La LCBO ignore les radios francophones

Le studio de radio d'Unique FM, à Ottawa. Archives ONFR+

OTTAWA – La Régie des alcools de l’Ontario (LCBO) n’a placé aucune publicité dans les radios francophones de la province, de janvier 2016 à septembre 2017, selon des documents transmis à #ONfr.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

« C’est en écoutant les radios anglophones de la région d’Ottawa que j’ai pris conscience que la LCBO y plaçait de la publicité », raconte Mathieu Manning, responsable de la programmation au FM 92.1, une radio francophone de l’Est ontarien. « J’ai donc demandé à notre représentante publicitaire de les approcher pour qu’ils annoncent aussi chez nous. »

Mais les démarches entreprises par l’agence MPV Radio, pour le compte du FM 92.1, se sont heurtées à un mur.

Dans un échange de courriels, dont #ONfr a obtenu copie, la société de la couronne, par la voix de PHD Media qui gère ses achats publicitaires, explique ne pas avoir le budget nécessaire pour pouvoir annoncer dans la langue de Molière.

« Étant donné le budget publicitaire, qui est petit, il n’y a pas d’argent pour l’étendre au français. »

Mais après vérification de M. Manning, en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, le budget publicitaire à la radio de la LCBO, de janvier 2016 à septembre 2017, atteignait tout de même près de 4,9 millions de dollars.

« C’est un budget très suffisant pour annoncer dans les radios francophones dont les prix sont bien moindres que dans les grandes radios anglophones urbaines pour un résultat très intéressant pour la LCBO si elle veut rejoindre la communauté franco-ontarienne », s’agace le responsable de la programmation au FM 92.1.

5 % du budget publicitaire demandé

Ce dernier rappelle également la règle non écrite, mais pas toujours respectée, qui incite la province à consacrer 5 % de son budget publicitaire – soit le poids démographique des Franco-Ontariens – à des annonces en français.


« On sait que les radios francophones sont en difficulté. Un 5 000 ou 10 000 dollars de plus en publicité feraient une grosse différence » – Mathieu Manning, FM 92.1


Contactée par #ONfr, la LCBO se défend en indiquant avoir plusieurs autres stratégies pour rejoindre les francophones, dont son application mobile bilingue ou ses sites internet lcbo.com, vintages.com ou encore, foodanddrink.ca. La régie des alcools de l’Ontario a toutefois refusé notre demande d’entrevue.

« Il y a 622 340 Franco-Ontariens, nous avons 26 régions désignées, je pense qu’il y a un effort à faire. Ces gens syntonisent les radios francophones, ils vont à la LCBO… », réagit le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Carol Jolin.

Collèges Ontario confond l’Ontario et le Québec

La société de la Couronne ontarienne n’est pas la seule à susciter l’ire des radios francophones ontariennes. La situation est la même avec Collèges Ontario, l’organisme qui représente les 24 collèges d’arts appliqués et de technologie de la province, dont La Cité et le Collège Boréal.

Pointé du doigt par l’AFO pour son absence de publicités dans les radios francophones, l’organisme assure, dans une lettre dont #ONfr a obtenu copie, avoir annoncé en français lors de sa campagne du printemps 2017 et prévoir recommencer dans le futur.

Seul problème, sur les cinq radios francophones citées dans le courrier de Linda Franklin, présidente-directrice générale de Collèges Ontario, trois se trouvent au Québec. Ainsi, dans la région de la capitale nationale, Rouge FM, le 104.7 et Énergie, basées à Gatineau, ont accueilli des publicités de Collèges Ontario, qui assure dans le même courrier ne jamais avoir annoncé dans les radios hors de sa province et ne pas en avoir l’intention.

« On ne fait pas la charité et on ne demande pas la mer à boire. La publicité dans nos radios c’est un investissement qui a un impact pour rejoindre les Franco-Ontariens », lance la directrice générale du Mouvement des intervenants en communications radio de l’Ontario (MICRO), Marie-Gaëtane Caissie.

Elle énonce les difficultés à faire avancer ce dossier au niveau provincial.

« À chaque fois qu’on essaie de sensibiliser les ministères, il y a un changement et il faut tout recommencer. Je ne sais plus ce que ça prend pour faire comprendre au gouvernement qu’il faut agir. »

La directrice générale du MICRO indique avoir rencontré la ministre des Affaires francophones, Marie-France Lalonde, l’automne dernier, pour évoquer le dossier. La ministre a refusé de s’exprimer lorsque contactée par #ONfr.


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