Le chef de la Police d’Ottawa savait 14 jours avant que les camionneurs arriveraient

Convoi de la liberté à Ottawa. Archives ONFR+
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OTTAWA – Peter Sloly, l’ex-chef de la Police d’Ottawa, a été averti le 13 janvier, soit près de deux semaines avant leur arrivée, qu’un Convoi de la liberté viendrait dans la capitale fédérale, mais ne croyait pas que ça durerait longtemps. C’est ce qu’il a affirmé vendredi lors de son premier jour de témoignage à la Commission sur l’état d’urgence qui doit se poursuivre toute la journée et lundi prochain.

Il dit avoir reçu le 13 janvier via courriel un rapport d’intelligence du Projet Hendon, une unité conjointe du Service de Police d’Ottawa (SPO) et la Police provinciale de l’Ontario (PPO).

Il dit avoir transféré ce courriel à ses chefs adjoints, Steve Bell et Patricia Ferguson. Cette dernière a affirmé lors de son témoignage à la Commission le 20 octobre qu’elle avait seulement eu connaissance de ce rapport le 27 janvier, soit deux jours avant le début de la première fin de semaine des manifestations.

Steve Bell était notamment chargé de faire l’évaluation des risques basés sur les rapports qu’ils recevaient dans le cadre du Projet Hendon. L’ex-chef de police a avancé qu’il ne lisait pas toujours les rapports au complet et qu’il se fiait à Steve Bell et son équipe pour évaluer les multiples rapports de la PPO du 20, 22, 26, et 28 janvier qu’a reçu son service de police.

Les témoignages des dernières semaines ont prouvé que plusieurs agences de sécurité et organisations avaient averti la municipalité et la SPO que les manifestants prévoyaient de rester plusieurs semaines. Peter Sloly s’attendait à un court séjour.

« Les rapports et breffages indiquaient un événement d’une fin de semaine. Certains arriveraient le jeudi (27 janvier) ou le vendredi. Certaines personnes auraient campé dans des tentes des jours après, des semaines ou des mois, mais rien d’anormal, en comparaison avec d’autres manifestations », soutient-il, qualifiant au passage la première fin de semaine de « rapide et dangereuse ».

Peter Sloly aurait remis sa démission.
Peter Sloly lors d’une conférence de presse en février dernier. Capture d’écran ONFR+

Les premières heures de témoignage de l’ancien dirigeant policier se sont déroulées sous l’interrogatoire d’un avocat de la Commission Rouleau. Les deux dernières semaines d’audience ont peint Peter Sloly comme un chef, lors de la crise, qui essayait de tout contrôler au sein de ses rangs.

Un commandant de la SPO, Robert Bernier, qui était chargé de la planification opérationnelle stratégique de l’événement, a témoigné mercredi qu’il était « frustré par la direction du chef Sloly, qu’il considérait comme une ingérence inappropriée dans son rôle de commandant de l’événement ».

Peter Sloly a rendu sa démission le 15 février, un jour après que le gouvernement Trudeau a invoqué la Loi sur les mesures d’urgence.

Le fédéral absent

Ce dernier a d’ailleurs pointé du doigt le Service de renseignement canadien qu’il a qualifié d’absent avant la crise. Il avance que la majorité des informations qu’il recevait provenait soit de ses propres rangs policiers ou principalement de la PPO.

« À ce jour, je me demande pourquoi je ne recevais aucun rapport de renseignement du fédéral », a-t-il critiqué.

« C’était une issue nationale, un événement national, qui a commencé en Colombie-Britannique rejoint par l’Atlantique et qui a été jusqu’au point le plus au Sud (du pays) à Windsor. Mais la grande majorité des rapports d’intelligences venait de la Police provinciale de l’Ontario », a-t-il ajouté.

Convoi de la liberté à Ottawa. Archives ONFR+
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« On aurait pu faire mieux »

L’ancien membre de la police torontoise n’a pas hésité à dire que la Police d’Ottawa « aurait pu mieux faire certaines choses ». La Commission a montré des extraits de messages qu’a reçus M. Sloly de la part de résidents inquiets que « des manifestants d’extrême droite » viennent dans la capitale fédérale. Il dit avoir senti un « désespoir » chez les habitants de la ville qu’il a rencontrés durant les événements.

« C’était raisonnable pour les gens de se sentir vraiment lésés (par le Service de police), car il n’y avait pas de vraies solutions ou une date fixée pour une vraie solution. »

Il a toutefois pris la défense de ses anciens policiers qui selon lui, ont été dépeints de façon malhonnête et « mal compris », notamment par les médias traditionnels, a-t-il évoqué.

« Personne ne comprenait le travail des hommes et femmes du SPO. Ça n’a jamais été mis au clair et c’est très malheureux (…) C’était trop pour eux, mais ils ont fait de leur mieux et je les en remercie », a-t-il lâché au bord des larmes.

Pour lui, la désinformation qui circulait autour de la situation a été dommageable.

« Lorsqu’un service de police perd la confiance du public, c’est un énorme risque. »

À la Commission hier, des textos entre la Commissaire de la GRC Brenda Lucki et de la PPO, Thomas Carrique a révélé que le fédéral est « en voie de perdre confiance » ou a « déjà perdu confiance » dans le SPO. Justin Trudeau, dans un appel avec le maire d’Ottawa Jim Watson, avait exprimé des doutes sur le leadership au sein du haut commandement de la SPO.