Le commissaire demande plus de services bilingues

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OTTAWA – Alors que le gouvernement fédéral révise sa manière d’offrir des services dans les deux langues officielles à travers le Canada, le commissaire aux langues officielles du Canada, Raymond Théberge, milite pour davantage de services bilingues. Une recommandation qui concerne surtout les francophones de l’extérieur du Québec.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Dans un rapport spécial publié le 10 mai, le commissaire Théberge demande des règles plus claires, plus cohérentes et adaptées à la nouvelle réalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

« L’urbanisation, l’immigration et l’exogamie ont changé le portrait sociodémographique des communautés », note-t-il.

Mais si le commissaire insiste pour parler des deux communautés de langue officielle, la majorité des exemples qu’il cite concerne surtout les francophones de l’extérieur du Québec.

Il insiste donc sur la nécessité de revoir la manière de définir ce qu’est un francophone, comme le proposait la sénatrice Maria Chaput dans un projet de loi au Sénat, afin de rendre cette définition plus inclusive, en y intégrant par exemple les familles exogames et les personnes qui parlent régulièrement le français à la maison.

Avant les élections de 2015, le porte-parole en matière de langues officielles du Parti libéral du Canada de l’époque, Stéphane Dion, avait assuré que son parti déposerait un projet de loi sur cette question. Une promesse qui est depuis restée lettre morte.

Incohérences

Mieux définir les francophones n’est pas la seule condition pour améliorer leur accès aux services fédéraux, juge toutefois le commissaire. Selon lui, il faut également simplifier la méthode de calcul d’une « demande importante ».

Depuis 1991, le gouvernement fédéral fixe plusieurs critères pour offrir des services bilingues, dont le nombre de personnes susceptibles de demander le service dans la langue officielle minoritaire, le pourcentage qu’ils représentent dans la population et de nombreuses autres conditions difficiles à comprendre.

« Le calcul est complexe, mais ce n’est pas aux gens de le faire pour savoir s’ils ont droit à un accès à des services bilingues! », dénonce M. Théberge.

Cette situation crée certaines incohérences, qu’on peut lire dans le rapport.

« La communauté de langue officielle de St. Paul, en Alberta, compte 615 personnes, ce qui équivaut à 11 % de la population totale. Ces personnes ont le droit de recevoir tous les services dans leur langue. La communauté de langue officielle de Brandon, au Manitoba, compte 640 personnes. Cependant, comme les membres de cette communauté représentent seulement 1,3 % de la population, seuls les services clés leur sont offerts dans leur langue. »

Raison pour laquelle il faudrait cesser de ne considérer que les nombres, explique-t-il.

« On en parle depuis plusieurs années et la Société de la francophonie manitobaine a même intenté une poursuite sur cette question. Un consensus se dégage : on doit tenir compte de la vitalité des communautés et pas seulement des pourcentages. Si on parle en nombres absolus, ça simplifie tout! »

Autre incohérence, le fait que des services fédéraux ne soient pas bilingues dans certaines provinces ou municipalités alors que les services de ces deux paliers de gouvernement y sont offerts dans les deux langues officielles, comme on peut le voir au Nouveau-Brunswick.

Quels coûts?

De l’aveu même du commissaire, de tels changements pourraient conduire à augmenter le nombre de services bilingues au Canada et donc les coûts.

« Ce n’est pas au commissariat de se pencher sur la question des coûts, mais le rapport Borbey-Mendelsohn [Le prochain niveau : Enraciner une culture de dualité linguistique inclusive en milieu de travail au sein de la fonction publique fédérale] a fourni des pistes de réflexion là-dessus. La question des coûts n’est de toute façon pas un argument valable, car le gouvernement a des obligations et nous parlons de droits fondamentaux qui font partie des valeurs canadiennes. »

Consultations en cours

Le commissaire justifie la publication de son rapport spécial par la démarche annoncée par le gouvernement fédéral, en novembre 2016, qui souhaite moderniser les règles qui déterminent où il doit fournir des services bilingues à travers le Canada.

« Il faut s’assurer que les modifications qui seront apportées entraînent une révision de fonds en comble de ce règlement. Il ne faut pas juste des petits changements. Le Commissariat aux langues officielles, comme institution indépendante, a une expertise à apporter, car nous vivons la Loi sur les langues officielles et son application au jour le jour. »

Le commissaire propose d’ailleurs d’imposer au gouvernement une révision régulière de la réglementation.

Le gouvernement prévoit faire des consultations publiques à l’automne sur le sujet. Un sondage en ligne est déjà disponible, et ce jusqu’au 30 juin, invitant les Canadiens à partager leurs expériences avec les institutions fédérales en matière de langues officielles et leurs suggestions.

L’adoption des nouvelles règles entourant la livraison de services bilingues de la part du gouvernement fédéral à travers le pays est attendue pour le printemps 2019.


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