L’année mouvementée de l’Ontario français

Pour le chroniqueur Serge Miville, le projet de création d'une université franco-ontarienne, c'est l'temps! Archives, #ONfr

[CHRONIQUE]

L’année 2015 a été mouvementée en Ontario français. Les célébrations du 400e de la présence française en Ontario ont donné lieu à de nombreux débats et événements commémoratifs et à des prises de position politiques qui ont rompu avec une tradition de débat amorphe.

SERGE MIVILLE
Chroniqueur invité
@Miville

La question la plus discutée en Ontario français en 2015 fut sans doute celle de la création d’une université franco-ontarienne. Le débat fait toujours rage, alors que l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) s’est engagée, à l’instar du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), à mener la campagne lancée pour la création d’une institution de langue française. La région de Toronto a un besoin criant pour une réforme de son système universitaire francophone, car le collège Glendon, affilié à l’Université York – l’institution fut conçue pour apprendre le français à l’élite torontoise et l’anglais à l’élite québécoise – ne répond pas présentement aux besoins de la communauté.

L’Université Laurentienne a d’ailleurs cherché à doubler le RÉFO et l’Université d’Ottawa en se dotant d’une désignation partielle en vertu de la Loi 8 sur les services en français, et en se vantant d’offrir de nouveaux programmes en génie en français, du moins, partiellement. L’université « bilingue et triculturelle » tente, tant bien que mal, de ménager la chèvre et le chou. Reste à voir comment elle réagira si jamais le projet de loi de France Gélinas sur la création d’une université franco-ontarienne voit le jour.

De son côté, l’Université d’Ottawa a fait preuve d’une certaine arrogance. Son recteur, Allan Rock, affirmant sans nuances que son institution était l’université franco-ontarienne. Bref, une journée comme une autre à l’Université d’Ottawa qui a toujours prêché l’idéologie du bilinguisme comme essence du pays.

En fait, on se demande : qu’est-ce, au juste, une université franco-ontarienne? L’Université de Hearst a tenté tout au long de l’année de convaincre la population franco-ontarienne qu’elle était la vraie université franco-ontarienne, même si la province ne lui reconnaît que le nom de Collège universitaire de Hearst.

L’université en Ontario français est un vrai casse-tête. Mais soyons conséquents, toutefois : nous avons un meilleur système qu’en Acadie, en ce sens que nous sommes en mesure de former des médecins, des avocats, des doctorants dans de nombreux domaines en français en Ontario. Toute modification du système universitaire qui limiterait l’accès aux études supérieures est un pas en arrière et doit être rejetée de manière catégorique.

400 ans… pendant cinq ans?

Soyons honnêtes, l’argent de la province pour le 400e était fort apprécié. On a pu faire des centaines d’activités, allant de colloques interdisciplinaires sur l’Ontario français à des partys de tire de la Saint-Catherine (croyez-moi, j’y étais!). On a même fait faire une statue à coup de millions en Huronie, à Penetanguishene, où on a réécrit un peu l’histoire pour faire valoir Champlain comme un humaniste qui admirait les autochtones et traitait avec eux sur un pied d’égalité. En réalité, il n’avait pas de choix : une poignée de Français contre des peuples entiers, il faut être gentil.

Ça fait d’ailleurs cinq ans qu’on célèbre en Ontario français, montrant à voir toute l’ambiguïté qu’ont les Franco-Ontariens par rapport à leur histoire. Ce n’est pas une mauvaise chose, mais bien un constat très intéressant. On veut faire partie de l’histoire québécoise tout en maintenant notre originalité, une distance régionale.

Des politiciens… motivés

France Gélinas et son ancien collègue Glenn Thibeault, devenu soudainement libéral, ont été particulièrement actifs sur la scène politique. Ce n’est rien de surprenant pour la députée de Nickel-Belt, car Mme Gélinas est de loin la meilleure députée franco-ontarienne. Elle a de bonnes chances de faire adopter son projet de loi sur l’université.

Comme un cheveu sur la soupe, Glenn Thibeault, dont on ignorait la sensibilité pour l’histoire, a décidé qu’il fallait des excuses officielles pour le Règlement XVII. J’ai affirmé que les bases de ces excuses sont douteuses comparées aux autres – j’y tiens, d’ailleurs, à cette analyse –, cela dit, j’ai été agréablement surpris que les journaux anglophones aient soudainement eu un intérêt pour l’Ontario français. Des excuses officielles doivent, toutefois, se jumeler à des réparations historiques. Donnons au moins à M. Thibeault l’occasion de récupérer de sa chirurgie. Guettons-le, toutefois, en 2016.

Voilà un trop court détour sur l’actualité politique franco-ontarienne. Cela faisait bien longtemps qu’on n’avait pas eu une année si intéressante. C’est à souhaiter qu’on y prenne goût pour 2016!

Serge Miville est candidat au doctorat en histoire à l’Université York.

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