La PPO débarque à Nipissing Ouest : craintes pour les services en français

NIPISSING OUEST – La police de Nipissing Ouest disparaîtra pour laisser place à la Police provinciale de l’Ontario (PPO), le 2 juin prochain. Des citoyens craignent une diminution des services en français dans cette communauté à près de 65 % francophone. L’absence de garanties écrites dans l’entente signée entre la Ville et le corps policier inquiète.

« Ma grosse crainte : que les services ne soient pas bilingues à 100%, comme ça l’était avant avec notre police locale. Il y a des gens dans notre communauté qui parlent juste le français. Quelqu’un qui est en détresse ne peut pas attendre 15 minutes pour qu’on lui trouve un traducteur! », lance Marcel Lafrenière.

Ce Franco-Ontarien de Sturgeon Falls, un secteur couvert par la municipalité de Nipissing Ouest, a fait de cette question une affaire personnelle. En fouillant dans le contrat signé avec la municipalité, il s’est rendu compte qu’à aucun endroit, on ne fait mention d’une quelconque exigence linguistique à l’endroit de la PPO.

Marcel Lafrenière, un citoyen inquiet du manque de garanties de la PPO. Crédit image : Étienne Fortin-Gauthier

« Tant que ce n’est pas sur papier, je n’y crois pas. Les bons papiers font de bons amis. Les promesses, ça peut changer. Il faut avoir une garantie. Que la centrale 911 soit bilingue, que les policiers le soient… Tout le monde en première ligne, au minimum », croit-il.

La question des services en français offerts par la police provinciale de l’Ontario provoque des discussions enflammées sur le groupe facebook « On s’parle Verner Let’s talk ». « J’assumais que dans des régions francophones, la police devait offrir des services bilingues. C’est bizarre que ça ne soit pas dans le contrat », écrit une participante.

« Un service de police bilingue est fondamental et il peut même sauver des vies. En parlant en français, un policier a le pouvoir de dénouer des situations de crise. Ce n’est pas une question frivole », renchérit une autre internaute. « Le Nouveau-Brunswick est la seule province officiellement bilingue », ajoute un autre, avec ironie.

Bilinguisme : des définitions différentes

Les réponses évasives de la police provinciale de l’Ontario dans ce dossier ne font rien pour rassurer les citoyens.

« C’est un contrat avec la Ville, donc la Ville doit répondre à vos questions. Je ne sais pas s’il y a des obligations linguistiques dans le contrat », a indiqué Carlo Berrardi, porte-parole de la Police provinciale de l’Ontario, dans un entretien avec ONFR+.

« Nous offrons des services en français à tout le monde quand ils en ont besoin. Nous allons continuer à offrir des services en français », ajoute-t-il. Combien d’officiers seront désignés bilingues en vertu de la Loi sur les services en français? Est-ce que les services offerts seront à 100 % bilingues comme c’est le cas actuellement sur le territoire de Nipissing Ouest? « Nous n’avons pas commencé à offrir des services à la municipalité. Le mieux est d’appeler la municipalité », a répondu le porte-parole de la PPO.

La question a aussi fait surface lors d’un forum public organisé par la police provinciale à Sturgeon Falls, en novembre 2017.

« Vous dites que vous devez respecter la Loi sur les services en français […] Vous devez offrir des services en français, mais ça ne signifie pas que vous devez offrir des services bilingues. La Loi sur les services en français n’a pas de dents. Comment pouvez-vous me garantir que les services en français seront toujours là? », a alors demandé le conseiller municipal Dan Roveda.

« Nous desservons plusieurs communautés désignées. Nous avons un certain nombre de postes désignés bilingues. Les officiers doivent répondre à certains standards. Nous allons offrir des services adéquats », a répondu Laura Houliston, du corps policier provincial.

Marcel Lafrenière, lui, n’est pas impressionné. Il affirme que la PPO joue avec les mots. Il n’a pas de doute que la PPO offre bien des services en français, mais seront-ils suffisants, se demande-t-il.

En théorie, une part importante des officiers de la police locale de Nipissing Ouest devrait faire le saut à la PPO et continuer d’être active dans la communauté. « Ma grosse crainte, c’est que lorsque certains vont se faire transférer ou prendront leur retraite, qui va les remplacer? Seront-ils tous aussi bilingues? Il y a pas de garanties sur papier », s’offusque-t-il. 

La mairesse a aussi des questions

La PPO devra être à la hauteur en matière de services en français, affirme la mairesse de Nipissing Ouest, Joanne Savage. Elle ne cache pas son agacement concernant certains aspects du dossier. « J’aurais voulu voir ça [des exigences linguistiques] dans le contrat pour avoir une assurance et répondre aux questions des citoyens. Mais lors de la signature, on nous a dit que ce n’était pas un protocole régulier pour la PPO que de venir devant le conseil et de répondre aux questions, aux points d’inquiétudes », rapporte-t-elle.

« Je vais être persévérante. Les services en français, ce n’est pas un luxe, c’est une nécessité », renchérit-elle, tout en soutenant que l’arrivée de la PPO s’accompagnera « d’une épargne » pour sa Ville.

La mairesse de Nipissing Ouest, Joanne Savage. Crédit image : Étienne Fortin-Gauthier

Elle confie qu’un membre de sa famille a vécu une situation d’urgence et qu’il n’a pas reçu d’aide en français. La police n’était pas impliquée dans cet incident, précise-t-elle, mais ce dernier lui a prouvé l’importance d’avoir des services dans sa langue maternelle.

Mme Savage admet qu’un obstacle se présente, cependant. « La réalité des choses, c’est qu’avec l’annexion de la PPO, on sera dans une zone qui fait partie d’un plus grand territoire : le détachement de Sudbury », dit-elle. Il n’est donc plus question de transiger avec un corps de police local, mais bien avec un service régional où la population est majoritairement anglophone. Elle espère que des réponses viendront dans le plan opérationnel proposé par la PPO au cours des prochaines semaines.