La Laurentienne : une possibilité de jours meilleurs pour les francophones?

L'Université Laurentienne. Crédit image: Pascal Vachon
L'Université Laurentienne a connu plusieurs difficultés financières dans les dernières années. Crédit image: Pascal Vachon

[ANALYSE]

SUDBURY – Il y avait cette semaine, dans la francophonie ontarienne, des relents des crises de l’Hôpital Montfort et celle de l’automne 2018. En supprimant 69 programmes dont 28 en français, l’Université Laurentienne s’est attiré les foudres des Franco-Ontariens.

La « mort » du bilinguisme à La Laurentienne pour l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), « un bain de sang » pour la politologue Stéphanie Chouinard, ou encore les accusations de « honte » exprimées sans fioritures pour la centaine de professeurs congédiés, rarement le ton n’aura été si acrimonieux.

Les réactions sont à la hauteur d’un choc aux conséquences triples pour la région de Sudbury et le Nord de l’Ontario.

Humaines, tout d’abord. L’Université Laurentienne mettra plusieurs années à rebâtir la confiance avec son corps enseignant, et pour attirer de futurs étudiants. Certes, l’institution avait entamé une restructuration sous supervision judiciaire en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC). Beaucoup s’attendaient à des coupes, mais pas à une telle faucheuse.

Pour ce qui l’en reste de la deuxième université bilingue de l’Ontario, les conséquences pour la région sont économiques. Pendant des années, l’Université Laurentienne a formé des milliers de professionnels. Une main d’œuvre souvent bilingue et ô combien précieuse pour la région en proie à une pénurie de travailleurs et un déclin démographique.

La suppression du programme de sage-femme, le seul bilingue au Canada, aura un impact certain à long terme.

Enfin, impossible de passer sous silence le coup de semonce porté à la francophonie. Berceau des éditions Prise de parole, de CANO, ou du Théâtre du Nouvel-Ontario, La Laurentienne coupe la voix à des leaders d’opinion francophones importants. Depuis lundi, les professeurs Aurélie Lacassagne, Serge Miville, et Nadia Verrelli sont sans emploi.

L’Université de Hearst, une bonne note

Dans le tombereau de réactions suscitées par les annonces, une éclaircie est tout de même apparue. Ce jeudi, l’Université de Hearst s’est déclarée autonome. Jusqu’ici affiliée à La Laurentienne, l’institution recevait de l’argent du gouvernement, mais sans pouvoir décerner ses propres diplômes. Ce projet d’autonomie était sur les rails depuis plusieurs mois… se concluant à un moment clé de l’histoire de l’éducation postsecondaire de langue française en Ontario.

En devenant officiellement la deuxième institution « par et pour » les francophones après l’Université de l’Ontario français (UOF), l’Université de Hearst offre l’espoir d’un réseau d’universités fédérées autour du fait francophone. Une situation impensable il y a quelques années, mais qui garantirait aux francophones la pérennité de leurs programmes.

Car le drame de la crise de La Laurentienne, c’est aussi de constater la fragilité de ces mêmes programmes, en dépit des protections légales et juridiques. La loi sur les services en français, en vertu de laquelle l’université était assujettie, semblait pourtant garantir la protection du fait français…

Qu’adviendra t-il de l’Université de Sudbury?

Tous les regards se tournent logiquement vers l’Université de Sudbury laquelle pourrait devenir le troisième campus « par et pour ». C’est en tous cas le souhait formulé par la direction, bien que la demande n’ait pas encore été déposée au gouvernement. L’autre obstacle : La Laurentienne refuse catégoriquement d’offrir ses programmes en français à l’Université de Sudbury.

Difficile de prédire si l’adage « un mal pour un bien » se vérifiera, avec la naissance d’une éventuelle fédération 100 % francophone. En attendant des jours heureux, c’est la désolation qui persiste. Pour les Franco-Ontariens, la nécessité de se battre pour leurs droits paraît éternelle.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 17 avril.