Large déception chez les Franco-Ontariens après la sortie du budget

Le ministre des Finances a présenté hier une partie de son budget en s'exprimant en français. Photomontage ONFR+

Des sentiments très mitigés dominent dans la communauté après la publication du dernier budget. Le document met avant la modernisation de la Loi sur les services en français et l’aide à l’entrepreneuriat via la Fédération des gens d’affaires de l’Ontario, deux avancées déjà actées, mais reste muet sur le postsecondaire en français dans le Moyen-Nord.

« On a un vrai plan », a martelé le ministre ce jeudi en chambre. Mais pas encore pour le postsecondaire en français. De l’avis de plusieurs observateurs, le gouvernement aurait dû profiter de l’exercice 2022 pour reprendre l’agenda à son compte sur ce dossier après le rapport de l’ombudsman adjointe, chargée des services en français, révélant des négligences dans la gestion de la crise sudburoise.

« On est très déçu qu’il n’y ait pas eu d’annonce dans les semaines qui ont précédé le budget ni au moins un clin d’œil dans le budget au niveau de l’université pour le Moyen-Nord », regrette Denis Constantineau, porte-parole de la Coalition nord-ontarienne pour une université de langue française. « Pour nous dans le Moyen-Nord, la présence d’une université de langue française est une priorité pour les étudiants afin d’étudier près de chez eux », rappelle-t-il alors que la communauté sensibilise le gouvernement depuis un an.

François Hastir, directeur général du RÉFO. Gracieuseté

Sudbury : « Ce gouvernement doit rapidement présenter des actions concrètes » – François Hastir, directeur général du RÉFO

« Nous sommes évidemment déçus de ne pas voir d’engagement ferme de la province dans ce dossier de première importance », renchérit François Hastir, directeur général du Regroupement étudiant franco-ontarien. « Si ce gouvernement se veut vraiment être à l’écoute des besoins des francophones, il doit rapidement présenter des actions concrètes. » Et de dénoncer un « statu quo alors que l’heure devrait être à l’action. »

Quelque 9 millions ont bien été débloqués pour les filières autochtones et le gel des frais de scolarité maintenu pour la prochaine année (sans compensation pour les universités). L’avenir des Universités Laurentienne et de Sudbury est absent. Tout comme le postsecondaire, d’autres thèmes ont été évoqués sans décliner de réponse spécifique pour les francophones, à l’image de la réponse à la pénurie.

« On ne note pas de nouvelles mesures ciblées pour les francophones », regrette Carol Jolin, président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario. « Le budget annonce des initiatives importantes pour contrer la pénurie de main-d’œuvre en Ontario, en santé et en petite enfance, trois enjeux importants pour la communauté franco-ontarienne. Que veut faire le gouvernement à cet égard envers la communauté franco-ontarienne? » interroge-t-il, sur sa faim.

Des signaux positifs mais vagues sur le plan économique

Julien Geremie constate que beaucoup d’éléments que contient le document sont des répétitions issues de l’ancien budget comme le Cercle de feu : « On y fait encore mention mais ce serait bien que cela se matérialise », réagit le directeur général du Conseil de la coopération de l’Ontario.

Il salue en revanche la mention sur les gens d’affaires francophones, la hausse du salaire minimum ainsi que le renforcement du Fonds de développement des compétences, un programme en employabilité pour la requalification professionnelle sur le marché de l’emploi. M. Geremie croit que ces trois aspects représentent une part de la réponse à la pénurie de main-d’œuvre.

Il voit par ailleurs d’un bon œil le rôle que pourrait jouer Croissance Ontario : « Cette agence est censée injecter du capital de démarrage dans les entreprises et ce sera quelque chose à suivre de près, si ça se réalise concrètement », tout comme le programme Investissement Ontario (créé dans le dernier budget) mais dont les contours lui semblent encore flous.

Dominic Mailloux, président de la FGA. Crédit image Rudy Chabannes

« Dommage que les enjeux touchant notre communauté ne mobilisent pas plus » – Dominic Mailloux, président de la FGA

De son côté, la Fédération des gens d’affaires de l’Ontario, par la voie de son président Dominic Mailloux, se dit « rassurée de constater que le gouvernement prévoit un ensemble de mesures qui permettront non seulement de tirer bénéfice des forces économiques en place dans notre province, mais aussi d’aller chercher une nouvelle main-d’œuvre qualifiée ».

La réduction de la bureaucratie et des coûts pour les petites et moyennes entreprises, conjuguée à la simplification les démarches pour la venue de nouveaux arrivants sont d’importants atouts estime l’organisme-parapluie de l’économie francophone, faisant référence aux 15,1 millions de dollars promis sur trois ans dans le cadre du Programme ontarien des candidats à l’immigration.

La FGA trouve toutefois « dommage que les enjeux et questions touchant notre communauté franco-ontarienne ne mobilisent pas plus pour ce budget 2022 ».

Les enseignants tombent de leurs chaises

« Il est évident que le gouvernement utilise le dépôt du budget pour faire la promotion de sa campagne électorale », tacle pour sa part l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens. Sa présidente, Anne Vinet-Roy, ne relève « aucune information concrète pour le financement de l’éducation. Ce qui ne nous étonne malheureusement pas, puisque les investissements nécessaires et adéquats pour appuyer le bien-être et la réussite des élèves ainsi que les travailleurs en éducation ne semblent pas être une priorité pour ce gouvernement. »

Elle déplore que les montants alloués à l’éducation n’aient « pas été répartis selon les besoins réels des élèves et n’accordent pas la priorité à leur santé mentale, à leur bien-être et à leur réussite scolaire ».

Anne Vinet-Roy, présidente de l’AEFO. Archives ONFR+

« Un gouvernement qui pense à ses propres gains politiques plutôt qu’à l’éducation des futurs électeurs » – Anne Vinet-Roy

« De plus, nous savons que le gouvernement Ford souhaite en fait amputer de 12,3 milliards de dollars le financement des écoles au cours des neuf prochaines années. Nous sommes donc bien loin d’un « investissement historique » comme on l’aura entendu, et nous en sommes encore une fois à nous demander comment il se fait qu’un gouvernement qui se dit responsable puisse continuer à penser à ses propres gains politiques plutôt qu’à l’éducation des futurs électrices et électeurs de l’Ontario? »

Plusieurs intervenants joints par ONFR+ accueillent enfin favorablement l’augmentation de l’enveloppe dévolue au ministère des Affaires francophones à hauteur de 9 millions de dollars pour l’année, soit 3 millions de plus que lors de l’exercice 2021-2022 et la présence d’une mesure pour améliorer l’accessibilité dans les établissements des soins de longue durée pour les résidents francophones, avec un investissement de 300 000 $ pour développer du matériel en français.