L’avenir encore incertain du Bureau de la traduction

OTTAWA – Il y a deux ans, la ministre des Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC), Judy Foote, avait ouvert la porte à l’idée que le Bureau de la traduction redevienne un service obligatoire pour les différents ministères fédéraux. Deux ans plus tard, rien n’a réellement bougé, mais une décision attendue du gouvernement pourrait traduire ses intentions dans ce dossier.

En février 2017, devant le comité permanent des langues officielles, la ministre Foote, aujourd’hui remplacée par Carla Qualtrough, avait indiqué avoir demandé au président du Conseil du Trésor d’étudier la possibilité de faire en sorte que le Bureau de la traduction redevienne obligatoire.

Actuellement, les ministères ont le choix de faire appel au Bureau de la traduction ou de recruter directement leurs propres traducteurs pigistes, sans obligation de s’assurer que ces derniers soient accrédités par le Parlement, au détriment de la qualité, regrette notamment l’Association Internationale des Interprètes de Conférence (AIIC).

Le gouvernement silencieux

Deux ans plus tard, les choses n’ont guère bougé et jointe par #ONfr, la ministre Qualtrough n’a pas répondu à nos demandes d’entrevue. Le porte-parole du Nouveau Parti démocratique (NPD) en matière de langues officielles, François Choquette regrette l’inaction du gouvernement dans ce dossier.

« Cette recommandation n’a pas encore reçu l’aval du gouvernement et c’est une déception que ça traîne encore. Je crains que cela ne se règle pas avant les élections. Il y a pourtant un des avantages à utiliser le Bureau de la traduction qui a les expertises et compétences pour faire un travail de qualité. »

M. Choquette cite notamment les problèmes de traduction récurrents sur le site d’appels d’offres achatsetventes.gc.ca qui pourraient être corrigés si les institutions fédérales faisaient réviser leur texte par le Bureau de la traduction.

Son homologue conservateur Alupa Clarke milite pour un processus systématique et uniforme pour éviter de tels problèmes.

« Chaque ministère peut faire ce qu’il veut et utiliser Google translate. Mais quand on voit le résultat, on se dit que certains ne prennent pas leurs obligations linguistiques au sérieux. Il faut un rappel à l’ordre! »

Décision attendue

Le gouvernement aura prochainement l’occasion de démontrer le sérieux de ses intentions. Dans un rapport sur l’interprétation à distance, de plus en plus fréquemment utilisée dans les événements des ministères et des organismes fédéraux, le Bureau de la traduction recommande la mise en place d’un service d’interprétation à distance clé en main.

Cette recommandation survient après de multiples incidents ayant touché les interprètes pour cause d’équipement déficient, dont un en décembre qui a valu l’hospitalisation d’un d’entre eux pour un choc acoustique.

« Les équipements utilisés ne sont pas toujours adaptés et cela entraîne un risque pour la santé de nos membres », explique Linda Ballantyne, présidente d’AIIC, qui représente près de 150 interprètes accrédités au Canada, dont bon nombre travaillent comme employés ou comme pigistes avec le Bureau de la traduction.

Actuellement, ce dernier ne fournit que les interprètes pendant les événements, mais pas l’aspect technique.

Un message important

Si le gouvernement suit la recommandation proposée, cela enverra un message important, pense l’AIIC.

« Cela voudra dire que la santé et la sécurité des interprètes sont importantes pour le gouvernement, tout comme la qualité du service offert », argumente Mme Ballantyne, qui insiste que les interprètes de l’AIIC doivent passer des examens très rigoureux pour être accrédités par le Bureau de la traduction.

Le gouvernement pourrait toutefois décider que le Bureau de la traduction cesse d’offrir ce service qui atterrirait alors entre les mains du secteur privé.

« Cela aurait un impact sur la santé et la sécurité des interprètes, mais aussi sur le volume de travail du Bureau de la traduction et sur la qualité du service. Actuellement, il y a deux poids, deux mesures. Le Bureau de la traduction fixe de hautes exigences à ses interprètes, mais comme les ministères ne sont pas obligés de passer par lui, ils peuvent recruter des interprètes non qualifiés. »