L’avenir de la Loi sur les langues officielles entre les mains de la ministre Joly

L'ancienne ministre des Langues officielles et actuelle ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly. Crédit image: Stéphane Bédard

OTTAWA – Attendues depuis plusieurs mois, les lettres de mandat des ministres fédéraux ont été publiées ce vendredi. La ministre des Langues officielles, Mélanie Joly, se voit répéter l’objectif de déposer un projet de modernisation de la Loi sur les langues officielles en 2021.

Près de quatre mois après le discours du Trône dans lequel le gouvernement s’engager « à renforcer » la Loi sur les langues officielles « en tenant compte de la réalité particulière du français », le premier ministre Justin Trudeau demande à la ministre du Développement économique et des Langues officielles, Mélanie Joly, de « déposer un projet de loi en 2021 pour moderniser et renforcer la Loi sur les langues officielles et améliorer ses politiques et programmes d’application ».

Cela, dans le but de « favoriser l’épanouissement des communautés linguistiques minoritaires, protéger leurs institutions et accroître le bilinguisme dans tout le pays et dans la fonction publique » et de « prendre des mesures concrètes pour reconnaître le contexte minoritaire de la langue française en Amérique du Nord et la nécessité de la protéger davantage », indique le premier ministre.

« On est content de voir qu’il y a toujours une attention portée au dossier et une continuité par rapport à nos demandes », réagit le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Jean Johnson.

La FCFA demande un calendrier

Ces derniers mois, son organisme a réclamé à cor et à cri le dépôt d’un projet de modernisation de la Loi sur les langues officielles avant la fin de l’année 2020. Mais désormais, l’organisme porte-parole des francophones en milieu minoritaire se fait plus conciliant, refusant de fixer une date butoir.

« On va vouloir parler rapidement avec la ministre Joly, car l’élément qui manque, c’est un calendrier. 2021, ça peut être au printemps comme en décembre. Nous, ce qu’on souhaite, c’est que le délai soit le plus court possible, car ce sont nos communautés qui sont affectées. Mais la date doit venir du gouvernement et je pense que s’il y a la volonté politique, ça peut aller vite. »

Le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, Jean Johnson. Archives ONFR+

Pour la politologue au Collège militaire royal du Canada, Stéphanie Chouinard, les lettres de mandat dévoilées aujourd’hui démontrent toutefois que les Langues officielles ne sont pas dans les priorités gouvernementales.

« Ce qu’on lit dans la lettre de mandat de la ministre Joly est un copier-coller de ce qu’on a entendu dans le discours du Trône et dans l’énoncé économique. En fait, le gouvernement semble surtout privilégier le très court terme : la gestion de la crise de la COVID-19 et la préparation de l’après-pandémie. Le reste paraît superflu et il n’y a pas de grande réflexion pour la suite des choses. »

Pour Mme Chouinard, en procédant ainsi, le premier ministre semble confier à chacun de ses ministres le soin de faire avancer eux-mêmes les autres dossiers.

« Ça va être à l’opposition et aux organismes de maintenir la pression », dit-elle.

Première étape : le livre blanc

Mais la FCFA veut rester optimiste. Après avoir montré peu d’intérêt pour l’exercice, l’organisme attend d’en savoir plus sur le Livre blanc sur l’avenir des langues officielles, promis par la ministre Joly pour cet hiver.

« On a hâte de voir ce que va présenter la ministre et on veut s’investir pour s’assurer que cela va bien dans la direction que souhaitent nos communautés. »

L’organisme ciblera aussi le président du Conseil du Trésor, Jean-Yves Duclos, que le premier ministre charge d’aider la ministre Joly dans le dossier de la modernisation de la Loi, mais aussi « d’améliorer la supervision et la coordination pangouvernementale de la mise en application de la Loi sur les langues officielles au gouvernement ».

« Notre fonction publique doit continuer d’être forte et résiliente dans les deux langues officielles », souligne le premier ministre, alors que, ces derniers mois, plusieurs épisodes ont démontré la fragilité du français au sein de l’appareil fédéral.

Une ouverture pour le postsecondaire

Les ministres Joly et Duclos ne sont pas les seuls qui devront agir sur le dossier des langues officielles.

Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marco Mendicino, devra « soutenir la formation en français donnée aux Néo-Canadiens, tout en respectant la compétence provinciale et en offrant une complémentarité avec les mesures actuelles ».

Le nouveau ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, travaillera avec la ministre des Langues officielles « à mieux dénombrer et servir les communautés linguistiques minoritaires par l’entremise d’une étude détaillée suivant le recensement ».

Mais ce qui attire l’attention de M. Johnson, c’est la mission de Mme Joly de collaborer avec les provinces et les territoires pour accroître les investissements dans l’infrastructure éducative et communautaire, dont les établissements d’éducation postsecondaire, les programmes d’éducation en immersion et les programmes d’éducation en langue minoritaire.

« C’est un signe encourageant », dit-il, alors que l’avenir du Campus Saint-Jean est toujours menacé en Alberta. « Il y a aussi l’Université Saint-Boniface, l’Université de l’Ontario français et l’Université de Moncton qui ont des défis. C’est donc intéressant que le fédéral soit prêt à avoir ce dialogue. Ça va aider nos organismes dans leurs discussions avec leurs gouvernements provinciaux. »