La rivière des Outaouais au cœur du patrimoine franco-ontarien

La rivière des Outaouais est de 1 271 kilomètres, elle traverse l'Ontario et le Québec. Source: Capture d'écran/ Réseau des rivières du patrimoine canadien

OTTAWA – La rivière des Outaouais, plus précisément, sa portion ontarienne, a été désignée rivière du patrimoine canadien en 2017. Ce patrimoine naturel possède en lui les fondations de l’identité franco-ontarienne. D’importance culturelle, la rivière des Outaouais fait partie des récits clés de l’histoire francophone en Ontario.

La rivière qui s’étend sur 1 271 kilomètres est aussi la frontière naturelle entre l’Ontario et le Québec. C’est la séparation des « deux francophonies », explique Diego Elizondo, expert en patrimoine franco-ontarien.

D’Hawkesbury Est jusqu’à Haileybury en passant par Ottawa et Mattawa, s’immisçant au travers de centaines d’îles comme l’île Petrie, Lemieux ou Kettel, la rivière des Outaouais déborde sur le lac des Allumettes ou encore le lac Deschênes.

Kitchissipi, soit « la grande rivière » en algonquin, a contribué à l’essor des villages franco-ontariens.

« En Ontario, son lit s’étire sur 950 kilomètres entre l’embouchure de Temiskaming Shores, au début du Nord de l’Ontario, et Hawkesbury Est », explique M. Elizondo. Elle est le principal affluent du fleuve Saint-Laurent à Montréal où elle se jette.

Le pont des Chaudières, c’est ici que Jos Montferrand aurait affronté 150 Irlandais.Source : Capture d’écran/ Réseau des rivières du patrimoine canadien

La région de l’Outaouais s’est développée en grande partie grâce à son cours d’eau et ses forêts. La rivière fut vitale pour que les premiers foyers francophones s’y établissent de façon durable. « C’est le plan d’eau qui a contribué le plus à servir la communauté », affirme l’expert.

La porte d’entrée et de sortie en Ontario francophone

Dans les années 1610 et 1613, Étienne Brûlé et Samuel de Champlain sont les premiers Européens à emprunter la rivière.  

Au milieu du 19e siècle, le cours d’eau est toujours utilisé par tous les explorateurs, cartographes, commerçants et missionnaires. Autrement dit : une autoroute à grand trafic.

« Vers la fin des années 1840 et surtout au début des années 1850, quand Orléans (à l’est d’Ottawa) fut fondé, les paroissiens voulaient avoir une église chez eux. À ce moment-là, il n’y avait pas de chemin terrestre et l’évêque d’Ottawa avait fait le voyage de Bytown à Orléans en empruntant la rivière, pour voir les forces en place », relate M. Elizondo.

La rivière est un important axe de transport. Source : Capture d’écran/ Réseau des rivières du patrimoine canadien

Bien évidemment, la rivière des Outaouais a toujours été au cœur du commerce. 7 000 ans d’échanges commerciaux, la route du cuivre, des fourrures et du bois ont joué un rôle déterminant dans le développement de la région.  

Voie économique tout autant que diplomatique, la rivière des Outaouais a joué un important rôle jusqu’à la fin des années 1980, perpétuant des traditions comme celle de la drave, le transport de troncs d’arbre par flottage. Parmi les ouvriers forestiers draveurs, on pouvait compter de nombreux Canadiens français, réputés pour être de fins connaisseurs de ce milieu naturel.

Une rivière propice

Au milieu du 19e siècle, commence aussi la fin du commerce de la fourrure, qui, à l’origine, vient de la venue des premiers Français. Selon certains historiens, les premiers foyers francophones en Ontario se sont ensuite tournés vers la coupe du bois. C’était le cas, dans l’Est ontarien, mais aussi dans les grandes régions forestières comme à Mattawa.

 « Le bois de la région d’Ottawa était acheminé par la rivière des Outaouais, jusqu’à Québec », rapporte M. Elizondo. Par la suite, avec la construction de chemins de fer et des routes, l’utilisation de la rivière a diminué.

Si les Canadiens français se sont installés dans la région de l’Outaouais, c’est probablement le transport fluvial et le commerce qui a rendu pérenne leur implantation. La rivière est l’une des toutes premières routes transcanadiennes. Elle traverse plusieurs municipalités franco-ontariennes, elle est aussi le réservoir de plusieurs bassins qui se trouvent plus ancrés dans les terres.

La rivière des Outaouais traverse Hawkesbury Est, l’Orignal, Lefaivre, Ottawa et bien d’autres municipalités de l’Est ontarien. Source : Capture d’écran/ Réseau des rivières du patrimoine canadien

Dans Prescott-Russell, c’est « toute une panoplie » de villes et villages qui se trouvent, directement ou non, rattachés au cours d’eau, souligne Diego Elizondo. « Mais c’est aussi le cas à Mattawa, plus au nord. Ce village possède d’ailleurs une église qui trône près de la rivière, ainsi que trois croix qui la surplombent depuis le sommet d’une colline. »

Souvenirs et légendes franco-ontariennes autour de l’Outaouais

L’expert évoque aussi plusieurs anecdotes sur les îles qui jonchent le passage de la rivière. Comme à Orléans, l’île Petrie qui porte le nom d’Archibald Petrie, membre de l’Assemblée législative du Haut-Canada. « Ce qui est intéressant avec ce nom, c’est qu’Archibald Petrie (bien qu’il était Écossais) est la première personne à avoir amassé des fonds pour construire un tronçon routier entre Montréal et Ottawa », raconte-t-il.

« Si on suit ce chemin, « qui change de nom à plusieurs reprises », c’est en fait la route qui a remplacé la rivière des Outaouais. »

D’ailleurs, « l’île Petrie était une île privée appartenant à une famille franco-ontarienne de la région : la famille Grandmaître », explique l’historien.

Dans l’imaginaire franco-ontarien, il existe enfin une figure légendaire : Jos Montferrand. Reconnu pour ses exploits d’homme fort, ce draveur de l’Outaouais aurait accompli plusieurs exploits, dont il est difficile de déterminer s’ils sont fictifs ou non. « La légende dit que lors d’une bataille de rivalité entre les Irlandais et les Canadiens français, à lui seul, il aurait battu 150 Irlandais sur le pont Union (des Chaudières) entre Hull et Bytown ».

Diego Elizondo est expert en patrimoine. Archives ONFR+

En 1962, Hydro-Québec avait construit la centrale de Carillon, qui a fait augmenter de plusieurs niveaux la rivière. Plusieurs débordements auraient englouti « les vestiges du fort de Dollard, un épisode malheureux dans l’histoire des Franco-Ontariens ».

« Cette montée des eaux a eu un impact et ça a été une perte pour le patrimoine », affirme Diego Elizondo. En effet, en 1660, près d’Hawkesbury, vraisemblablement là où se situe le barrage de Carillon, « s’est déroulée la bataille du Long-Sault, au fort de Dollard, qui a opposé les Français aux Iroquois ». On l’appelle l’Exploit du Long-Sault. Aujourd’hui, il ne reste plus rien de ce vestige.

« La rivière est maintenant un lieu à la fois historique et récréatif très prisé des Franco-Ontariens », ajoute-t-il. « Le circuit touristique Champlain met en valeur les villages franco-ontariens qui se trouvent sur le passage et le cours d’eau rappelle l’héritage de Samuel de Champlain et les fondements d’une identité commune ».

« Les gens se sont naturellement imprégnés de la rivière, ils l’ont sublimé, c’est la colonne vertébrale de l’Est. »