Langues officielles : rapprocher francophones et anglophones

Mélanie Joly Gracieuseté

MONCTON – Le prochain plan d’action du Canada en matière de langues officielles veillera à stimuler le bilinguisme, mais aussi la cohésion sociale entre francophones et anglophones. C’est ce qu’a indiqué la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, à l’occasion de la consultation de Moncton sur les langues officielles, mardi 16 août.

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg

Bon nombre d’intervenants qui ont pris part aux derniers volets des consultations en Atlantique et au Québec observent qu’une grande partie de la population canadienne ne semble pas comprendre la raison d’être du bilinguisme.

« On ne fait pas assez de promotion sur le pourquoi des langues officielles et du bilinguisme. Certains ne connaissent pas les fondements de la chose. Ce n’est pourtant pas arrivé comme un cheveu sur la soupe! », a lancé un intervenant lors de la consultation de Moncton.

Nathalie Leblanc Gracieuseté
Nathalie Leblanc

« Il faut favoriser les échanges culturels entre anglophones et francophones », a renchéri Nathalie Leblanc d’un groupe communautaire de Shediac.

Suite à ces commentaires, la ministre Mélanie Joly a pris la parole pour insister sur les deux vecteurs principaux qui se retrouveront dans le plan d’action sur les langues officielles au terme des consultations.

« Il y a d’abord la vitalité des communautés en situation minoritaire, puis l’aspect du bilinguisme et de la cohésion sociale. Ces deux vecteurs ne sont pas en compétition », a-t-elle insisté.

Alexis Couture, avocat et jeune leader francophone du Nouveau-Brunswick, a paru satisfait de cette annonce lors des consultations. Il a dit à la ministre qu’il observait une augmentation des tensions entre les francophones et les anglophones. « Il faut avoir plus de compréhension et d’appréciation mutuelle », a-t-il fait valoir.

Preuve de ces tensions, un représentant de la Anglo society of New Brunswick a insisté sur la colère qui monte chez certains anglophones du Nouveau-Brunswick frustrés de ne pouvoir accéder à de nombreux postes de la fonction publique, faute de parler les deux langues officielles.

« Sous la surface, il y a une colère qui bout », a-t-il illustré.

L’idée d’un rapprochement entre les deux solitudes reste toutefois une volonté partagée par la majorité des participants à la consultation. C’est également un souhait qu’Alexis Couture voudrait élargir aux relations entre les francophones en situation minoritaire et… les Québécois.

« J’ai étudié au Québec et on nous a parlé de la déportation des Acadiens. Mais on a oublié de nous dire qu’il en restait encore aujourd’hui au Nouveau-Brunswick! », a-t-il lancé, avec exaspération. « Il faut se connaître plus et avoir plus d’échanges », a-t-il ajouté.

Une perspective partagée par Gino LeBlanc, directeur de l’Institut canadien de recherche en politiques et administration publique de l’Université de Moncton. Selon lui, il faut plus de collaboration entre les francophones et le gouvernement doit être un acteur de premier plan dans cette sphère.

« Patrimoine canadien pourrait jouer un rôle plus important », a-t-il dit, citant des partenariats existants dans le monde de l’éducation et de la culture.

M. Leblanc a aussi fait valoir que les ministères doivent faire preuve davantage de rigueur en matière de langues officielles. « Il y a eu un glissement dans les derniers dix ans », a-t-il dit.

Mélanie Joly a admis que plusieurs organes du gouvernement travaillent depuis un moment « en silo » et que des changements devront être apportés pour le bien du prochain plan d’action.

consultation

Préoccupations similaires chez les anglophones

Plusieurs des inquiétudes partagées lors des consultations par les francophones en situation minoritaire rejoignent celles des anglophones qui se sont exprimés à Sherbrooke, il y a une dizaine de jours.

Dans les Cantons-de-l’Est, où ce sont les anglophones qui sont en minorité, il a été abondamment question du rôle que doit jouer le gouvernement en matière de langues officielles. L’État a été trop effacé au cours des dernières années, ont affirmé plusieurs intervenants. Une infirmière suggérait notamment que le gouvernement finance davantage les cours de langue, afin que plus d’anglophones puissent apprendre le français et vice versa.

La question identitaire chez les jeunes est aussi une préoccupation que partagent francophones et anglophones. « Il est difficile pour un jeune en situation minoritaire de bâtir son identité », avait affirmé une intervenante à Sherbrooke.

Sue Leblanc

À Moncton, c’est la présidente de la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick, Sue Duguay, qui a porté ce message.

« Dans des provinces comme le Nouveau-Brunswick, où le français n’est pas toujours cool, les gens ne parlent pas toujours français. Il faut trouver le courage de dire « bonjour », plutôt que  »hello » dans les commerces. C’est un choix politique qui demande une force de caractère », a souligné la jeune femme, originaire de Miramichi.

La prochaine séance des consultations sur les langues officielles se déroulera à Québec le 23 août.