La francophonie totalement absente du discours du Trône

L'intérieur de Queen's Park. Crédit photo: Capture d'écran

TORONTO – Le français et les enjeux francophones ne faisaient pas partie du discours du Trône, prononcé ce jeudi. Le gouvernement progressiste-conservateur y a surtout répété ses thèmes de campagne.  

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

« Il ne faut pas vraiment se surprendre de ne pas avoir entendu parler de francophonie, car il n’y a eu aucune promesse phare sur ce sujet. Le discours du Trône s’est surtout concentré sur les principaux thèmes énoncés pendant la campagne électorale », souligne la politologue de l’Université d’Ottawa, Geneviève Tellier.

Mais du côté de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), on cachait mal une certaine déception à l’issue de la lecture du discours par la lieutenante-gouverneure de l’Ontario Elizabeth Dowdeswell, en ouverture de la 42e législature.

« Le Parti progressiste-conservateur s’était engagé pendant la campagne sur l’Université de l’Ontario français, la modernisation de la Loi sur les services en français et la santé en français, nous sommes un peu surpris qu’il n’en soit pas question aujourd’hui. On va laisser la chance au coureur, mais ça nous dit aussi qu’on va avoir beaucoup de travail pour partager l’information et faire connaître les dossiers », commente le président, Carol Jolin, à #ONfr.

L’AFO prévoit des rencontres politiques dès la fin du mois d’août, voire au début du mois de septembre, pour entamer ce travail.

Le NPD inquiet, les libéraux attentifs

La porte-parole aux Affaires francophones du Nouveau Parti démocratique (NPD), France Gélinas, se dit inquiète, mais aussi frustrée.

« Répondre au sondage de l’AFO pendant la campagne, ce n’est pas satisfaisant. Il aurait fallu tendre la main, envoyer un message. Là, on a eu droit à un discours de division, uniquement en anglais, sans même un « bonjour »! »


« Doug Ford ne nous connaît pas et ne semble pas vouloir nous connaître » – France Gélinas, députée néo-démocrate


En juillet 2014, après les dernières élections provinciales, le discours du Trône prononcé par David Onley en ouverture de la 41e législature pour le gouvernement libéral comportait quelques sections en français, ce qui n’était plus le cas dans ceux de 2016 et de 2018. Il y a quatre ans, on faisait également mention des Franco-Ontariens sur le dossier de l’accès aux études postsecondaires en français, tout comme en 2018, en évoquant l’adhésion de l’Ontario à l’Organisation internationale de la francophonie.

La députée néo-démocrate, France Gélinas. Crédit image : Archives #ONfr

L’ancienne ministre des Affaires francophones, désormais critique pour le Parti libéral de l’Ontario, Marie-France Lalonde, se montre plus mesurée.

« Il ne faut pas dramatiser et laisser la chance au gouvernement de démontrer que la francophonie est importante pour lui, comme me l’a mentionné la ministre Caroline Mulroney, hier. Je vais être attentive, d’autant que quand il était conseiller municipal à Toronto, M. Ford avait voté pour des mesures défavorables aux francophones [l’abolition du comité français]. Il y a un travail de sensibilisation à faire. »

La députée néo-démocrate juge qu’il faut hausser le ton dès maintenant. Elle compte aborder rapidement la question avec la ministre déléguée aux Affaires francophones.

« J’ai déjà eu une première rencontre avec Mme Mulroney. Elle semble très ouverte aux suggestions. Je vais lui dire que l’absence de français et de mention à la francophonie était une erreur remarquée. »

Moins vindicative, Mme Lalonde souligne que « la francophonie ne devrait pas avoir de couleur politique ».

« Tous égaux »

Au-delà de l’absence de mention, ce qui inquiète Mme Tellier, c’est plutôt la philosophie de ce nouveau gouvernement.

« On répète que les Ontariens sont tous égaux et qu’ils seront tous traités de la même manière. C’est inquiétant pour les francophones comme pour tous les groupes minoritaires, comme les autochtones, car cela signifie qu’on ne tiendra pas compte de leurs besoins particuliers. »

Autre motif d’inquiétude pour la politologue, la volonté clairement exprimée de réduire la taille de l’État qui pourrait signifier la fin de plusieurs programmes et services.

« On n’a toujours aucun chiffre pour savoir comment M. Ford va réaliser ses promesses, mais il y a une volonté claire d’avoir un État plus petit. Ce discours me rappelle celui du Parti libéral du Québec, il y a quatre ans, qui s’est traduit par des coupes dans tous les secteurs. Seule la santé pourrait ici être épargnée. »

À l’issue du discours, le gouvernement ne s’en est d’ailleurs pas caché, insistant sur les efforts à faire.

« Le changement ne sera pas aisé, mais la voie à suivre est claire. L’aide dont vous avez besoin est arrivée. »

Rappel des thèmes de campagne

De manière générale, Mme Tellier juge ne pas avoir appris grand-chose, ce jeudi, si ce n’est la création d’une commission d’enquête sur les finances publiques qui semble aller plus loin que la promesse d’un audit, formulée pendant la campagne.

Très axé sur les finances et l’économie, l’AFO devra adapter son discours à ce nouveau gouvernement.

« On veut montrer le potentiel économique de la francophonie, notamment grâce à l’adhésion à l’Organisation internationale de la Francophonie », lance M. Jolin.

Ce dernier assure toutefois qu’il ne délaissera pas les autres secteurs et thèmes importants pour la communauté franco-ontarienne.

Dernière mise à jour le jeudi 12 juillet, à 16h26


POUR EN SAVOIR PLUS :

Rentrée à Queen’s Park : UOF, LSF et TFO au menu francophone