« Le chiffre de 300 millions de francophones est un point de référence » – Richard Marcoux

Richard Marcoux, professeur titulaire au Département de sociologie de l’Université Laval et directeur de l’ODSEF. Montage #ONfr

L’ENJEU :

Le nombre de francophones suscite toujours le débat en Ontario, au Canada, mais aussi dans le monde. Qui est francophone, qui ne l’est pas? Les réponses bien souvent divisent.

LE CONTEXTE :

Ce mercredi marque la Journée internationale de la Francophonie. Cette journée spéciale a été lancée en 1988, par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Elle est depuis célébrée tous les 20 mars.

QUI?

Richard Marcoux est directeur de l’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone (ODSEF), un réseau de chercheurs de 40 pays, dont le siège social est à l’Université Laval. La troisième édition de son ouvrage La langue française dans le monde sert notamment à l’OIF pour comptabiliser le nombre de francophones dans le monde.

« Peut-on considérer le chiffre de 300 millions de francophones dans le monde comme fiable?

Oui, et je vais le défendre, car c’est nous qui l’estimons. On (L’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone) a été créé il y a dix ans, car les membres de la francophonie étaient assez insatisfaits des données probantes. En 2014, on parlait de 274 millions de francophones, 300 millions de francophones pour la dernière étude. Ce chiffre-là est un point de référence. En gros, notre travail consiste à dénombrer les francophones, via le rapport La langue française dans le monde.

On essaye de réfléchir comment ça évolue, dans quelle dynamique s’inscrivent les chiffres. Dans ces 300 millions, on parle d’une « galaxie de 235 millions de francophones », c’est-à-dire les endroits où parler le français au quotidien est une réalité.

Qui sont donc ces francophones?

On appelle les francophones de la planète, les gens capables de s’exprimer et comprendre le français, grosso modo d’écouter TV5. Nous nous basons sur des données de bonne qualité, dans 94 % des cas issus de recensements et d’enquêtes. Dans celui de Statistique Canada, nous utilisons aussi la réponse sur l’utilisation du français.

Nous ne prenons pas en compte la langue maternelle, et si nous utilisions ces définitions, je n’utiliserais donc pas Léopold Sédar Senghor et Dany Laferrière. Pour l’Afrique, on utilise la capacité à lire et écrire en français, car cette question est utilisée dans les enquêtes de beaucoup de pays africains. Pour nous, on a 35 % de francophones au Sénégal, car 35 % savent lire et écrire le français.

L’Afrique est souvent vue comme l’avenir de la francophonie, pourquoi?

En 2050, on estime que 90 % des jeunes francophones vivront en Afrique. Il y a deux éléments clés : d’abord la croissance démographique, ce sont des tendances lourdes, car les jeunes qui vont avoir des enfants sont déjà nés. La seconde raison sont les investissements faits dans le domaine de l’éducation dans beaucoup de pays africains. L’école est vraiment un lieu de production francophone.

Est-ce que l’immigration africaine pourrait être une chance pour la francophonie au Canada?

Je crois que oui. La francophonie internationale est en train de s’internationaliser, elle se définit complètement. De plus, l’immigration a toujours été nourrie par des courants, et là, pour la première fois, l’Afrique dépasse l’Europe dans les migrations au Canada…

Contrairement à ce que l’on pense, le français stagne et perd du terrain en Europe, beaucoup plus qu’au Canada où la francophonie se maintient. Cette décroissance va être beaucoup moins importante qu’en Europe.

Quelque 700 millions de locuteurs dans le monde seront francophones selon vos données en 2050, est-ce que cela veut dire que le français pourrait supplanter l’anglais?

C’est une très bonne question. Je ne sais pas s’il faut le voir en compétition Les langues vont continuer à exister longtemps, mais je refuse de les mettre en compétition les unes contre les autres. Et puis chez les linguistes, il n’y a pas de consensus autour d’une langue unifiée, c’est le cas, par exemple, de l’arabe. Il est toujours difficile de faire rentrer les francophones dans une seule et même case. »