Le bilinguisme, ça rapporte aux employés et aux provinces

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OTTAWA – Une étude du Conference Board du Canada, dévoilée ce mardi, illustre l’avantage économique du bilinguisme, autant pour les employés que pour les provinces.

Selon les résultats de son étude, Le bilinguisme anglais-français hors Québec : un portrait économique des bilingues au Canada, le Conference Board du Canada estime que les Canadiens bilingues, à l’extérieur du Québec, gagnent en moyenne 5 237 $ de plus, par année que les unilingues anglophones.

« Ce n’est pas parce qu’une personne est bilingue qu’elle va être mieux rémunérée, mais les gens bilingues ont aussi un niveau d’éducation beaucoup plus élevé qui va leur permettre d’obtenir davantage de postes de gestion, dans des industries où ils seront mieux rémunérés », explique Pedro Antunes, économiste en chef au Conference Board du Canada.

En Ontario, la présence de la fonction publique fédérale augmenterait la différence de salaire qui serait de près de 10 000 $ par année entre les employés unilingues et bilingues. Mais les avantages du bilinguisme ne sont pas seulement dans ce secteur, insiste M. Antunes.

« Il y a aussi une surreprésentation des personnes bilingues dans l’éducation, la santé, mais aussi dans les secteurs de la finance, des assurances, de l’immobilier, qui sont des secteurs à forte rémunération. »

En 2016, 10,3 % des employés canadiens hors Québec étaient bilingues. Ce pourcentage monte à 20,4 % pour l’ensemble du pays. Les résultats de l’étude envoient un message clair, dit l’économiste en chef.

« Le marché du travail est très mouvant. On parle beaucoup du futur de la main d’œuvre et de l’autonomisation… Ça prend une main d’œuvre flexible, capable de s’adapter. Le bilinguisme, c’est un des atouts, avec l’éducation bien sûr. »

Et en matière d’éducation, là encore, le bilinguisme s’accorde souvent avec un niveau d’étude plus élevé. Les bilingues à l’extérieur du Québec possèdent au moins un baccalauréat pour 37,1 % d’entre eux, contre 23,1 % pour les unilingues anglophones, selon les recherches du Conference Board du Canada, qui comprenaient notamment un sondage Léger auprès de 1 000 travailleurs bilingues hors Québec.

Avantage pour les provinces

Les travailleurs ne seraient toutefois pas les seuls à bénéficier de ce bilinguisme. Pour les provinces, il s’agit également d’un atout non négligeable puisque les personnes bilingues contribuent pour 134,8 milliards de dollars au Produit intérieur brut (PIB) du Canada hors Québec, selon l’étude. En Ontario, leur part est de 12,1 % du PIB, soit 76,5 milliards $.

Pour l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), qui tente de convaincre le gouvernement provincial des avantages du bilinguisme, cette étude donne un sérieux coup de main.

« C’est un argument de plus pour démontrer que les francophones participent activement à l’économie de la province », explique le président de l’organisme Carol Jolin.

Car selon Statistique Canada, le bilinguisme s’observe, sans surprise, davantage chez les francophones. Ces derniers représentaient 53,2 % de la population bilingue canadienne en 2016. Le taux de bilinguisme chez les anglophones était de 9,2 % pour la même année.

La pertinence d’investir

Commandé par l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC), qui regroupe 21 collèges et universités de la francophonie canadienne, le rapport du Conference Board du Canada démontre « la nécessité de l’enseignement postsecondaire et du rôle que doivent jouer les collèges et les universités de la francophonie canadienne dans la formation d’une main d’œuvre bilingue qualifiée qui participe à l’essor économique du Canada », estime la directrice générale, Lynn Brouillette.

Les chiffres de l’étude pourront nourrir les discussions avec les gouvernements, explique-t-elle.

« Ça fait longtemps qu’on dit aux gouvernements provinciaux et fédéral qu’il est important d’investir dans le postsecondaire, parce qu’il y a un retour sur investissement. On avait besoin de données concrètes, car pour certains, le discours économique est très important. Avec ces chiffres-là, on voit clairement que l’investissement dans nos collèges et universités vaut la peine. »

Un argument pour l’Université de l’Ontario français

L’ACUFC avait commandé cette étude au printemps dernier. Sa publication en pleine crise linguistique en Ontario où le gouvernement a décidé d’abandonner le projet d’université de langue française fournit une aide de plus à ses partisans.

« C’est un plaidoyer pour l’Université de l’Ontario français à Toronto, où on a de plus en plus de jeunes qui graduent au secondaire », juge M. Jolin. « Il faut leur donner des options et parmi ces options, c’est d’améliorer l’offre de cours au postsecondaire en français. L’Université de l’Ontario français est toute désignée pour ça. »


L’étude en quelques chiffres :

2,1 millions : le nombre de bilingues en âge de travailler à l’extérieur du Québec

37,1 % : le pourcentage des bilingues hors Québec qui ont au minimum un baccalauréat (contre 23,1 % pour des unilingues anglophones)

59 271 $ : le revenu moyen des bilingues en 2016 (contre 54 034 $ pour un unilingue anglophone)

134,8 milliards $ : la contribution des bilingues à la richesse du Canada hors Québec, soit 10 %