L’AFO demande une plus grosse part

Le président de l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario (AFO), Carol Jolin. Crédit image: Archives #ONfr

[ANALYSE]

OTTAWA – Mieux partager la part du gâteau cédé aux organismes francophones. L’objectif de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) n’est pas nouveau. Sauf que le président, Carol Jolin, a maintenant un chiffre. Que 30 % de cette part du fédéral aille directement en Ontario.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Chiffres à l’appui de Patrimoine canadien, l’AFO cite un argument de taille. Les francophones de la province n’ont obtenu sur l’année financière 2015-2016 que 23 % des investissements du ministère. Un chiffre qui serait bien trop faible pour une province laquelle représente plus de 50 % des francophones en contexte minoritaire.

Les calculatrices de l’AFO sont mêmes formelles. Un Franco-Ontarien recevrait même moins de 4 $ par tête sur la même période, contre quasiment 600 $ pour les francophones présents dans les territoires.

Pour l’AFO, il faut profiter du dévoilement du Plan d’action pour les langues officielles dans quelques semaines pour réajuster le chiffre. Le calcul est simple : il ne s’agit pas de prendre l’argent des autres provinces, mais plutôt profiter de l’éventuelle augmentation pour mieux répartir.

Les 1.1 milliard du Plan d’action, autrefois appelé Feuille de route, ne sont bien sûr pas les seuls deniers des investissements de Patrimoine canadien. Mais ils constituent la plus grosse partie des investissements de ce ministère pour les communautés francophones de Saint-Boniface, Moncton ou encore Sudbury.

 

Momentum favorable

Pourquoi donc une telle sortie? Car il y a fort à parier que derrière les portes closes, la démarche de l’AFO doit faire grincer les dents des autres organismes provinciaux. En réalité, Carol Jolin sait qu’il a les coudées franches pour agir de la sorte. Outre les chiffres éloquents, le président a plutôt une bonne oreille de la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly.

L’AFO a aussi peu à craindre d’une réaction publiquement hostile de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA). D’une, l’AFO reste le plus gros joueur de l’organisme porte-parole des francophones en milieu minoritaire. Secondo, on ne peut aller contre la vertu en exigeant une hausse de la Feuille de route sur les langues officielles, et une meilleure répartition.

 

Des limites possibles à la démarche de l’AFO

Reste que le pari de l’AFO est risqué. Il pourrait nuire au front commun affiché par cette même FCFA. Depuis « l’ultimatum » de Jean Johnson au gouvernement du Canada pour des « gestes significatifs », les organismes membres ont soutenu avec force les demandes de bonification du président.

L’autre petite inquiétude est plus « mathématique ». L’équation de l’organisme n’est-elle pas trop simple? Les anglophones du Québec, lesquelles représentent une population similaire au Franco-Ontariens, pourraient être tentés de demander bien plus. Pour le moment, le Québec demeure la seconde province en termes de fonds reçus pour la minorité de langue officielle derrière l’Ontario.

De plus en plus, les deniers du Plan d’action sur les langues officielles prennent du retard. Le gouvernement fédéral a théoriquement jusqu’au 31 mars pour dévoiler le montant. Nul doute que l’équipe Trudeau attendra la présentation du budget fédéral pour réserver ses annonces.

De la somme de 1.1 milliard, on attend tout de même mieux. Surtout quand on sait que de ce milliard, une grande partie va dans les tirelires des gouvernements provinciaux pour promouvoir la francophonie. Difficile d’en savoir plus sur la réelle utilisation des fonds.

Pendant ce temps, le montant inchangé depuis plus d’une dizaine d’années continue de placer bon nombre d’organismes communautaires dans une situation irrespirable.

 

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 12 février.