pour renforcer la Loi « afin qu’elle réponde aux nouveaux défis posés par les transformations de la société » et « conserve son effet positif à long terme ».

« De nouveaux enjeux nous poussent aujourd’hui à vouloir réviser cette Loi, dont le rôle du numérique et des nouvelles technologies de l’information au sein des institutions gouvernementales ou encore les défis démographiques des communautés de langue officielle en situation minoritaire », a expliqué la ministre Joly, lors d’une assemblée publique à l’Université d’Ottawa.

 

Consultations

Afin de réaliser cet examen, le gouvernement annonce une série de consultations qui prendront la forme de cinq forums, également accessibles en ligne, et de dix tables rondes, dans les prochains mois, à travers le pays.

Ce mardi, Moncton accueillera le premier forum, consacré à la promotion de la culture et du bilinguisme. Le 18 mars, à Ottawa, il sera question des institutions fédérales. Le 15 avril, le forum de Sherbrooke s’intéressera aux langues officielles et à la place du Canada dans le monde. Enfin, Edmonton accueillera un forum, le 23 avril, sur la mobilisation, le développement et l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire, tandis que le lendemain, à Vancouver, les discussions porteront sur les langues officielles à l’ère numérique.

La professeure de sciences politiques à l’Université d’Ottawa, Linda Cardinal, espère que l’exercice permettra de faire mieux connaître la Loi sur les langues officielles et d’aborder de nouvelles questions.

« J’aimerais que cet exercice serve à rappeler aux Québécois francophones et aux anglophones majoritaires que cette Loi les concerne et n’est pas juste pour les minorités. »

Ces consultations s’achèveront avec un symposium sur les langues officielles les 27 et 28 mai, à Ottawa.

« Notre objectif est d’avoir complété ce processus-là d’ici la fin de la session parlementaire. Et, je l’espère, quand on sera réélu pour un deuxième mandat, on pourra procéder à la modernisation de la Loi qui en a vraiment besoin », a insisté la ministre Joly.

Le porte-parole aux langues officielles du Parti conservateur du Canada (PCC), Alupa Clarke, doute de la pertinence de ce processus.

« Cette annonce constitue une tentative de diversion du dossier SNC-Lavalin et de la crise gouvernementale. Je ne vois pas ce que Mme Joly va aller chercher de plus avec ces consultations. C’est une perte de temps et la seule chose qu’on apprend aujourd’hui, c’est que la modernisation n’aura pas lieu pour le 50e, en 2019. »

 

Front commun

Les consultations annoncées par la ministre libérale interviennent alors que les comités des langues officielles au Sénat et à la Chambre des communes travaillent déjà sur le dossier et que le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, présentera ses recommandations dans les prochains mois.

Alain Dupuis, directeur général de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, qui a présenté, la semaine dernière, son propre projet d’une Loi sur les langues officielles modernisée, voit tout de même dans ces consultations gouvernementales une occasion de débattre des idées que son organisme a lancées.

« C’est important que le gouvernement entende parler pas juste des organisations, mais aussi les citoyens. J’encourage donc nos communautés à participer. »

Le directeur général de la FCFA, Alain Dupuis. Archives #ONfr

 

Trop tard?

Le premier ministre Justin Trudeau s’était engagé à revoir la Loi sur les langues officielles en juin dernier. La ministre Joly conteste toutefois que son gouvernement ait tardé à agir.

« Entre temps, on a déployé le Plan d’action sur les langues officielles, on s’est aussi battu aux côtés des Franco-Ontariens pour défendre leurs droits linguistiques. (…) On en a fait beaucoup! Et puis, on voulait bien faire les choses. Ces consultations vont nous permettre d’avoir plusieurs points de vue. »

Le directeur général de la FCFA reconnaît qu’il aurait aimé que le processus soit lancé plus tôt. Du côté du porte-parole aux langues officielles du Nouveau Parti démocratique (NPD), François Choquette, la proximité des élections fédérales inquiète.

« C’est bien de mener ce processus qui permettra sans doute de confirmer ce qu’on a déjà entendu. Mais j’aurais aimé que ce soit fait avant, afin que ça ne devienne pas des consultations préélectorales. J’espère qu’elles seront faites de manière sérieuse et non partisane, comme ça devrait toujours être le cas en matière de langues officielles. »

Le député conservateur Alupa Clarke abonde dans le même sens et accuse la ministre Joly de partisanerie.

« Mme Joly continue à en faire un enjeu partisan! Elle prend les communautés en otage en disant que la modernisation aura lieu dans un prochain mandat libéral. Au lieu de s’attaquer à l’opposition, elle ferait mieux de s’assurer que la Loi soit appliquée! »

La politologue, Linda Cardinal, analyse l’impact de cette annonce à l’orée de la campagne électorale.

« Au départ, la modernisation n’était même pas un enjeu. C’est venu de la FCFA et avec ce qui s’est passé le 15 novembre en Ontario, ça a provoqué chez beaucoup d’élus une certaine prise de conscience. Avec tout ce qui est arrivé au cours des derniers mois, peut-être que les partis vont intégrer cette question à leur plateforme et se positionner. »

Cet article a été mis à jour lundi 11 mars, à 15h03.

 


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