La politique jeunesse de Trudeau oublie les francophones

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau.

OTTAWA – Dévoilée par le premier ministre Justin Trudeau vendredi dernier, la toute première politique jeunesse du Canada déçoit la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF) qui regrette que les jeunes francophones en contexte minoritaire aient été oubliés.

Le premier ministre, qui détient également le portefeuille de la Jeunesse, a fait l’annonce de cette nouvelle politique lors du Sommet jeunesse du Canada, qui se tenait pour deux jours à Ottawa, réunissant des jeunes de 16 à 24 ans de partout au pays.

« Les enjeux importants pour les jeunes sont importants pour le Canada, et les enjeux importants pour le Canada sont importants pour les jeunes. Les jeunes se soucient profondément de leur pays et de son avenir, et nous avons besoin de leurs contributions pour bâtir une société plus forte et plus inclusive », a expliqué M. Trudeau par voie de communiqué.

Élaborée « par et pour » les jeunes, selon le gouvernement, cette politique doit leur permettre de faire part de leurs idées et de contribuer à la prise de décisions au niveau fédéral.

Mais dans le document de 16 pages, dans lequel on insiste sur le « droit des jeunes d’être entendus et respectés », nulle trace des jeunes francophones vivant en contexte minoritaire.

« On est déçu de ne pas voir l’aspect de minorité francophone inclus dans cette politique jeunesse, à aucun endroit. C’est très difficile à imaginer alors qu’on parle d’une politique jeunesse, dont l’objectif est d’avoir un meilleur futur pour la jeunesse et une jeunesse plus impliquée à laquelle on donne une place dans le système », explique la présidente de la FJCF, Sue Duguay, à ONFR+.


« C’est difficile à croire que dans un pays officiellement bilingue, avec une loi qui nous protège, on ne fait aucune mention des droits linguistiques, surtout dans le contexte du 50e anniversaire de la Loi sur les langues officielles » – Sue Duguay, présidente FJCF


La FJCF avait pourtant eu l’occasion de se faire entendre lors des consultations qui ont mené à la création de cette politique « par et pour » les jeunes.

« Le conseil jeunesse du premier ministre, avec lequel nous avons des liens, s’est occupé des consultations. On s’est assis à la table une fois avec eux, en janvier 2018. Ça a été bref, un petit dix minutes… (…) On a attendu des nouvelles, sans en avoir vraiment. Ça a été surprenant quand on a vu sortir la politique sans qu’on n’ait été plus consulté qu’il ne le faut… On osait croire qu’on aurait vu au moins le mot « francophone » ou « francophonie » ou « francophonie minoritaire » dans cette politique-là. »

Priorités communes

La présidente de la FJCF le reconnaît, son organisme et ses membres se retrouvent dans les priorités qui sont énoncées dans la politique, comme la santé et le bien-être, les opportunités d’apprentissage, l’emploi, l’environnement ou encore l’importance de la Commission vérité et réconciliation.

« Naturellement, les jeunes d’expression française, dans un contexte minoritaire ou non, ont des idées communes avec le reste de la jeunesse, comme l’importance de l’environnement, de l’économie ou de l’employabilité… C’est bien de voir que la jeunesse est écoutée et les six points qui sont sortis, nous les avons en commun. Mais ce qui est extrêmement important pour nous, c’est cette lunette de minorité francophone au pays, qui fait qu’il y a des réalités qui se vivent de façon différente. Quand on parle d’accessibilité à des soins de santé mentale, par exemple, la réalité n’est pas la même, on n’a pas le même accès à des services, notamment quand on habite dans des coins plus isolés. »


« On partage les intérêts de la jeunesse. On est la jeunesse nous aussi! Mais on a une réalité différente qui n’est pas représentée dans cette politique-là » – Sue Duguay, présidente FJCF


La FJCF qui représente les jeunes francophones en contexte minoritaire ne baisse toutefois pas les bras.

« Dans les discussions futures qui vont découler de cette politique, pour sa mise en pratique, c’est sûr que nous allons faire mention de la lunette francophone », assure Mme Duguay.

Critiques du NPD

Joint par ONFR+, le bureau du premier ministre insiste sur le fait que les jeunes ont été consultés pour élaborer cette politique.

« Plus de 5 000 jeunes Canadiens ont pris part à la conversation nationale, ce qui a donné lieu à plus de 10 000 réponses personnelles et 68 mémoires provenant de discussions dirigées par des jeunes et d’organismes au service des jeunes. En s’associant à des spécialistes de la mobilisation des jeunes et à des organismes au service des jeunes locaux, le gouvernement a adopté une approche axée sur les jeunes, qui a permis à des jeunes aux identités, aux aptitudes, aux antécédents, aux cultures et aux profils économiques et linguistiques variés de participer. De jeunes Canadiens ont ensuite analysé les informations issues du dialogue national pour façonner les éléments clés de la politique jeunesse. »

Les jeunes francophones ne sont pas les seuls à avoir critiqué la politique jeunesse du gouvernement Trudeau. La porte-parole pour la Jeunesse du Nouveau Parti démocratique, Anne Minh-Thu dénonce « une déclaration de principe et de vagues promesses ».

« C’est terriblement frustrant et décevant! Rien n’est mis en place pour contraindre le gouvernement à agir et respecter ses engagements. Rien non plus pour permettre aux jeunes de se prononcer sur les politiques publiques qui les affectent. La politique jeunesse du Canada devait être un plan de marche, accompagné de mesures précises, de mécanismes de suivi et de fonds dédiés à sa mise en place, afin de permettre aux jeunes d’être parties prenantes des décisions. »